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Sécurité, logement : les élus ultramarins exigent que l'État passe aux actes

Près de 800 maires et présidents d'intercommunalités ultramarins ont participé, le 21 novembre, à la Rencontre dédiée aux Outre-mer.

La Rencontre des élus d’Outre-mer s’est tenue, comme de tradition, en préambule du Congrès des maires, le 21 novembre, à Issy-les-Moulineaux (92). Les discussions se sont centrées sur deux thèmes clés, la sécurité et le logement, des sujets qui atteignent dans les territoires ultramarins «un dégré d’exacerbation exponentiel par rapport aux territoires métropolitains », a souligné le président de l’AMF, David Lisnard.

« La façon dont on aborde les Outre-mer à l’AMF est révélatrice d’une certaine vision de notre pays : c’est la conviction que l’égalité et l’unité nationale, ce n’est pas l’uniformité, a insisté le maire de Cannes (06). L’AMF est la chambre d’écho et de représentation des préoccupations et attentes légitimes de nos collègues d’Outre-mer, que nous partageons pleinement avec eux. » La représentativité des élus ultramarins au sein des instances de l’AMF a ainsi été renforcée depuis un an, avec l’intégration de l’Association des communes et collectivités d’Outre-mer (ACCD’OM) au bureau de l’AMF, et la création d’une délégation des maires des départements d’Outre-mer, en juin dernier.  
 

Sécurité : restaurer l’état de droit

Lors du premier débat sur la sécurité, la situation à Mayotte a tenu une place prépondérante. L’île connaît des troubles d’une violence extrême depuis dix jours «dans l’indifférence générale à Paris », ont déploré les élus mahorais. Estelle Youssouffa, députée de Mayotte, et Madi Madi Souf, président de l’Association des maires de Mayotte, ont lancé un cri de détresse, dénonçant «la barbarie » et «l’impunité » de centaines de mineurs qui sèment la terreur.

Face aux explosions de violence allant crescendo qui secouent l’île depuis trop longtemps, les élus ne se satisfont pas de la réponse de l’État qui consiste à envoyer sporadiquement quelques forces de l’ordre en renfort : une promesse, en juin, de déploiement d’un escadron de gendarmes mobiles, et l’annonce récente de l’envoi d’hommes du Raid, comme cela avait déjà été le cas en mars dernier. Ces mesures leur paraissent dérisoires face au défi à relever.

Si les problématiques sécuritaires s’avèrent bien différentes entre Mayotte, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe, La Réunion, la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française, l’intensité de la violence dans l’ensemble de ces territoires est bien plus élevée qu’en métropole. Au point de remettre en cause le pacte républicain et l’état de droit, selon les élus ultramarins.

Le président de l’Association des maires de Guyane, Michel-Ange Jérémie, a cité un chiffre révélateur : le taux d’homicides en Guyane est de 11,2 pour 100 000 habitants, soit 10 fois plus élevé qu’en métropole. Les élus locaux exigent donc unanimement que l’État assume pleinement sa mission régalienne de sécurité sur les territoires ultramarins.

Face à leurs témoignages et interpellations, les représentants des forces de l’ordre nationales, le général André Pétillot, commandant de la gendarmerie d’Outre-mer, et Christian Nussbaum, chef de la mission Outre-mer au cabinet du directeur général de la police nationale (DGPN), ont assuré les maires de la volonté de l’État d’adapter sa réponse aux spécificités de chaque territoire ultramarin. Ils ont évoqué plusieurs évolutions d’organisation et d’affectation des effectifs (nouvelles unités de gendarmerie en Guyane, à Mayotte, en Martinique, création en cours d’unités spécialisées de la police nationale dans plusieurs zones…).

Des changements salués par les élus mais jugés insuffisants. «Il faut des réponses fermes et beaucoup plus concrètes », plaide Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF, appelant à une prise de conscience et à une mobilisation d’ampleur à tous les niveaux de l’action publique contre la criminalité «qui ronge l’avenir des habitants et atteint durablement la cohésion sociale de ces territoires, ainsi que de la République toute entière ».


Logement : de nombreux freins à lever

Au cours du second débat sur le logement, les élus ont exposé leurs besoins, en soulignant les contraintes et les paradoxes ultramarins. Alors que 80 % de la population ultramarine est éligible au logement social, seuls 15 % des ménages sont hébergés dans les logements sociaux dans les départements et régions d'Outre-mer (DROM). Ce chiffre est même proche de zéro à Mayotte.

Les besoins de réhabilitation (70 000 logements locatifs sociaux de plus de 20 ans) et d’adaptation du parc social existant sont conséquents. Difficultés pour construire, notamment du fait de l’extrême rareté d’un foncier aménageable et abordable, freins relevant de normes de construction inadaptées, importance des logements précaires : les élus ultramarins ont passé en revue les difficultés accumulées et identifié de nombreuses solutions pour sortir de l’impasse.

« Il faut dépasser le stade des constats et passer à l’action », a souligné Serge Hoareau, président de l’Association des maires de La Réunion, qui a co-produit avec les acteurs de l’ïle un manifeste pour le logement social. L’ACCD’OM vient d’adopter une liste de demandes sur l’habitat adressées à l’État (lire ci-dessous). Tandis que l’association Interco Outre-mer finalise une plateforme de propositions sur la problématique foncière, fruit là encore d’un travail de fond et concerté entre territoires ultramarins.


Habitat : les demandes de l’ACCD’OM
Lors de son congrès en novembre 2022, l’ACCD’OM a rédigé une liste de demandes à l’État. Sur l’habitat, elle souhaite la mise à disposition de foncier assortie de financements pour les projets d’aménagement, la relance de l’accession sociale et très sociale en adaptant les critères pour tenir compte du pouvoir d’achat des ultramarins, la simplification des normes de construction, la réhabilitation de 70 000 logements locatifs sociaux de plus de 20 ans.

L’association demande l’élaboration d’une loi-programme Outre-mer pour le logement social afin de garantir des financements pluriannuels. Elle souhaite que l’offre de logement dans le secteur libre soit encouragée par la mise en place de dispositif de défiscalisation.
 

Le gouvernement à l’écoute de l’AMF
Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des Outre-mer (photo), est intervenu en clôture de la rencontre. Dans un communiqué publié le 21 novembre, l’AMF s’est réjouie de constater qu’il rejoint ses positions sur plusieurs questions. S’agissant des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), l’Association demande depuis longtemps qu’en Outre-mer, comme c’est le cas dans l’hexagone, elles émettent des avis «simples » et non plus «conformes ».

Le ministre a convenu que cette différence d’approche n’est pas légitime et annoncé qu’il modifierait les choses.

De même, sur la vente du foncier de l’État aux collectivités, notamment en Guyane, le ministre s’est dit prêt à engager des évolutions. Cette inflexion correspond aux orientations que l’AMF a soutenues notamment lors de l’examen de la loi «3DS » du 21 février 2022, sans avoir été entendue à ce moment-là. «La convergence de vues qui se dessine doit se traduire par des actes », précise un communiqué de l’AMF.

Sur le plan financier, si l’AMF partage avec le gouvernement l’objectif de la nécessaire réévaluation des dotations dédiées à l’Outre-mer, et en particulier celle de la dotation d’aménagement des communes et des circonscriptions territoriales d’Outre-mer (DACOM), elle plaide pour que cette évolution relève de la péréquation verticale, et donc d’un financement de l’État au titre de la solidarité nationale en faveur des Outre-mer.
 

À lire aussi :

Mayotte : les élus tirent le signal d'alarme face à l'explosion des violences
 

Retrouvez également la Rencontre des élus de l'Outre-mer en vidéo ci-dessous :

 

 

Référence : BW41498
Date : 8 Déc 2022
Auteur : Fabienne Nedey


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