Depuis le 1er janvier, les communes exercent une nouvelle compétence obligatoire, le service public de la petite enfance (SPPE), comme l’a prévu la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Selon la taille des communes, les obligations ne sont pas les mêmes. Toutes les communes doivent a minima recenser les besoins et « informer et accompagner les familles » ; celles de plus de 3 500 habitants doivent, de surcroît, opérer une planification du développement des modes d’accueil et « soutenir la qualité » de ceux-ci. Enfin, les villes de plus de 10 000 habitants doivent établir un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant et disposer d’un relais petite enfance avant le 1er janvier prochain, quitte à le créer s’il n’existe pas, ce qui est le cas de 10 % d’entre elles environ.
La loi a prévu un accompagnement financier de l’État, mais seulement pour les communes de plus de 3 500 habitants. On connaissait déjà le montant global de cet accompagnement, puisqu’il a été voté en loi de finances : il sera de 86 millions d’euros. Il restait à connaître les modalités de répartition de cette enveloppe, et c’est désormais chose faite.
Un décret paru ce matin donne en effet les éléments qui permettront de calculer les attributions individuelles, qui seront publiées par la suite par arrêté.
Ce montant sera calculé en fonction de deux critères : le nombre de naissances cumulé sur trois ans et le potentiel financier par habitant. Pour le nombre de communes, il a été défini trois tranches (moins de 1 000, entre 1 000 et 3 999, et 4 000 et plus). Pour le potentiel financier par habitant, il est prévu quatre tranches (moins de 700 euros, 700-899 euros, 900-1 199 euros, et plus de 1 200 euros). Chaque tranche est affectée d’un coefficient, qui croît en fonction du nombre de naissances et décroît en fonction du potentiel financier de la commune. La somme allouée, forfaitaire, sera calculée en fonction du produit des deux coefficients. Par exemple, une commune qui a 2 000 naissances sur trois ans (coefficient 2) et un potentiel financier par habitant de 1 000 euros (coefficient 0,6), se verra attribuer un coefficient de 2 x 0,6 , soit 1,2.
Selon les chiffres donnés en amont par les services de l’État à l’AMF, les sommes reçues individuellement par les communes oscilleront entre 20 255 euros au minimum et 97 227 euros au maximum. L’écrasante majorité des presque 3 300 communes de plus de 3 500 habitants touchera moins de 30 000 euros – seules 55 communes toucheront plus de 50 000 euros.
On constate donc qu’il n’y a pas de compensation intégrale de cette nouvelle compétence obligatoire. D’abord, parce que les communes de moins de 3 500 habitants ne toucheront pas un centime – pas plus que les EPCI, d’ailleurs, pour lesquels aucune compensation directe n’est prévue alors que la loi prévoit expressément que la compétence peut être transférée aux intercommunalités.
Par ailleurs, comme le déplore l’AMF depuis le vote de l’enveloppe en loi de finances, la somme globale de 86 millions est « très en deçà » des dépenses que devront débloquer les communes pour exercer la compétence. Par exemple, il ressort des chiffres livrés par les services de l’État que 40 % des communes de plus de 3 500 habitants n’ont pas d’agents dédiés à la petite enfance, et devront donc embaucher. L’AMF souhaite qu’une étude d’impact réelle soit menée pour mesurer précisément quelle sera la charge financière pour les communes concernées.
L’association a également remis en question les critères de répartition de l’enveloppe. D’une part, parce que le nombre de naissances domiciliées dans la commune ne suffit pas à connaître le nombre réel d’enfants de moins de 3 ans sur la commune – il aurait été plus judicieux de s’appuyer sur les données de la CAF pour connaître ce chiffre. D’autre part, parce que le potentiel financier « ne donne qu’une vision partielle de la situation de la commune », souligne l’AMF, qui demande que le mode de répartition évolue à l’avenir, en tenant compte notamment du revenu moyen des habitants de la commune.
Enfin, se pose la question du reversement de cet « accompagnement financier » aux EPCI, lorsque les communes leur ont transféré la compétence du SPPE. Selon l’AMF, la manière la plus simple et la plus sûre, juridiquement, de fonctionner, serait que l’État mette par écrit, par exemple dans une circulaire, l’obligation pour les communes de reverser intégralement la compensation à l’EPCI lorsque celui-ci exerce toutes les compétences du SPPE. « Cette précision par les services de l’État viendrait simplifier les conditions de reversement sans nécessairement passer par la révision libre des attributions de compensation, garantir leur affectation à l’intercommunalité de manière pérenne et accompagner le développement du SPPE sur tous les territoires », souligne l’AMF.
Enfin, l’association espère que le gouvernement va régler, à l’avenir, la situation des EPCI exerçant les compétences du SPPE mais dont aucune commune membre ne compte plus de 3 500 habitants, qui ne bénéficient donc, en l’état actuel des textes, d’aucune compensation financière.
On le voit, l’AMF est loin d’être satisfaite des modalités choisies par le gouvernement pour compenser cette nouvelle compétence. Elle a toutefois fait le choix de ne pas bloquer la parution du décret, pour ne pas retarder encore un peu plus le versement de l’accompagnement financier aux communes. L’association espère toutefois que le chantier va être rapidement rouvert, afin que toutes les questions en suspens puissent être résolues.
Franck Lemarc pour Maire-info, article publié le mardi 22 juillet 2025.
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