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Statut de l'élu au Sénat : mauvaises surprises pour les associations d'élus

La proposition de loi sur le statut de l’élu local va être débattue en séance publique au Sénat en début de semaine prochaine. Vu l’approche des élections municipales, il existe un enjeu important à ce que ce texte soit adopté le plus rapidement possible, mais cette perspective semble s’éloigner. En effet, pour une adoption rapide, il faudrait que ce texte soit adopté « conforme » par le Sénat, c’est-à-dire sans la moindre modification, ce qui mettrait fin aux débats et acterait une adoption définitive. Certes, le texte est loin d’être parfait, jugent les associations d’élus, mais elles jugent tout de même qu’il vaut mieux l’adopter en l’état et le voir entrer en vigueur tout de suite, plutôt que de s’enliser dans des débats qui retarderont sa mise en œuvre. Si, en effet, le texte n’est pas adopté conforme, il repartira à l’Assemblée nationale… et si celle-ci le modifie, il faudra aller à la commission mixte paritaire, voire à une troisième lecture en cas d’échec de celle-ci.

Nos lecteurs retrouveront ici une analyse par Maire info du texte adopté à l’Assemblée nationale en juillet.

Des amendements problématiques pour les maires

Or l’examen du texte par la commission des lois du Sénat, mercredi 15 octobre, ne laisse pas présager un vote conforme en séance publique, puisque les sénateurs ont adopté une cinquantaine d’amendements – autrement dit, ils ont largement récrit le texte, préférant apparemment que le temps nécessaire soit donné au débat plutôt que de s’entendre sur un texte qui ne les satisfait pas. Si certains amendements ne poseront pas de problème aux associations d’élus – certains ont même été travaillés avec l’AMF – d’autres sont plus problématiques.

C’est le cas des amendements qui concernent les articles 18 et suivants, relatifs à l’épineuse question des conflits d’intérêt. Ces articles ont été profondément modifiés par le Sénat, alors que la version adoptée par l’Assemblée nationale permettait des avancées largement saluées par les associations d’élus. En particulier, l’Assemblée nationale avait statué qu’il ne pouvait être question de conflit d’intérêt lorsqu’un élu détient un mandat dans deux collectivités ou groupements de collectivités différents « lorsque l’une de ces collectivités ou l’un de ces groupements se prononce sur une affaire intéressant l’autre collectivité territoriale ou l’autre groupement ». Jusqu’à présent, la loi obligeait l’élu à se déporter (sortir de la salle) en cas de risque de ce qu’on appelait le conflit d’intérêt « public-public » – par exemple un maire qui siège dans une SEM et qui prend part à une délibération concernant sa commune. 

Sous la pression, manifestement, des services de l’État et de la magistrature, la commission des lois du Sénat a adopté une série d’amendements qui gomme en grande partie les avancées adoptées à l’Assemblée nationale, ce qui stupéfie les associations d’élus. 

Par ailleurs, la commission du Sénat a adopté un amendement modifiant l’article qui introduit la Charte de l’élu local dans la proposition de loi : il s’agit d’un article qui résume les droits et devoir des élus locaux. La commission a adopté un amendement proposant d’ajouter une phrase à cette charte, précisant que : « Dans l’exercice de son mandat, l’élu local s’engage à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité et de dignité de la personne humaine ainsi que les lois et les symboles de la République. » Cet ajout est très mal perçu par les associations d’élus, qui y voient une forme de défiance surprenante à l’égard des élus. Préciser que ceux-ci doivent s’engager à « respecter la dignité humaine », par exemple, est plus que surprenant, voire profondément blessant pour les maires. 

Ces deux modifications peuvent encore être supprimées en séance publique, et c’est ce que vont tenter d’obtenir les associations d’élus, qui se montrent assez surprises que de telles formulations se trouvent sous la plume de membres de la « chambre des territoires », le Sénat, réputé proche des collectivités locales et des préoccupations des maires. 

Indemnités

Les autres amendements adoptés par la commission sont moins problématiques, et visent à revenir, pour l’essentiel, à la version initiale votée par le Sénat.

Les sénateurs ont ainsi supprimé, notamment, l’article permettant de majorer les indemnités de fonction des maires des villes de plus de 100 000 habitants. Ils ont également rétabli le principe de fixation par défaut des indemnités de fonction au maximum légal pour tous les conseillers municipaux, sauf décision contraire du conseil municipal – l'AMF reste toutefois assez réservée sur cette disposition. 

Les sénateurs ont également supprimé la disposition obligeant les communes à prendre en charge les frais de déplacement des élus communautaires en situation de handicap lorsque la réunion se tient sur son territoire. 

Ils ont rétabli le congé électoral de 20 jours pour tous les candidats à une élection locale et un délai de prévenance de 24 heures, alors que les députés avaient voté 15 jours et 72 heures.

Le dispositif introduit par les députés permettant un abattement fiscal pour les élus locaux qui exercent des professions de commerçants ou d’artisans indépendants a été supprimé par les sénateurs, qui estiment qu’il est certes « légitime » mais inapplicable en droit.

En matière de formation, les sénateurs ont rétabli une durée maximale de 24 jours par an pour les élus locaux, au lieu des 21 souhaités par les députés. 

Frais de garde, congés maladies

Amendement important : les sénateurs ont rétabli le principe du remboursement par l’État des frais de garde pour les membres des conseils municipaux à toutes les communes de moins de 10 000 habitants, et non 3 500 comme le voulaient les députés.

Sur la question des congés maladie, les sénateurs, même s’ils l’ont modifié, ne sont pas revenus sur le dispositif adopté par l’Assemblée nationale : les élus placés en congé maladie pourraient continuer d’exercer leur mandat même contre l’avis de leur médecin. L’AMF n’est pas favorable à ce dispositif, jugé contraire à la protection de la santé des élus.

La commission du Sénat a rétabli, comme dans leur première version, l’automaticité de l’octroi de la protection fonctionnelle au bénéfice de l’ensemble des conseillers municipaux, et pas seulement à ceux exerçant un mandat exécutif. Cette protection est « justifiée au regard du risque croissant d’agressions verbales ou physiques ». 

Elle a également rétabli le dispositif supprimé à l’Assemblée visant à prendre en compte la durée de la suspension du contrat de travail de l'élu salarié pendant son mandat pour le calcul de la durée du préavis et du montant de l'indemnité de licenciement. 

Notons enfin que le titre même du texte a été modifié : les sénateurs sont revenus à une « proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local », préférant ce titre à celui choisi par l’Assemblée nationale (« visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l’exercice du mandat d’élu local »). 

C’est le texte ainsi amendé qui sera débattu à partir de mardi prochain (21 octobre), en séance publique, pendant trois jours. 

Le gouvernement n’a pas encore déposé ses amendements. Il sera intéressant de voir, notamment, si le Premier ministre donne corps à sa promesse, faite dans un courrier adressée aux maires le 17 septembre (lire Maire info du lendemain), de créer une nouvelle indemnité pour compenser les fonctions des maires exercées en tant qu’agents de l’État. En tout état de cause, il semble qu’aucune disposition de ce type n’ait été insérée dans le projet de loi de finances pour 2026 – puisqu’une telle compensation devra figurer au budget de l’État. Ce qui n’empêche pas, naturellement, l’introduction d’un amendement ultérieurement, si les mots du Premier ministre n’étaient pas des paroles en l’air. 

Franck Lemarc pour Maire-info, article publié le 17 octobre 2025.


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Référence : BW42817
Date : 17 Oct 2025
Auteur : Maire-Info


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