C’est un moment très attendu tant par les associations que par les élus eux-mêmes : après bien des atermoiements, la proposition de loi « portant création d’un statut de l’élu local » sera examinée ce soir en séance publique à l’Assemblée nationale, à la faveur de la session extraordinaire du Parlement.
Ce texte, que Maire info a eu plusieurs fois l’occasion de présenter, notamment après son passage en commission des lois (lire Maire info du 23 juin), va faire l’objet de discussions serrées en séance publique : aussi étonnant que cela paraisse pour un texte que l’on aurait pu croire consensuel, pas moins de 826 amendements ont été déposés. Le gouvernement en a déposé 24.
Le premier amendement du gouvernement vise à diminuer la hausse des indemnités proposée dans le texte de la commission. Estimant qu’une augmentation est nécessaire mais qu’elle doit tenir compte « des capacités financières des territoires », l’exécutif propose de baisser un peu les taux décidés par la commission des lois, en particulier pour les plus grandes communes. Même philosophie pour les adjoints : le gouvernement accepte le principe d’une revalorisation des indemnités, mais en la diminuant de plus en plus lorsque la taille de la commune augmente : quand la commission proposait + 10 % pour toutes les strates, le gouvernement propose d’aller de 8 % pour les plus petites communes à 4 % pour les plus grandes.
Un amendement très important du gouvernement vise à introduire dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT) « les droits et devoirs généraux des élus locaux ». Le texte dans sa rédaction issue de la commission des lois prévoit en effet que le ministre chargé des collectivités locales publie, dans un délai d’un an après promulgation de loi, « une circulaire rassemblant l’ensemble des dispositions statutaires applicables aux titulaires d’un mandat électif local ». Le gouvernement estime qu’il est préférable d’inscrire directement dans la loi ces éléments plutôt que de recourir à une circulaire, dont la rédaction ne relève de la compétence du pouvoir législatif. Son amendement contient donc une liste de « droits et devoirs » dont on peut se demander s’il est nécessaire de les inscrire dans la loi – par exemple « l'élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité », ou encore « l’élu local poursuit le seul intérêt général, à l’exclusion de tout intérêt qui lui soit personnel ». L’amendement propose également que tout élu doive déclarer dans un registre tout « don, avantage ou invitation » supérieur à 150 euros (mesure déjà prévue par l’article 24 de la proposition de loi). Il faut noter qu’une bonne moitié des mentions prévues par cet amendement, qui inscrit dans la loi les dispositions de la « Charte de l'élu local », concerne la « moralité » des élus.
Le même amendement confirme que les indemnités ne sont pas obligatoires (« les élus locaux peuvent bénéficier d’une indemnité », précise le principe de la protection fonctionnelle, du droit à la formation et de « garanties accordées dans l’exercice du mandat et à son issue, permettant notamment de le concilier avec une activité professionnelle ou la poursuite d’études supérieures ».
L’exécutif demande la suppression d’une disposition adoptée en commission des lois (article 8 bis) : il s’agit d’un abattement fiscal de 30 % pour les commerçants, artisans ou agriculteurs qui mettent leur affaire en location-gérance le temps de leur mandat. Le gouvernement estime qu’il s’agirait d’une nouvelle « niche fiscale », ce qui est « contraire aux orientations (qu’il) porte ».
Concernant les autorisations d’absence des élus de leur activité professionnelle, en cas par exemple de crise urgente, le gouvernement a récrit le dispositif figurant dans la proposition de loi, le jugeant inefficient. La nouvelle rédaction proposée par le gouvernement dispose que lorsque le maire prescrit des mesures de sûreté, en cas de danger grave et imminent, « l’employeur est tenu de laisser aux élus mettant en œuvre ces mesures le temps nécessaire à l’exercice de leurs missions ». Ces dispositions seraient précisées par décret. Par ailleurs, le gouvernement ouvre la possibilité aux employeurs de rémunérer le temps d’absence lié à l’utilisation des crédits d’heures.
Autre suppression demandée par le gouvernement : celle d’un alinéa de l’article 11 bis qui concerne les fonctionnaires élus locaux. Cet alinéa prévoit que si ce fonctionnaire subit une « mutation d’office dans l’intérêt du service », sa qualité d’élu doit être prise en compte. Le gouvernement estime cette disposition superfétatoire car déjà tranchée par la jurisprudence.
La proposition de loi, en l’état, prévoit que les élus des communes de moins de 3 500 habitants puissent suivre certaines formations dispensées par le CNFPT. Le gouvernement souhaite supprimer cette disposition, estimant que le CNFPT, dont la mission est de former les agents, « ne dispose des moyens financiers, matériels et humains pour accueillir, en plus des agents territoriaux, des élus locaux ». Il est proposé, à la place, que soit mis à disposition des élus, gratuitement et sur internet, « des modules d’informations élémentaires sur les mandats locaux », dont le contenu serait travaillé avec les associations d’élus.
L’exécutif prévoit également de porter la durée maximale du congé formation des élus locaux de 18 à 21 jours par mandat (contre 24 jours proposés par le texte de la commission). Dans un souci de cohérence, l’exécutif propose d’aligner à 21 jour le plafond de compensation pour perte de revenu lié à l’exercice du droit à la formation. Il propose également que la « formation sur les fonctions d’élu local » prévue, en début de mandat, pour tout nouvel élu, soit assortie d’un « module de sensibilisation et d’information sur les risques psycho-sociaux et la santé mentale des élus locaux ».
Notons enfin que le gouvernement demande de supprimer le « modèle de délibération » prévu dans le texte sur le remboursement des frais de garde des élus. Il juge inutile de prévoir un modèle de délibération : « Les communes sont en effet dans la capacité de délibérer comme elles l’entendent, les conditions posées par la loi pour bénéficier du remboursement semblant claires et suffisantes ».
Les débats débuteront ce soir sur ce texte si important pour les élus, et sont censés durer jusqu’à vendredi soir, au maximum. Rappelons qu’hélas, et malgré la proximité des élections municipales, le gouvernement n’a pas appliqué la procédure accélérée à cette proposition de loi. Le texte qui sera issu des débats à l’Assemblée nationale repartira donc au Sénat pour une nouvelle lecture, à la rentrée… Actuellement, le Sénat prévoit d’examiner ce texte en deuxième lecture à partir du 23 septembre, sous réserve de la convocation du Parlement en session extraordinaire en septembre. Faute de quoi, la session ordinaire s’ouvrira le 1er octobre, ce qui retardera encore un peu plus l’adoption de ce texte. Que de temps perdu…
Franck Lemarc pour Maire-info, article paru le 7 juillet 2025.
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