Les citoyens qui s’interrogent sur l’opportunité de s’engager dans la vie municipale, en mars prochain, ne savent toujours pas exactement dans quelles conditions matérielles ils vont le faire, et ne sont pas près de le savoir.... alors que la proposition de loi sur le statut de l’élu avait, entre autres, pour objectif d’éviter une « crise des vocations », en assurant les futurs candidats d’un statut plus robuste et protecteur que l’actuel.
Mais le temps passe, la période de pré-campagne est entamée depuis deux mois, les élections se rapprochent… et la perspective de voir ce texte adopté très rapidement s’éloigne.
Elle s’éloigne encore plus depuis hier, alors que la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a diffusé sur X le programme prévisionnel de l’examen des textes dans les quatre prochains mois, transmis par le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Laurent Panifous. Mauvaise surprise pour les élus : la proposition de loi sur le statut de l’élu, dont on espérait un examen rapide, ne sera débattue en deuxième lecture à l’Assemblée nationale qu’en décembre – sans que l’on puisse savoir si ce sera au début ou à la fin du mois, et en sachant que les travaux de l’Assemblée s’arrêtent, en général, avant les fêtes de Noël.
Dans le meilleur des cas – hélas relativement peu probable – le texte du Sénat sera adopté conforme par les députés, ce qui permettrait une adoption définitive et une promulgation dans la foulée. Mais si les députés changent le moindre mot de ce texte, il faudra réunir une commission mixte paritaire, ce qui retardera encore l’adoption définitive du texte. Au pire, cette CMP, si elle ne parvenait pas à un accord, conduirait à une troisième lecture, avec le dernier mot à l’Assemblée, ce qui pourrait reporter la promulgation du texte au mois de janvier – c’est-à-dire au moment où les candidats seront en train de finaliser leur liste, qu’ils devront déposer début février. Autant dire que dans ce cas, le bénéfice de ce texte pour favoriser l’engagement des candidats sera considérablement amoindri, pour ne pas dire nul.
Il faut également retenir du document publié par Yaël Braun-Pivet les autres textes importants pour les collectivités qui seront examinés, eux, au début de l’année 2026 : en janvier, le projet de loi sur l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2030, celui sur « la résilience des infrastructures critiques et le renforcement de la cybersécurité » et, sous réserve, le projet de loi constitutionnelle sur la Nouvelle-Calédonie. Un examen de ce dernier texte dès le début de l’année présente un enjeu particulièrement important, puisqu’il faut, idéalement, qu’il soit adopté avant les élections provinciales qui viennent d’être repoussées à la fin du mois de juin.
En février, enfin, il est prévu que les députés examinent la proposition de loi Trace (Trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux), qui permettrait de donner de la souplesse au ZAN. C’est, là encore, bien tard, quand on se souvient que ce texte a été adopté par le Sénat en mars dernier. Dans un courrier adressé au Premier ministre le 20 octobre dernier, les sénateurs auteurs de ce texte interrogeaient ce dernier sur le fait que pas un mot n’avait été prononcé par Sébastien Lecornu, pendant sa déclaration de politique générale, sur le ZAN. Or, rappellent les sénateurs, « les élus se heurtent à une loi inapplicable (…). Le ZAN ne freine pas l’artificialisation, il paralyse des communes, bloque des projets de logement, regarde des infrastructures et entrave des initiatives ».
Même si l’on peut, avec la volonté de voir le verre à moitié plein, se réjouir du fait que le gouvernement ait tout de même inscrit l’examen de ce texte à l’agenda de l’Assemblée, on ne peut que constater la difficulté qui va se poser aux futurs maires d’élaborer un programme, à l’approche des élections, sans savoir ce que seront les règles en matière d’artificialisation. Comment programmer la construction d’équipements, de logements, lorsqu’on ignore, à quatre mois des élections, quelles seront les règles du jeu ?
Autre nouvelle importante en matière législative : le gouvernement a confirmé hier que le projet de loi sur les polices municipales sera présenté aujourd’hui en Conseil des ministres, et sera donc déposé ce soir au Parlement. Ce texte, intitulé « Projet de loi relatif à l’extension des prérogatives, des moyens, de l’organisation et du contrôle des polices municipales et des gardes champêtres », est très attendu par certains élus. Maire info reviendra, dès son dépôt au Parlement, sur son contenu – qui pourrait réserver quelques mauvaises surprises aux associations d’élus, si l’on en croit les débats qui ont eu lieu en Conseil national d’évaluation des normes.
Mais une chose semble certaine : il ne sera pas adopté avant les municipales. Dans le programme diffusé par le ministre des Relations avec le Parlement (qui court jusqu’en février), ce texte ne figure pas, même « sous réserve de son dépôt » comme c’est le cas pour d’autres. Charge encore, pour les candidats, de travailler sur leur programme en matière de police municipale sans connaître les règles qui les régiront demain.
Mais il faut tout de même préciser que tout ce bel édifice est bien fragile, puisque bien malin qui peut dire si le gouvernement Lecornu sera encore là non pas en février, mais même en novembre. Ni si l’Assemblée nationale qui aura à débattre des futurs projets de loi sera la même qu’aujourd’hui, ou si une dissolution aura, entretemps, rebattu les cartes. Les incertitudes sont telles sur l’issue du débat budgétaire que toute hypothèse tient, en la matière, du pur pari.
Une autre option pourrait bousculer le programme : si l’Assemblée nationale, le 4 novembre, rejette la première partie du projet de loi de finances (recettes), le texte dans son ensemble est considéré comme rejeté. Il n’y aura donc pas d’examen de la partie dépenses par les députés, et seuls les sénateurs débattront de cette deuxième partie en première lecture. Une telle situation dégagerait du temps parlementaire à l’Assemblée nationale qui permettrait, peut-être, de débattre d’autres textes urgents.
Ce qui, toutefois, ne suffit pas à espérer une telle situation, qui augurerait, comme l’an dernier, d’une quasi-impossibilité à adopter un budget au 31 décembre.
Franck Lemarc pour Maire-info, article publié le 29 octobre 2025.
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