C’est d’abord le Bureau de l’AMF (36 membres) qui s’est réuni mardi. L’occasion pour le président de l’association, David Lisnard, d’évoquer la réélection d’Emmanuel Macron et d’espérer dès la nomination du nouveau gouvernement « un dialogue exigeant, loyal et fécond avec l’État, fondé sur la confiance ».
Outre le sujet de l’engorgement des services instructeurs de titres d’identité, à propos duquel David Lisnard a rappelé « l’engagement » de l’AMF et les mesures positives décidées par le gouvernement (lire Maire info du 4 mai), plusieurs inquiétudes ont été soulevées par les élus.
À commencer par la parution des deux décrets relatifs au ZAN (zéro artificialisation nette), parus la semaine dernière (lire Maire info du 4 mai), de façon « précipitée ». Déjà lors de l’examen de ces textes par le Conseil national d’évaluation des normes, début mars, les représentants des élus avaient dénoncé « un désaccord de fond » sur ces sujets, résultat de « la volonté du gouvernement de publier ces textes dans des délais très restreints », alors que la complexité du sujet demande une réflexion approfondie.
Principal problème : le contenu de ces textes n’est conforme ni à l’esprit de la loi Climat et résilience qui les prévoyait ni aux engagements de l’État, comme l’ont rappelé au Bureau de l’AMF David Lisnard et Thierry Repentin (maire de Chambéry). Comme l’a précisé l’association dans un communiqué paru mercredi, « la nomenclature établie [dans le décret] n’a fait l’objet d’aucune évaluation en amont, et sa territorialisation est rendue plus contraignante juridiquement qu’initialement prévu dans la loi ».
Cette analyse est d’ailleurs pleinement partagée par les sénateurs, dont la commission des affaires économiques avait publié, en mars, un communiqué au vitriol contre les projets de décret, accusés de « remettre en cause les équilibres de la loi Climat et résilience ». Ces textes « manifestement inaboutis », selon les sénateurs, « rendent obligatoire l’adoption de règles contraignantes supplémentaires, en contradiction directe et délibérée avec (…) l’avis des parlementaires ». Et de conclure, acerbes : « La commission doit-elle rappeler aux ministres qu'aucun décret ne saurait, dans notre droit français, aller à l'encontre des lois votées par le Parlement ? »
Le Sénat prévoit d’ailleurs de produire un rapport, d’ici à fin juin, sous la direction du sénateur du Vaucluse Jean-Baptiste Blanc. L’AMF transmettra d’ici là au Palais du Luxembourg ses observations et ses propositions de modification, a acté le Bureau.
Les élus du Bureau ont également vivement critiqué la parution, le 7 avril, de l’ordonnance « relative à l'aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte », texte à propos duquel Maire info avait noté, au moment de sa publication, que « le gouvernement (n’avait) pas manqué sa dernière occasion de ne pas écouter les élus ». Devant le bureau, Yannick Moreau, maire des Sables-d’Olonne et président délégué de l’Association nationale des élus du littoral (Anel), a dénoncé le « transfert de responsabilités de l’État vers les communes », à qui il est demandé de prendre des décisions d’urbanisme « au regard d’une évolution du trait de côte allant jusqu’à 100 ans ». Les maires ont dénoncé les « risques de contentieux » avec les administrés qui vont se voir expropriés, et le fait que, sans aucune aide de l’État, la renaturation des lieux va potentiellement être mise à la charge des communes. David Lisnard a fustigé « les enjeux juridiques et financiers colossaux que cette réforme fait peser sur les élus ».
Les membres du Bureau ont également évoqué les sujets financiers, avec ce qui va être l’un des grands sujets du début du quinquennat : la suppression annoncée de la CVAE, dont le président Macron a fait un pilier de son programme. David Lisnard a demandé que cet impôt, s’il devait être supprimé, soit remplacé par un autre impôt et non par une dotation – les maires devant pouvoir conserver leur liberté de fixer les taux. André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF, a une fois de plus dénoncé « la déstabilisation des finances locales » qui s’opère depuis 20 ans, depuis la suppression de la taxe professionnelle, la baisse drastique des dotations, la suppression de la taxe d’habitation et maintenant celle – d’ailleurs déjà entamée – de la CVAE. Sur proposition des deux présidents de la commission finances de l’AMF, Antoine Homé (Wittenheim) et Pierre Breteau (Saint-Grégoire), l’association va transmettre au gouvernement ses propositions en matière de finances locales, exprimées dans sa « contribution » aux débats de l’élection présidentielle.
Ces questions financières prennent d’autant plus d’acuité au moment où les budgets locaux sont grevés par l’augmentation des prix des matières premières (y compris alimentaires, ce qui commence à poser de graves problèmes dans la gestion des cantines) et de l’énergie, et vont l’être plus encore par des décisions gouvernementales telles que le dégel annoncé du point d’indice. Sans s’opposer à cette mesure, les membres du Bureau ont demandé au gouvernement « une évaluation précise de l’impact financier de la hausse du point d’indice ».
Lors de la réunion des présidents d’associations départementales qui a eu lieu le lendemain, toujours à l’AMF, les mêmes préoccupations se sont exprimées (lire le compte-rendu sur mairesdefrance.com). Beaucoup d’élus ont sonné l’alerte sur le fait que l’explosion des coûts des matières premières et de l’énergie menace la pérennité de certains projets. Alors que le gouvernement, cette semaine encore, a annoncé un train de mesures pour tenter de protéger le pouvoir d’achat des Français sans dire un mot des problèmes rencontrés par les collectivités (lire Maire info d’hier), l’AMF demande une fois de plus que des mesures fortes soient prises pour éviter aux collectivités locales de prendre de plein fouet (et seules) la hausse vertigineuse des prix de l’énergie. Cette absence d’aide aux collectivités, ont pointé plusieurs maires, pénalise de surcroît celles qui ont fait le choix d’une régie : une commune qui a choisi d'exploiter la collecte des déchets ou une piscine en régie ne bénéficie d’aucune aide, alors que leur délégataire, lorsqu’elles ont délégué le mode de gestion, a droit, lui, à des aides de l’État. Ce que les élus considèrent, logiquement, comme « une distorsion de concurrence et une atteinte au libre choix du mode de gestion ».
À noter enfin que c’est aussi cette semaine, mercredi 10 mai, que l’AMF a lancé son « comité législatif et réglementaire », une nouvelle instance dont la création faisait partie du projet de campagne de David Lisnard à l’automne dernier.
Ce comité, co-présidé par Guy Geoffroy (maire de Combs-la-Ville) et Jean-Pierre Bouquet (Vitry-le-François), a pour objectif de travailler le plus en amont possible sur les textes législatifs et réglementaires concernant les communes et intercommunalités. Composé pour l’instant d’une quinzaine de maires, il associera autant que possible à ses travaux des parlementaires et des universitaires. « Dès que le gouvernement aura été nommé et les députés élus, le comité organisera des échanges avec les représentants des différentes instances qui interviennent dans l’élaboration des textes pour commencer le travail de fond sur les dispositions qui concernent l’action locale. L’objectif, en lien direct avec le gouvernement et le Parlement, est d’obtenir le plus tôt possible une étude d’impact rigoureuse des futurs textes, de les simplifier, puis de procéder à leur évaluation régulière », a précisé hier l’AMF dans un communiqué.
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