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L'AMF auditionnée par commission des lois du Sénat sur la différenciation territoriale, dans le contexte de la réforme constitutionnelle

Le 22 mai, André Laignel s’est exprimé devant la commission des lois du Sénat, à l’invitation de son président Philippe Bas, sur la différenciation territoriale dans le contexte de la réforme constitutionnelle.

Il intervenait aux côtés de Géraldine Chavrier et Ferdinand Melin-Soucramanien, professeurs de droit public.

Soulignant que l’uniformité avait démontré ses limites, Géraldine Chavrier a défendu la nécessité de faciliter l’expérimentation et l’adaptabilité des normes, qui déboucherait certes sur l’existence de normes différentes sur le territoire mais dans le strict cadre défini par la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel. Tenir compte des particularités, pour ne pas parler des handicaps de certains territoires semble en effet indispensable. Elle a fait part de ses propositions en la matière, notamment permettre aux collectivités demander l’abrogation des décrets non-nécessaires à l’application de la loi, qui font aujourd’hui obstacle à l’exercice de leur pouvoir règlementaire d’adaptation de la norme.

Le Professeur Melin-Soucramanien a évoqué plus spécifiquement les territoires d’Outre-Mer et le pouvoir d’adaptation dont ils bénéficient déjà au titre de l’article 73 sans que cela ne pose de difficultés. Il a par ailleurs souligné que la réforme constitutionnelle allait dans le bon sens en simplifiant les procédures d’adaptation et d’expérimentation, la lourdeur du processus étant aujourd’hui un frein à son utilisation Il a toutefois formulé des réserves quant à l’extension en métropole d’un pouvoir général d’adaptation, soulevant le risque d’une fragmentation de la norme.

André Laignel est ensuite intervenu en évoquant en préambule les différents termes employés : adaptation, expérimentation, dérogations, … soulignant qu’ils n‘étaient pas nécessairement substituables les uns aux autres.

Concernant l’expérimentation, il a rappelé qu’elle était au cœur de la réforme constitutionnelle de 2003, pensée comme un corolaire de la décentralisation. Force est pourtant de constater que cette évolution s’est soldée par un échec, au vu du très faible usage qui en a été fait. La première difficulté réside dans la nécessité de généraliser ou d’abandonner sans nuance une expérimentation. Ce point doit nécessairement évoluer pour rendre efficiente une expérimentation. La seconde difficulté doit être expliquée par le poids des contraintes, normes, obligations qui pèse sur les élus locaux, cassant la volonté d’expérimenter, perçue comme trop compliquée. Cela relève d’un problème culturel.

André Laignel a souligné que les dispositions législatives étaient aujourd’hui suffisantes et qu’il n’était, en fait, pas nécessairement utile de lancer une réforme profonde pour permettre l’adaptation des normes, citant en ce sens l’avis du Conseil d’Etat de décembre 2017 sur le projet de loi de réforme constitutionnelle. Il a rappelé que l’AMF y était nécessairement favorable sous réserve néanmoins de s’inscrire dans le respect des grands principes que sont la libre-administration des collectivités, la subsidiarité, l’égalité et la non-tutelle d’une collectivité sur une autre.

« La France est un état unitaire mais qui n’interdit pas la capacité d’adaptation et d’innovation. Ce devrait même être le propre de la décentralisation. Il importe donc de lever les contraintes pour rendre la décentralisation effective. Cela ne peut se concevoir sans y avoir poser des bornes, telles que la protection des droits fondamentaux des individus. »

André Laignel a rappelé par ailleurs que toutes ces avancées n’auraient aucun sens sans donner les moyens aux collectivités de les appliquer. Ainsi, une réelle autonomie fiscale et financière doit leur être reconnue.

Il a conclu son propos en paraphrasant Albert Camus : « si nous continuons à étouffer les collectivités territoriales financièrement, que leur restera-t-il de leur capacité d’expérimentation et d’adaptation ? ».

Des échanges ont eu lieu avec les différents sénateurs présents, notamment mosellans et alsaciens qui bénéficient d’ores et déjà d’un traitement particulier.

La sénatrice du Morbihan, Muriel Jourda a, également souligné le risque que le droit à l’adaptabilité soit sérieusement limité par l’appréciation des juges. Géraldine Chavrier s’est voulue rassurante sur ce point.

 



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