Lors du débat consacré aux conditions d'exercice du mandat, le 22 novembre, dans le cadre du 105e Congrès de l'AMF, les élus ont unanimement demandé des mesures fortes pour conforter leur engagement et renforcer l'attractivité de la fonction de maire. Ils ont reçu le soutien de l'Assemblée nationale et du président du Sénat. L'AMF veut un engagement concret de l'État.
« Il est impératif d’améliorer les conditions d’exercice du mandat pour conforter l’engagement actuel des élus, susciter des vocations et diversifier le profil des élus locaux », a alerté Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse (41) et co-présidente du groupe de travail « conditions d’exercice des mandats locaux » de l’AMF, lors du débat consacré à ce sujet, le 22 novembre, dans le cadre du 105e Congrès.
Revalorisation des indemnités, formation, conciliation du mandat avec l’activité professionnelle et la vie familiale, accès aux droits sociaux, retraite, validation des acquis de l’expérience (VAE), les sujets sont nombreux et figurent parmi la soixantaine de propositions formulées, début novembre, par l’AMF qui les a transmises au gouvernement. « Les élus doivent gérer simultanément trois temps : le temps privé, le temps professionnel et le temps du mandat », a résumé Frédéric Roig, maire de Pégairolles-de-l’Escalette (34) et co-président du groupe de travail de l’AMF, pour illustrer l’équation très difficile que les élus doivent résoudre et que beaucoup ont découvert après leur élection en 2020.
Une équation qui concerne de plus en plus d’élus « car 60 % des maires exercent aujourd’hui une activité professionnelle dont un tiers à temps plein », a souligné Martial Foucault, directeur du Cevipof, en rappelant quelques enseignements de la vaste enquête menée avec l’AMF à laquelle plusieurs milliers d’élus ont répondu.
Facteur aggravant, « 85 % des maires que nous avons interrogés ont déclaré ne pas s’être souciés des conditions d’exercice de leur mandat avant leur engagement, a-t-il indiqué. Beaucoup d’entre eux ont dû réorganiser totalement leur vie professionnelle depuis trois ans et faire un choix difficile : abandonner leur activité professionnelle pour exercer leur mandat, avec une perte de ressource à la clé. Ou conserver leur métier en redevenant conseiller municipal ».
Lorsqu’ils tentent de mener de front mandat et activité professionnelle, les choses peuvent se révéler complexe comme en a témoigné, le 22 novembre, devant ses collègues élus, Laurent Roussel, adjoint au maire de Fontainebleau (77), élu en 2020, dont l’employeur a, selon lui, jugé ce « cumul » incompatible avant de le « placardiser ». L’élu bataille depuis aux prud’hommes pour faire valoir ses droits.
Dans ce contexte, la revalorisation des indemnités devient prégnante « même si elle ne conditionne pas l’engagement », souligne Martial Foucault (lire ci-dessous). « Les maires ne s’engagent pas pour gagner de l’argent mais ils ne veulent pas en perdre non plus », a-t-il résumé.
Autrement dit, les élus demandent un retour sur leur investissement personnel dans le mandat qui ne doit pas se traduire par un sacrifice financier. Car la charge de travail déclarée par les maires est significative. Elle « s’établit en moyenne à 32 heures », révèle l’enquête, oscillant « entre 25 heures pour les maires de petites communes et 50 heures pour les communes de plus de 9 000 habitants ».
Rapporté aux indemnités perçues, « le taux horaire s’établit à 10,9€/heure pour les maires des communes de moins de 500 habitants (soit exactement le taux du SMIC horaire en juillet 2023) contre 20,4€/heure pour les maires des communes de plus de 50 000 habitants », souligne le Cevipof. Loin du salaire d’un cadre moyen. « Ceci explique pourquoi ils sont aujourd’hui 48 % à juger leur indemnité insuffisante - et même 78 % parmi les maires des communes de 9 000 habitants et plus -, contre seulement 25 % en 2020 », révèle l’enquête du Cevipof. « Nous ne demandons pas de privilèges mais simplement la reconnaissance de la responsabilité que le suffrage universel nous a confié », a résumé Frédéric Roig.
« On a jamais eu autant besoin du maire et, dans le même temps, son statut est précaire, son exposition juridique extrême et a charge mentale énorme !, a témoigné Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen-sur-Seine (93). Je suis inquiet sur la pérennisation de la fonction, sur l’engagement, notamment des jeunes, qui pourrait aboutir à une crise des vocations en 2026. Il est urgent que l’Etat soutiennent résolument les élus locaux ». Un constat partagé par Stéphanie Guiraud-Chaumeil, maire d’Albi (81) : « il faut réenchanter la fonction la fonction de maire et cela passe par une amélioration des conditions d’exercice du mandat ».
Sur ce sujet, les bonnes volontés ne manquent pas. Le Sénat est à l’origine de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, qui a reçu le soutien du gouvernement. En cours de discussion au Parlement, elle renforce notamment les sanctions des auteurs de violences à l’encontre des élus.
La Délégation aux collectivités territoriales du Sénat a rendu public, mi-novembre, un rapport sur le régime indemnitaire des élus municipaux, assorti de 8 recommandations visant à « garantir une meilleure protection matérielle des élus afin de faciliter et sécuriser l'exercice du mandat d'élu local ». Pour sa présidente, Françoise Gatel, « les maires ont besoin de moyens et de considération. Nos propositions sont sur le bureau du gouvernement qui a la main sur le sujet », a déclaré la sénatrice d’Ille-et-Vilaine, le 22 novembre, en souhaitant que « ce congrès de l’AMF soit celui de la détermination et de la volonté » en la matière. La délégation aux collectivités du Sénat, qui doit publier en décembre deux autres rapports (sur l'amélioration des conditions d’exercice du mandat local, d’une part, et sur la réussite de « l'après-mandat», de l'autre) a lancé une consultation en ligne des élus locaux sur tous ces sujets jusqu'au 22 décembre.
Le président du Sénat a, pour sa part, annoncé qu’« une proposition de loi sur les conditions d’exercice du mandat sera déposée au Sénat en début d’année prochaine » pour que « les bonnes intentions se traduisent en acte". Pour Gérard Larcher, « il est temps de reconnaître à sa juste valeur le travail des élus locaux pour le compte de l’État et de leurs concitoyens. Le temps est à l’action ! », a-t-il lancé, partageant le souhait formulé par Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF : « il faut donner une traduction législative et règlementaire à nos propositions. »
L’Assemblée nationale n’est pas en reste : une mission d’information sur le statut de l’élu, créée au sein de la délégation aux collectivités, pilotée par les députés Violette Spillebout (59) et Sébastien Jumel (76), rendra ses conclusions début décembre et devrait aboutir « au dépôt d’une proposition de loi transpartisane sur le sujet qui tiendra compte des travaux en cours au Sénat », a précisé la députée du Nord devant les congressistes. Ce texte « traitera tous les aspects du statut et demandera à l’Etat de mettre les moyens financiers car ce n’est pas à la commune de financer ce statut », a souligné son homologue de Seine-Maritime, Sébastien Jumel.
Et, le 23 novembre, toujours dans le cadre du congrès de l’AMF, plusieurs députés socialistes dont Stéphane Delautrette (87) et Christine Pires Beaune (63), ont déposé, à leur tour, une proposition de loi « visant à améliorer l’attractivité des mandats locaux ». La particularité de cette proposition de loi, expliquent ses auteurs, est qu’elle vise à traiter en une fois toutes les problématiques (sécurité juridique, agressions, indemnités, conciliation avec l’activité professionnelle, formation, etc.), plutôt que de voir se multiplier les textes « en silo ». Pour la députée du Puy-de-Dôme Christine Pires Beaune, les auteurs de ce texte, qui se sont très largement inspirés des propositions de l’AMF, de l’APVF et de l’AMRF, sont dans une démarche « transpartisane ». Ils ouvrent le texte à la signature de « tous ceux qui le voudront ». « Le chef de l’État veut une loi sur les conditions d’exercice du mandat, a conclu la députée, nous lui disons ‘’chiche’’ et nous lui fournissons une base de travail ».
Le gouvernement semble aussi décidé à agir. « Nous allons travailler sur un statut de l’élu en partenariat avec l’AMF pour résoudre tous les irritants», a déclaré Dominique Faure, ministre ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, le 21 novembre, devant les maires. En clôture du 105è congrès, le 23 novembre, la Première ministre a indiqué que le gouvernement augmentera l'an prochain "de près de 15 millions d’euros" la dotation particulière des élus locaux (DPEL) afin de « mieux indemniser les élus des petites communes rurales ». Mais les élus attendent davantage de mesures pour faciliter les conditions d'exercice de leur mandat. Elisabeth Borne a souhaité que ce travail, «qui devra être mené en lien avec les associations d’élus et les parlementaires », puisse aboutir «au premier semestre 2024 », dans le cadre d’un projet de loi.
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