La délégation aux collectivités territoriales du Sénat vient de présenter son bilan annuel et son programme de travail pour les prochaines semaines. Après une année d’activité particulièrement dense, notamment sur le statut de l’élu, son président, Bernard Delcros, formule déjà plusieurs propositions pour accélérer sur des chantiers jugés « prioritaires » parmi lesquels figurent la simplification et la lutte contre l’inflation normative, le pouvoir de dérogation des préfets, les coûts de la commande publique, les conséquences des suppressions de fiscalité locale…
En chiffres, l’activité annuelle de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (DCT) du Sénat, du 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024, s’est traduite par 11 rapports d'information adoptés (+ 6 par rapport à la session 2022-2023), 64 auditions, 209 personnes entendues (ou ayant rédigé une contribution écrite) ou encore 3504 réponses d’élus aux consultations menées.
Rapports « 3 recommandations »
Au menu de cette année d’activité : la poursuite des travaux liés à la mission de simplification des normes, la réforme du statut de l’élu local et le développement de nouvelles méthodes de travail. Sur le statut de l’élu, pas moins de trois rapports d’information ont été remis préconisant de revaloriser les indemnités, d’améliorer et de sécuriser les conditions d’exercice du mandat et d’accompagner pour réussir l’« après-mandat ». Ils ont débouché sur une proposition de loi (PPL), adoptée par le Sénat le 7 mars 2024 à l’unanimité.
La délégation a également expérimenté une nouvelle forme de rapport dit « 3 recommandations ». Objectif : approfondir un sujet détecté et traité lors d’une table ronde. Courts, rapides et synthétiques, ces rapports « 3 recommandations » permettent de s’emparer d’un sujet urgent (différenciation, aide aux projets des petites communes). Par ailleurs, la DCT a exercé pour la première fois un « droit de suite » sur le rapport de février 2023 relatif à l’ANCT avec un suivi précis de ses recommandations dans un nouveau rapport daté de juin 2024.
Simplification : « un travail de longue haleine »
Fort de ce bilan, Bernard Delcros, président de la délégation depuis octobre 2024, a présenté, mi-janvier, son programme de travail des prochaines semaines, avec déjà des premières propositions sur la table. Le chantier de la simplification continue de figurer en haut de la pile. « L’inflation normative signifie un coût important pour les collectivités mais aussi un ralentissement voire même un empêchement de la mise en œuvre de certains projets », pointe le sénateur du Cantal. Il reconnaît qu’il s’agit là d’un « travail de longue haleine » qu’il souhaite mener main dans la main avec le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) afin de réduire drastiquement le poids des normes.
Le sujet n’est pas nouveau. Une charte d’objectifs communs pour simplifier les normes applicables aux collectivités a été signée, le 16 mars 2023, par le Sénat et le gouvernement. Un an plus tard, l’ex Premier ministre, Gabriel Attal, avait promis, devant la DCT, « de lancer une simplification massive des normes » et de redonner « du pouvoir d’agir aux élus locaux ». Mais le chantier n’avance que lentement comme le regrette régulièrement l’AMF. Bernard Delcros promet qu’à l’occasion du second anniversaire de la charte, a priori le 3 avril, seront organisées des Assises de la simplification, un rendez-vous qui sera annuel pour évaluer « le bilan et les avancées concrètes » mais aussi mesurer tout ce qu’il reste à faire. « Il faut accélérer car cela n’avance pas assez vite », insiste le sénateur.
Elargir le pouvoir de dérogation des préfets
A cette fin, il veut s’appuyer sur plusieurs leviers dont des rencontres régulières avec les ministères concernés ou les résultats de la consultation menée par la DCT auprès des élus sur la simplification des normes (près de 2500 réponses), qui seront présentés le 30 janvier. Il va aussi lancer « un travail sur l’interprétation des textes par les services déconcentrés de l’Etat qui, plus d’une fois, ne respectent pas l’esprit de la loi » qui pourrait se traduire, si besoin, dans une PPL.
Autre levier mis en avant : le développement du pouvoir préfectoral de dérogation aux normes. Une mission de la délégation doit rendre son rapport le 13 février et formuler une série de propositions. Après une phase expérimentale, le dispositif a été généralisé en 2020 « mais avec un champ trop restreint et une trop faible utilisation », regrette Bernard Delcros. Alors que 90% des dérogations accordées concernent les collectivités, il n’en existe, depuis 2020, qu’une en moyenne par an et par département. Un bilan pour le moins décevant. « Il faut donner aux préfets de département de réelles capacités pour s’adapter aux spécificités locales », souligne l’ancien maire de Chalinargues. Et d’appeler là aussi à « agir rapidement ».
Complexité de la commande publique
Sur le chantier de la simplification, la délégation souhaite en outre s’attaquer à la complexité comme à la longueur des procédures de la commande publique. Elle cible en particulier les surcoûts engendrés pour les constructions publiques, variant selon elle de 15 à 30%. Un travail vient d’être engagé sur le sujet afin d’évaluer le stock des normes pour le réduire.
« La complexité des marchés publics ne cesse de s’accroître, ce qui exclut souvent les artisans locaux et pénalise les territoires ruraux », pointe le sénateur du Cantal qui critique également « des délais de la commande publique ayant augmenté de plus de 50% en quelques années ». Citant les solutions ayant pu être trouvées pour accélérer la commande publique dans la préparation des JO de Paris, il veut s’en « inspirer » pour formuler des propositions.
Vers une adoption de la PPL sur le statut de l'élu
Bernard Delcros salue le soutien du Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale du 14 janvier, aux PPL sénatoriales relatives au statut de l’élu et aux compétences eau et assainissement. Celle de Françoise Gatel, aujourd’hui ministre déléguée à la Ruralité, devrait arriver prochainement en discussion devant les députés, en intégrant les dispositions des députés Violette Spillbout et Stéphane Delautrette, notamment sur la reconversion professionnelle des élus. Le sujet semble faire consensus. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a aussi appelé à son adoption rapide afin d’être applicable aux municipales de mars 2026. S’agissant de l’extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1000 habitants, notamment pour favoriser la parité, Bernard Delcros s’y dit favorable. En revanche, il ne souhaite pas réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes.
Concernant la PPL sénatoriale qui supprime le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes au 1er janvier 2026, le Premier ministre s’aligne également sur la position de son prédécesseur, Michel Barnier.
Conséquence des exonérations et suppressions de fiscalité locale
Par ailleurs, la délégation va réaliser « un état des lieux des conséquences pour les collectivités, ces quinze dernières années, des exonérations ou suppressions de fiscalité locale ». Objectif : quantifier les compensations. « Quand c’est nécessaire, il faudra remettre les compteurs à zéro », avance le sénateur du Cantal en citant le cas de certaines exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties.
Autres dossiers de la DCT sur le point d’aboutir ou à lancer : l’intelligence artificielle dans les collectivités, l’impact des réductions de postes d'enseignants, l’assurance des collectivités, les conditions de réussite des intercommunalités, en particulier pour améliorer la gouvernance, l’ingénierie en matière de développement économique…
Philippe Pottiée-Sperry
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