Alors que les députés viennent de rejeter le projet de budget, Gérard Larcher a détaillé, le 20 novembre, devant les maires, la manière dont le Sénat veut alléger les ponctions imposées par l'Etat aux communes.
Une «épargne forcée » révisée, un resserrement du FCTVA supprimé, mais aussi l’enterrement de la fusion des dotations d’investissement : le président du Sénat, Gérard Larcher, est venu détailler devant les maires, le 20 novembre, les mesures prévues par le Sénat pour alléger les prélèvements que l’Etat veut imposer aux collectivités dans le cadre de leur participation au redressement des finances publiques.
On le sait, l’effort de 4,6 milliards d’euros réclamé aux collectivités l’an prochain par le gouvernement – que l’AMF évalue à « plus de 7 milliards d’euros » – est jugé « inacceptable » tant par le président du Sénat que par les maires qui dénoncent des ponctions qui les conduiraient inévitablement à renoncer à certains investissements.
Bien que Sébastien Lecornu n'ait pour l'heure rien cédé sur ces ponctions, le moment semble se prêter à la négociation. Le Premier ministre a ainsi confirmé, en clôture de congrès de l’AMF, qu’il avait « donné mandat » à ses ministres pour composer avec les sénateurs afin de remanier la copie de l’exécutif. La chambre haute a donc proposé de revoir à la baisse l’effort frappant les collectivités en fixant « un plafond maximal » qui s’établirait à « 2 milliards d’euros, hors CNRACL» (hausse des cotisations des employeurs territoriaux à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales).
Pour y parvenir, les sénateurs ont choisi d’agir sur plusieurs dispositions. D’abord, sur « le fameux Dilico » (« dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités ») et sa version remodelée pour 2026. Prévu pour être doublé et étendu à près de 4 000 communes notamment, ce nouveau dispositif serait ainsi transformé afin que « les communes en soient totalement exonérées ».
C’est ce qu’avait «validé » la commission des finances du Sénat, le 19 novembre, a révélé Gérard Larcher, avant que l’Assemblée nationale ne rejette, dans la nuit du vendredi 21 au samedi 22 novembre, le projet de budget. La copie initiale du gouvernement est donc renvoyée au Sénat sans prendre en compte les amendements votés par les députés.
Le président de la délégation aux collectivités et sénateur du Cantal, Bernard Delcros, a précisé que le montant du Dilico pourrait ainsi être « divisé par deux a minima ». Pour ce qui est des modalités de reversement, « il n’est pas question [qu'il soit] de cinq ans » ni de le « baisser à 80 %», comme le prévoit le projet de budget du gouvernement, a affirmé Gérard Larcher, enjoignant « l’Etat [à tenir] sa parole » en revenant sur un reversement de 90 % sur une période de trois ans.
D’ailleurs, le co-président de la commission finances et fiscalité locales de l’AMF, Emmanuel Sallaberry, a mis en garde : « Il faut faire très attention aux modalités de remboursement du Dilico. Je ne sais pas quel génie est derrière l’écriture des conditions, mais la mobilisation de tous les moyens informatiques ne permet pas de comprendre dans quel cas il nous sera remboursé », a déploré le maire de Talence (33), en ironisant : « Il aurait été plus simple d’écrire qu’il ne le serait jamais... »
Deuxième mesure dans le viseur des sénateurs, le resserrement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Un dispositif « attaqué depuis plusieurs années », a rappelé Bernard Delcros. « Nous proposons donc que la restriction prévue de l’assiette soit supprimée [...] pour toutes les collectivités. Les dépenses d’entretien des bâtiments publics, de voiries, des réseaux sont ainsi réintégrées dans l’assiette du FCTVA », a annoncé le président du Sénat.
Pour ce qui est de la diminution de la compensation de l’abattement de 50 % sur les valeurs locatives industrielles, le Sénat a pris le parti de « la réduire de moitié dans la contribution foncière des entreprises (CFE) ». « Ce qui va bénéficier tant aux communes qu’aux intercommunalités », selon Gérard Larcher.
Enfin, les sénateurs comptent bien « rétablir » la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) avant qu’elle ne fusionne avec la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation politique de la ville (DPV) dans un Fonds d'investissement pour les territoires (FIT) que le gouvernement souhaite créer. L’objectif est de «garantir aux communes rurales de continuer de bénéficier d’une dotation dédiée » et de conserver «le principe de ruralité ».
« La DPV, c’est quelques communes, mais si on la fusionne avec autre chose, elles vont être dépouillées », a également averti le second co-président de la commission finances et fiscalité locales de l’AMF, Antoine Homé, qui a tout simplement appelé à «dégommer ce FIT ». Le Sénat va donc revenir sur cette fusion, qui est également rejetée par le ministre de la Ville, Vincent Jeanbrun.
Dans le contexte plus que chahuté du débat budgétaire, le Premier ministre a mis en garde les élus, le 20 novembre, en clôture dU congrès : « En cas d’absence d’adoption d’un budget », les maires devraient faire face à un tout autre problème puisqu’il n’y aurait « aucune dotation d’investissement » versée en 2026. C’est d’ailleurs ce qu’il s'est passé l’an dernier lorsque le pays a dû fonctionner quelques semaines grâce à une loi spéciale. Les subventions avaient été suspendues et seuls les paiements des précédents engagements avaient été assurés.
En attendant, si les propositions du Sénat venaient à être adoptées définitivement, elles permettraient de réduire « d’un milliard d’euros l’effort demandé aux communes, divisant ainsi par trois ce qui était prévu », a évalué le président du Sénat.
En parallèle, Bernard Delcros a signalé que les sénateurs allaient aussi «se battre » pour « trouver une solution » à la baisse de 500 millions d’euros du Fonds vert et qu’ils comptaient bien «retravailler » sur la question de la minoration des « variables d’ajustement » (l’Etat prévoyant une baisse de ces compensations aux collectivités).
Par ailleurs, Bernard Delcros a déjà déposé - dans le cadre de l’examen du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026 cette fois - un amendement visant à geler la hausse, l’an prochain, des cotisations des employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). « Un sujet de première importance car il est lourd de conséquences pour les collectivités », selon l’élu.
Une compensation pour les communes rurales
Le sénateur du Cantal, Bernard Delcros, a annoncé qu’il déposera, comme l’an passé, un amendement pour obtenir la compensation intégrale de la mesure d’exonération de 10 % supplémentaire de taxe foncière sur les propriétés non bâties non bâti (TFPNB) sur les surfaces agricoles. Adoptée dans le précédent budget, cette mesure, particulièrement sensible pour les communes rurales, n’a toujours pas été compensée par l’Etat.
« Dans les toutes petites communes rurales qui ont peu d’habitants, mais des grandes superficies, la taxe sur le foncier non bâti représente parfois plus de la moitié de la recette fiscale totale de la commune », a-t-il rappelé.
Le gouvernement Bayrou a d’ailleurs reconnu, en juin dernier, que la non-compensation avait été une «erreur ». Le ministre de l’Économie de l’époque, Éric Lombard, s’était ainsi engagé solennellement, devant le Sénat, à la «corriger » dans le projet de loi de finances pour 2026. Si une mesure compensatoire a bien été inscrite dans le PLF, celle-ci ne serait toujours pas intégrale, selon le sénateur du Cantal. Et donc encore insuffisante à ses yeux.
Aurélien Wälti pour Maires de France, article publié le 25 novembre 2025.
© Arnaud Février
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