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Budgets locaux : en 2023, « nous ferons moins, car nous avons moins »

Confrontés à des dépenses en forte augmentation et à une réduction de leur marge de manoeuvre en 2023, les élus locaux ont fait part de leurs inquiétudes, lors du Forum consacré aux finances locales du 104e Congrès des maires et des présidents d'intercommunalité.

« Depuis des décennies, quand nous faisions nos budgets chaque année, la seule question qui nous intéressait, c'était : "Comment vais-je améliorer les réponses aux attentes de mes concitoyens, comment vais-je faire pour que le service public soit plus efficace et plus innovant ?" Cette année, je me demande ce que je vais pouvoir éviter d'affaiblir, voire d'amputer… »

Cette nouvelle approche du maire d’Issoudun (36), André Laignel, illustre ce à quoi sont confrontés les 35 000 édiles du pays face à la hausse historique des prix, celle des taux d’intérêts ou encore celle des rémunérations des agents. Et, pour 2023, «on ne saura pas faire », a assuré le premier vice-président délégué de l’AMF, lors du débat sur les finances locales du 24 novembre.

Avec des marges de manœuvre qui se réduisent et une inflation qui pourrait se maintenir jusqu’en 2025, des «sacrifices » douloureux vont devoir être fait par les élus locaux pour équilibrer le budget de l’année prochaine. Seulement, «l’imagination » s'épuise, ceux-ci ne voient plus vraiment où faire de nouvelles économies… déjà réalisées par le passé. « La très forte inflation bouleverse la construction de nos budgets. Faire plus avec moins, c’est la quadrature du cercle à laquelle les maires sont plus que jamais confrontés », a confirmé Antoine Homé, maire de Wittenheim (68) et coprésident de la commission finances de l’AMF.  

Retrouvez l'interview d'André Laignel, maire d’Issoudun (36), premier vice-président délégué de l’AMF, en vidéo ci-dessous :


« Faire plus avec moins ? Impossible »

« On nous dit de faire attention à notre masse salariale, à nos dépenses de fonctionnement. Mais on supprime quoi? Je ne sais pas comment on fait plus en termes d’économies globales et de mutualisation. On a attendu jusqu’au bout du bout pour allumer le chauffage dans les écoles, dans nos crèches, dans nos services municipaux. De quoi faut-il se passer ? De policiers, de cantonniers, d’animateurs, d’agents de restauration, de médecins ? », s’est désolée Nadège Azzaz, maire de Châtillon (92), qui vit son premier mandat, mais alerte déjà des risques pesant sur «la cohésion nationale » si les maires ne peuvent plus jouer leur rôle de «bouclier social ».

Même son de cloche à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, à la frontière surinamaise, où les enjeux sont pourtant différents. Près de 50 000 habitants officiellement, plus de 70 000 en réalité. La commune possède 32 groupes scolaires et crée «une école tous les huit mois», «un tiers du budget » allant aux affaires scolaires. «Faire plus avec moins, on le fait depuis longtemps. Mais l’an prochain, ce sera quasiment impossible », a affirmé Sophie Charles, la maire de cette commune.

Sans compter le «petit supplément » d’inflation réservé aux ultra-marins qui voient le panier du maire alourdi encore par «la continuité territoriale » : «Lorsque 70 % de tout ce que nous utilisons est importé de l’Hexagone », il y a des frais de transports à intégrer et «cela signifie que sur une même facture, nous avons eu une augmentation de 30 % cette année », a calculé l’élue.
 

Piscine fermée et subventions réduites

Au-delà même de la question du coût de l’énergie, qui fait la Une de l’actualité, c’est aussi celui des matières premières qui frappe les communes. «L’augmentation des coûts du gravillonnage pèse sur les budgets et inquiètent les maires ruraux. C’est 200 euros la tonne d'augmentation, ça c’est du concret pour un maire d’une commune rurale », a tonné Dominique Amiard, maire de Cures (72), qui a vu son village de 491 habitants fragilisé par «des pertes de dotations de l’État », celui-ci s'insurgeant contre «les inégalités scandaleuses qui existent dans le pays ».

À Trouville-sur-Mer, station touristique du Calvados, la maire, Sylvie de Gaetano, s’est réjouie, elle, de pouvoir annoncer un budget 2023 qui sera «à l’équilibre ». C’est d’ailleurs l’une des rares communes qui avaient prévu de le voter d’ici la fin d’année et à ne pas le reporter au printemps, compte tenu des multiples incertitudes. Mais, cela se fera au prix de plusieurs sacrifices. Et ce, malgré la perception de 2 millions d’euros de recettes annuelles provenant de son casino. La piscine a ainsi été fermée. Un véritable «drame » pour l’élue locale qui vit elle aussi un premier mandat «compliqué ». Elle a également mis en place des «extinctions nocturnes » de l’éclairage public, baissé les subventions aux associations, augmenté le prix du stationnement et «rogne sur tout ».

« Nous devons dire la vérité aux Français. Nous ne ferons pas plus l’an prochain. Nous ferons moins car nous avons moins », a résumé le coprésident de la commission finances de l'AMF, Pierre Breteau. Malgré la hausse annoncée de la DGF en 2023, des bases fiscales en augmentation et la mise en place de dispositifs d’aides face au prix de l’énergie, «le delta restera négatif », a rappelé le maire de Saint-Grégoire (35). Résultat, «ce qui est en jeu, c’est au mieux la baisse de l’investissement [car] la question des services publics est posée. »

Retrouvez l'interview de Pierre Breteau, maire de Saint-Grégoire (35), co-président de la commission finances de l’AMF, en vidéo ci-dessous :

Indexation de la DGF : «  le bon outil » ?
L'AMF demande à l’État d’indexer la DGF sur l’inflation car la hausse de 320 millions d’euros prévue par le gouvernement en 2023 ne suffira pas à compenser la hausse des prix. «Les communes avec beaucoup de logements sociaux, des dotations importantes et une part faible de foncier dans leurs ressources sont totalement défavorisées » par rapport à celles qui ont comme principale ressource la taxe foncière, a rappelé Philippe Laurent, vice-président de l’AMF. C’est pour cela qu'il «faut indexer la DGF », «c’est parce que c’est juste de le faire ».

Pas de quoi convaincre la députée de la majorité, Stella Dupont (Maine-et-Loire), vice-présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale : «Je comprends votre logique, mais cette DGF n'est pas parfaite, elle présente des iniquités. » «Vouloir indexer une dotation qui n’est pas satisfaisante, ce n’est peut-être pas le bon outil. D’où ces outils ciblés [mis en place par le gouvernement] : le filet de sécurité, le bouclier tarifaire, l’amortisseur électricité… »

« On nous a déjà servi cet argument pour supprimer la taxe d'habitation, on nous le ressert pour la CVAE et, demain, on nous le ressortira pour le foncier bâti ! Il n’y a aucun impôt - ou dotation - parfait. Et sous ce prétexte, on en profite pour nationaliser les finances de nos collectivités territoriales », a dénoncé le maire d’Issoudun (36) et premier vice-président de l’AMF, André Laignel.

Les élus et Stella Dupont se sont en tout cas accordés sur la nécessité d’ouvrir le débat sur la redéfinition d’un pacte global financier Etat/collectivités 

 

Référence : BW41494
Date : 8 Déc 2022
Auteur : Aurélien Wälti


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