« Les Français dressent un portrait noir de la société» perçue «comme plus individualiste, plus fragmentée, plus agressive » : tel est l’un des principaux constats d’une étude sur « les Français et le civisme » réalisée par l’Ifop pour l’association Passeport du civisme, fondée par Maxence de Rugy, maire de Talmont-Saint-Hilaire (85), qui co-organisait, le 25 juin, avec l’AMF, les « Assises nationales du civisme », en présence notamment de David Lisnard, président de l’AMF, et Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur.
Selon ce baromètre, réalisé en mars dernier auprès d’un échantillon représentatif de 1003 personnes, « 86 % des Français » jugent que la société française se dirige vers «plus de volonté de s’enrichir et de réussir individuellement » et seuls 14 % pensent qu’elle va «vers plus d’attention portée aux intérêts collectifs ». Parallèlement, les personnes interrogées ressentent une montée générale de l’agressivité verbale dans la société, notamment dans les médias (à 70%), dans l’espace public (à 76%) et sur les réseaux sociaux (à 78%).
Si une majorité des personnes interrogées (84%) pensent que nous allons vers un « repli individualiste », Jérôme Fourquet, directeur de l’Ifop, a toutefois souligné des raisons d’espérer en précisant qu’« un tiers des Français se dit impliqué dans la vie de sa commune ». Mieux encore, l’enquête révèle que 54% des Français « quelle que soit leur catégorie d’âge, seraient prêts à donner 7,3 heures par mois en moyenne à leur commune ».
Le maire aurait-il un effet catalyseur ? En tout cas, 69 % des Français estiment que leurs maires sont exemplaires en matière de civisme, en les classant juste après les forces de l’ordre et avant les sportifs.
Les Français sont-ils, eux, des bons citoyens ? Pas vraiment si l’on en croit les personnes interrogées qui «accordent une note de civisme médiocre à leurs concitoyens, à 5 sur 10 en moyenne », indique l’étude. En revanche, les Français sont beaucoup plus indulgents avec eux-mêmes en s’attribuant une note moyenne de 7,5 sur 10 ! Autrement dit, « l’incivisme, c’est les autres », résume l’Ifop.
Invités à hiérarchiser les incivilités, ils estiment que le plus condamnable est de s’en prendre aux personnes, de ne pas respecter les espaces publics et de frauder. A l’inverse, être un bon citoyen, selon les personnes interrogées, consiste en priorité à «respecter les règles de vie commune dans les lieux publics (95%), respecter les autres quelles que soient leurs origines (89%), respecter l’environnement (87%), payer ses impôts (85%) et voter (82%).
Commentant ces résultats dans le cadre des Assises nationales, David Lisnard a estimé que « notre société, fragmentée, vit une crise de la démocratie, c’est-à-dire une crise de l’exécution publique, de la capacité d’agir des élus, et une crise du sens de l’appartenance à une communauté ».
Pour le président de l’AMF, « le sursaut de la France ne pourra pas se faire sans la relance du civisme » dont il a fait « une cause municipale à Cannes et dont il faudrait faire une grande cause nationale ».
Maxence de Rugy, maire de Talmont-Saint-Hilaire (85) et fondateur de l’association Passeport du civisme (500 communes sont aujourd’hui engagées dans ce dispositif), estime qu’« il est impératif pour les maires de lutter contre le décrochage civique, de retisser des liens qui se délitent. Il faut agir au niveau de la commune qui est le lieu du premier enracinement et, souvent, du premier engagement ».
« Les maires sont les héros du civisme au quotidien et les premières victimes de l’incivisme à travers les violences qui leur sont faites », a déclaré Bruno Retailleau. Le ministre de l’Intérieur a pointé une « hyperviolence qui se répand et concerne de plus en plus de jeunes », qu’il impute à « une perte de repères » citant « le respect, la discipline, l’autorité ». Il a encouragé les maires à renforcer le civisme dans leur commune, « à lutter contre la tentation du chacun pour soi » car «le civisme est la possibilité d’une vie en commun, c’est le "nous" plutôt que le "moi" ».
« Le dispositif des passeports du civisme montre qu’une nouvelle génération s’engage. Les jeunes ont besoin d’être accompagnés par les élus, leurs familles, l’école », s’est réjoui Sarah El Haïri, Haute-commissaire à l’enfance.
« Nous devons resacraliser les valeurs républicaines et redonner une "gagne républicaine" aux citoyens en nous appuyant sur le triptyque famille-école-associations. Le politique doit porter cet élan civique », a estimé Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen-sur-Seine (93).
Dans cette difficile entreprise, les élus ont reçu le chaleureux soutien du Général Jean-Claude Gallet, ancien commandant des sapeurs-pompiers de Paris : « je rends hommage à tous les élus qui sont les premiers acteurs pour casser la spirale infernale de l’incivisme. Ils ont accepté de s’engager, de faire le don d’eux-mêmes pratiquement sans aucun retour, pour l’intérêt collectif ».
En clôture des assises, Edouard Philippe, maire du Havre (76), qui vient de s’engager dans le dispositif du passeport du civisme, a estimé que la montée de l’incivisme « a beaucoup à voir avec l’impuissance publique ». Pour l’ancien Premier ministre, « rétablir l’autorité de la loi, de la règle, c’est indispensable mais insuffisant car le civisme ne repose pas que sur l’autorité. Il faut mettre au cœur de nos concitoyens la responsabilité, une notion d’unité, un projet ». Les élus ont « un devoir d’exemplarité » pour promouvoir le civisme qui « est un effort constant, jamais un acquis ».
Xavier Brivet pour Maires de France, article paru le 25 juin 2025.
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