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Comité interministériel des villes : les bonnes intentions du gouvernement restent à confirmer

Les maires concernés par la politique de la ville comptaient beaucoup sur ce rendez-vous formel pour que soit remise en avant la politique de la ville et les 1609 quartiers de la géographie prioritaire toujours décrochés en termes sociaux et économiques par rapport au reste des quartiers urbains (1) et dont une majorité est aujourd’hui couverte par un contrat de ville « Engagements Quartiers 2030 » (2). 

Un contexte budgétaire très frustrant 

« On se sentait orphelin depuis quelque temps, il était donc temps », glisse un participant à la fin de la journée marathon du comité interministériel de villes (CIV), vendredi. Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes et co présidente de la commission Politique de la ville de l’AMF, salue le changement de ton et d’approche du Premier ministre comme de la ministre déléguée à la Ville, avec des discours empreints d’une « vision plus positive de la politique de la ville ». « On a ressenti des échos de notre appel d’Épinay-sur-Sénart », acquiesce Gilles Leproust. Les maires notent ainsi la référence faite à une idée chère : « les territoires sont aussi la solution ». Voilà pour le sentiment général. Sur le fond, l’impulsion manque en revanche de souffle. « Il n’y a pas de révolution... mais il n’y aura pas de révolution de la politique de la ville ! », se résigne Catherine Arenou.

Le ministre de l'Aménagement des territoires, François Rebsamen l’a expliqué vendredi, l’ensemble des mesures doivent se réaliser à périmètre budgétaire constant. Le gouvernement assume de se « concentrer » sur les actions « qui ont fait leurs preuves », en raison d’un « contexte budgétaire contraint », qui oblige à être « sélectifs dans les actions ». Le nombre de mesures annoncées est de fait bien moindre que lors du précédent CIV : 42 en tout, dont une moitié présentées comme nouvelles. « Cette musique du budget contraint devient pénible », confie Gilles Leproust, maire d’Allonnes et président de Ville et banlieue. « On le sait, nous aussi nous sommes contraints par nos budgets, cela ne nous empêche pas de faire des choix sur des priorités avec des engagements forts ». 

Trois priorités : jeunesse, bien vivre et insertion professionnelle 

La feuille de route du gouvernement se concentre sur « trois priorités ». La première est d’ « assurer l’égalité de chances pour les enfants et les jeunes de ces quartiers prioritaires ». Deuxième volet : « assurer la tranquillité publique », considérée comme une « condition pour que les autres actions portent (leur) fruit ». Troisième volet, « faciliter l’insertion professionnelle » et « stimuler l’économie ».

Dix actions et objectifs sont mis en avant autour de ces trois axes, dont quatre concernent la jeunesse. L’une d’elles avait été dévoilée quelques jours plus tôt par la ministre de l’Éducation nationale : 40 nouvelles cités éducatives seront labellisées en 2025, portant le total de cités éducatives à 250.

Les trois autres objectifs fixés portent sur le doublement des objectifs de scolarisation des enfants de moins de 3 ans (dès la rentrée 2026, à raison de 100 classes de très petite section maternelle par an) ; la poursuite du plan de création de 100 crèches (pour 3000 places) (sans bilan du nombre de crèches déjà réalisées) d’ici 2029 ; la création d’accueils psychologiques pour prévenir et prendre en charge les problématiques de santé mentale des enfants et adolescents et enfin la poursuite du soutien aux études supérieures (via 100 conventions d’excellence entre des lycées de QPV et des écoles supérieures).

Concernant la tranquillité publique et « le bien-vivre dans les quartiers », le CIV fixe l’objectif de « résoudre l’ensemble des difficultés d’entretien des parties communes » avec les bailleurs sociaux, avec un levier, celui de l’abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties. Il prévoit de doubler les délégués « à la cohésion police population » (d’ici 2027), et enfin d’ouvrir de nouvelles maisons France Services (là non plus sans bilan du nombre actuel) et 1000 lieux de stage pour les médecins juniors (dès 2026).

Enfin, pour l’emploi et le développement économique, le CIV annonce un « fonds d’investissement » de 60 millions (dès cette année) et le déploiement de 150 millions de micro crédit (prêts d’honneur quartiers) pour « accélérer » la création de commerces et l’artisanat, ainsi que de nouvelles « incitations fiscales » en lieu et place des anciennes zones franches et un accompagnement « renforcé » pour 100 000 demandeurs d’emploi par France Travail. 

Des bons points et des angles (toujours) morts 

La plupart des nouvelles mesures sont assorties d’indicateurs permettant d’évaluer leur mise en œuvre et leur impact. De bon augure, jugent les élus. D’autant que la ministre déléguée à la Ville s’est engagé à organiser un comité de suivi national tous les trimestres, le premier doit avoir lieu « dans trois mois ». Des comités locaux devraient être également organisés, a-t-on également appris de source gouvernementale. Un engagement largement salué par les élus du bloc communal qui en avaient fait un point clé de l’appel d’Épinay-sous-Sénart, en mars dernier (lire Maire info du 18 mars). Cela permettra notamment d’en savoir un peu plus sur la trentaine des autres mesures listées vendredi et qui pour la très grande majorité se résument à une phrase, avec peu de précisions.

Comme celle de l’alignement des taux d’encadrement des écoles orphelines sur celui de l’éducation prioritaire dans 100 écoles ou le maintien de la priorisation des projets en QPV du plan 5000 équipements pour réduire les inégalités dans la pratique sportive. 

La participation de huit ministres (3) aux côtés du Premier ministre devait illustrer « la mobilisation du droit commun » en faveur des quartiers populaires. La démonstration n’est pour l’heure pas convaincante ni sur la forme, ni sur le fond. Deux ministères manquaient : celui de la Culture et celui de la Jeunesse et des sports. « C’est d’autant plus dommageable pour un CIV placé sous l’angle de la jeunesse », raille un maire, dubitatif sur « l’héritage des Jeux olympiques », « parlons plutôt de déshéritage ». « Ce sera à nous justement de ne rien lâcher sur ces questions », réagit une élue. 

Sur le fond, les élus regrettent l’absence de bilan détaillé des deux précédents CIV, de 2021 et 2023. Le dossier de presse du gouvernement n’est pas plus prolixe. Les services de Matignon et de la ministre déléguée à la Ville se contentent de mettre en avant un pourcentage : 70 % des mesures ont été réalisées ou sont en cours de déploiement. « On aurait aimé savoir par exemple où nous en sommes du fléchage des 15 % du fonds Vert sur les quartiers », argumente Gilles Leproust, rappelant que ce fonds a d’ores et déjà été réduit de 30 %... 

Dernière déception, que les élus espèrent temporaire, la poursuite du programme de renouvellement urbain n’a pas été mise sur la table et aucun arbitrage n’a été rendu. Les annonces sont réservées pour les journées nationales de l’Anru, ce mercredi 11 et jeudi 12 juin, justifie-t-on dans les cabinets ministériels. Là encore, les maires attendent un geste fort de l’État. 

 

 (1) Le premier comité interministériel des villes du gouvernement Bayrou, le deuxième depuis le début du quinquennat

(2) Six millions d’habitants vivent dans les quartiers prioritaires, dont près de 40 % - près d’un sur deux – a moins de 25 ans (contre 30 % à l’échelle nationale), la moyenne d’âge y est de 35 ans (41 dans le reste des villes). Le taux de redoublement y est plus élevé, puisqu’il concerne 24 % des élèves d’un QPV avant leur arrivée en 6 e contre 9 % pour la moyenne nationale). Le taux d’emploi n’est que de 44 %, contre 65 % sur le reste du territoire.

 (3) 333 contrats de ville ont été signés en 2024. Restent à signer d’ici à la fin de cette année les contrats des territoires ultramarins.

(4) Les deux précédents CIV se sont tenus à Grigny (2021) et à Chanteloup-les-Vignes (2023).

(5) Elisabeth Borne (Éducation nationale), François Rebsamen (Aménagement du territoire), François-Noël Buffet (pour le ministère de l’Intérieur), Yannick Neuder (Santé), Valérie Létard (Logement), Amélie de Montchalin (Comptes publics), Véronique Louwagie (Commerce) et Juliette Maevel (Ville).

Emmanuelle Stroesser pour Maire-info, article publié le 10 juin 2025.


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Référence : BW42659
Date : 10 Juin 2025
Auteur : Maire-Info


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