Espace Associations départementales de maires


Communes nouvelles : avant les municipales, l'heure est au bilan

De fructueux échanges ont eu lieu hier dans les locaux de l’AMF à l’occasion des deuxièmes Assises nationales des communes nouvelles. Alors que les élections municipales approchent à grands pas et que le mouvement de création des communes nouvelles s’essouffle quelque peu depuis 2020 (844 communes nouvelles existent aujourd’hui), ce rendez-vous important pour les élus a été l’occasion de dresser à la fois un bilan des créations passées et des perspectives nouvelles pour l’avenir, à court et moyen termes. 

En introduction des débats, la ministre chargée de la Ruralité Françoise Gatel – aussi auteure de la loi du 1er août 2019 sur les communes nouvelles – a fait un clin d’œil à Jacques Pélissard, ancien président de l’AMF et à l’initiative de la loi du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle. « Il explique que l’enjeu principal de la commune nouvelle est d’avoir des communes fortes et vivantes, indique Françoise Gatel. Comme l’AMF le pointe, une commune nouvelle se construit à partir d’un projet, d’une vision. C’est un enjeu d’avenir pour nos concitoyens qui accordent de plus en plus d’importance aux services qui sont offerts dans les communes ».

« Si la commune nouvelle apparaît comme une solution à beaucoup de maux et de difficultés et une manière de faire vivre nos villages sans supprimer l’identité des communes », selon les mots de Philippe Chalopin, maire de Baugé-en-Anjou et co-président du groupe Communes nouvelles de l’AMF, il reste que le modèle de la commune nouvelle n’est pas toujours bien compris ni même suffisamment connu, et que certaines situations, très différentes selon les territoires, poussent à s’interroger sur le statut de celle-ci. 

Élections municipales : la commune nouvelle n’est pas un sujet 

La commune nouvelle a d’abord été appréhendée sous le prisme des élections municipales. Brigitte Monnet, maire de Val-Sonnette, va se présenter à nouveau. La question de la commune nouvelle aura sa place dans les débats puisque l’équipe municipale organise « une réunion publique pour rendre compte aux habitants des projets que nous pouvons mener désormais ». « Ensemble on peut porter des projets que seuls on ne pourrait porter », résume la maire, qui estime que les habitants sont satisfaits de cette fusion entre cinq communes. Pour Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse, la commune nouvelle « n’est pas un sujet mais un acquis » et « aucun citoyen ne va soulever cette question » dans le cadre des élections. L’important pour Jean-Marc Vasse, maire de Terres-de-Caux et maire référent des communes nouvelles à l’AMF, est de « faire mesurer à chacun les avantages apportés par les communes nouvelles ».

Mais peut-on aller jusqu’à en faire un argument politique ? De ce côté-ci, les élus sont mitigés. Le choix de création de commune nouvelle doit, pour la maire de Valloire-sur-Cisse, être issu d’une « réflexion des conseils municipaux qui vont le faire pour servir au mieux les intérêts des populations pas assez sensibilisées ». François Aubey, maire de Mézidon-Vallée-d’Auge, est persuadé que s’il y avait eu une consultation des habitants avant la fusion, « les gens auraient été défavorables car trop attachés à l’identité locale ». « Mais la commune nouvelle est une machine à investir », argue l’élu. « Un candidat peut décider d’en parler mais il sera difficile de lutter contre le sentiment d’appartenance chez certains. » D’ailleurs, à Mézidon-Vallée-d’Auge, le Rassemblement national qui présentera une liste pour les élections a choisi de faire de la commune nouvelle « un sujet de frappe » face à l’équipe municipale sortante.

Dans le cadre du groupe de travail créé par la ministre Françoise Gatel, un axe d’amélioration a été identifié pour mieux faire connaître la commune nouvelle, à la fois aux élus et à la population. Le groupe propose qu’une réunion d’information soit conduite par les préfets de département sur ce qu’est la commune nouvelle en faisant témoigner des élus. « Il faudrait y associer tous les personnels et surtout rassurer et accompagner les DGS », ajoute la ministre qui estime pour sa part qu’un référendum pour créer une commune nouvelle serait « une consultation artificielle ».

Conseils municipaux, maires délégués, seuils inadaptés 

Des enjeux plus techniques ont été abordés par les élus présents hier. Il a été question par exemple des maires délégués. Les conseils municipaux des communes nouvelles peuvent en effet faire le choix de maintenir ou de supprimer les mairies déléguées des communes historiques. Certains sont convaincus du rôle indispensable de ces maires délégués, comme François Aubey qui estime que « sans maire délégué il n’y a pas de proximité » tandis que d’autres estiment que la dénomination peut créer la confusion chez les administrés. Dans certaines configurations comme à Baugé-en-Anjou – qui a une superficie de plus de 268 km², soit deux fois plus que celle de Paris – il est difficile d’imaginer se passer de ces maires délégués. 

A aussi été abordée l’incontournable question des effectifs des conseils municipaux dans les communes nouvelles. Pour rappel, la loi Pélissard du 16 mars 2015 a prévu un dispositif permettant d’éviter une chute trop rapide et trop brutale du nombre de conseillers municipaux lors du premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle. La loi du 1er août 2019 a stabilisé cette dérogation jusqu’au deuxième renouvellement général suivant la création de la commune nouvelle, avant le retour au droit commun. Plus récemment, la loi visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales prévoit que la période de transition resterait en vigueur jusqu’au troisième renouvellement général. 

Enfin, il a été largement rapporté que certaines dispositions et seuils sont loin d’être adaptés aux communes nouvelles. Les seuils apparaissent notamment inadaptés aux élus dans les communes nouvelles en ce qui concerne les obligations liées à la loi SRU, aux sites funéraires, ou encore l’obligation de créer un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), a détaillé Isabelle Dorliat-Pouzet, sous-directrice des compétences et institutions locales à la DGCL. Les exemples ne manquent pas et la diversité des expériences met au jour des réalités qui n’avaient pas été anticipées. C’est le cas de la réglementation pour les débits de tabac, observe Stella Dupont, députée de Maine-et-Loire, qui peut être un frein pour la reprise de ce type de commerce qui, bien souvent, est un commerce de proximité multiservices.

Il a été annoncé à l’occasion de ces Assises que la DGCL mène actuellement une enquête pour faire un état des lieux/bilan des communes nouvelles auprès de 20 départements (10 où il y a le plus de communes nouvelles et 10 où il y en a le moins). Le but : identifier les freins à la création de communes nouvelles. 

Statut de la commune nouvelle 

Tous ces sujets poussent à s’interroger sur l’avenir des communes nouvelles d’un point de vue juridique et législatif. Faudra-t-il considérer à terme que la commune nouvelle doit tendre vers plus de particularisme, en devenant une collectivité à statut particulier, ou doit-elle progressivement être considérée comme une commune « normale » ? « La question du statut particulier des communes nouvelles est devant nous, si on veut maintenir l’attractivité de cet outil », défend Stella Dupont qui est favorable à ce que les communes nouvelles accèdent à un statut particulier à l’instar des communes d’outre-mer. Michel Verpeaux, professeur émérite de droit public et coprésident du Comité de réflexion sur les communes nouvelles de l’AMF a rappelé que différentes options étaient possibles, d'un point de vue constitutionnel, et que le législateur est libre de statuer sur cette question. 

Pour Éric Kerrouche, sénateur des Landes, la question se pose davantage en ces termes : « Quelle latitude donne-t-on à la commune nouvelle pour qu’elle devienne une commune comme une autre ? » Estimant qu’il n’est pas utile de légiférer pour faire de la commune nouvelle une entité à part, il souligne cependant qu’un « traitement différencié pendant un moment ne doit pas faire peur ». Sur le sujet, la position du gouvernement est claire : après une nécessaire phase de transition, les communes devront, le moment venu, se plier aux mêmes règles et aux mêmes obligations que toutes les autres communes. 

Lucile Bonnin pour Maire-info, article paru le 10 juillet 2025.


Le quotidien d'informations destiné aux élus locaux
Abonnez-vous !

Référence : BW42711
Date : 10 Juil 2025
Auteur : Maire-Info


Partager :

La reproduction partielle ou totale, par toute personne physique ou morale et sur tout support, des documents et informations mis en ligne sur ce site sans autorisation préalable de l'AMF et mention de leur origine, leur date et leur(s) auteur(s) est strictement interdite et sera susceptible de faire l'objet de poursuites.