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Courrier de David Lisnard, Président de l’AMF, adressé au Président de la République concernant le Conseil national de la refondation

Monsieur le Président de la République,

Vous m’avez convié à participer au Conseil national de la refondation pour y représenter les maires et présidents d’intercommunalité de France. Je vous en remercie.

La crise civique que nous traversons, qui se manifeste notamment par une abstention électorale croissante et par la multiplication des violences, rend nécessaire de s’interroger sur l’architecture, la performance et le sens de l’action publique, pour nous permettre de faire face aux « urgences du pays » et aux « grandes transformations du monde » que vous évoquez.

Ce questionnement ne peut se faire que par le débat et la confrontation des arguments, qui ne constituent pas des « querelles partisanes », pour reprendre vos termes, mais le fondement même de la démocratie.

« Bâtir des consensus » comme vous y aspirez passe notamment par le débat parlementaire au sein des deux chambres, composées de représentants du peuple élus au suffrage universel, et dont l’une, le Sénat, est spécifiquement chargée de porter la voix des collectivités. Ce « consensus » ne saurait se faire par une amplification de la dépolitisation constatée ces dernières années avec une volonté d’afficher un « gouvernement des experts », qui amplifie la crise civique donc démocratique de notre pays et semble au cœur de la conception de l’outil proposé.

Ce constat conduit inévitablement à s’interroger sur l’opportunité de la création du Conseil national de la refondation.

Si l’AMF partage votre volonté d’apporter des « solutions concrètes aux préoccupations de nos concitoyens », lesdites solutions passent essentiellement par la proximité de l’action publique, gage d’efficacité et de sens. L’AMF défend ainsi la liberté et la responsabilité locales comme principaux « antidotes à la crise démocratique », plutôt que la création d’un nouvel organe consultatif tel le CNR.

Par ailleurs, il s’avère, toujours à la lecture de votre lettre, que vous avez choisi de limiter l’objet du Conseil national de la refondation aux soins, à la formation, à la transition écologique et à l’autonomie.

Les enjeux de sécurité, de finances, de pouvoir d’achat, de logement, de bureaucratisation, de services publics de proximité, de compétitivité du pays, et d’instruction publique, pour citer des préoccupations prioritaires, ont ainsi été exclus du périmètre du diagnostic partagé et de la recherche de « solutions concrètes ». Ces enjeux sont pourtant essentiels pour le quotidien des Français et pour l’avenir de notre pays. 

En outre, l’AMF s’interroge sur la méthode que vous avez choisie pour concrétiser « l’esprit de dialogue et de responsabilités partagées ». A une semaine de la réunion, aucun ordre du jour n’a été communiqué aux participants et il ressort des éléments retranscrits dans la presse que le diagnostic sur « la situation de notre pays » - diagnostic pour lequel l’AMF est disposée à prendre toute sa part - fondement de toute discussion sur les « solutions concrètes », ne serait pas réalisé de manière conjointe. Vous avez fait indiquer par voie médiatique que des exposés seront réalisés par des experts institutionnels, en l’occurrence François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, et Corinne Le Quéré, climatologue.

Cette approche très conformiste et verticale nous semble en contradiction avec vos déclarations originelles sur l’esprit qui doit prévaloir dans le CNR et surtout avec une méthodologie participative et efficace.

C’est pourquoi l’AMF souhaite connaître les modalités de fonctionnement du Conseil national de la refondation, les suites réservées à ses travaux, et avoir l’assurance du caractère partagé des analyses de situation comme des solutions à mettre en œuvre.

La création du Conseil national de la refondation ne doit pas se substituer au nécessaire dialogue, sur les sujets qui relèvent de leur responsabilité, entre l’Exécutif, le Parlement et les élus locaux, issus eux-aussi du suffrage universel et porteurs à ce titre d’une légitimité particulière.

L’AMF poursuivra son dialogue loyal avec l’Exécutif et ne manquera pas, si toutes les conditions sont réunies, de prendre part à la réunion à laquelle vous m’avez convié. Elle continue dans le même temps de façon très proactive et toujours transpartisane de participer aux échanges courants avec les pouvoirs publics – Gouvernement et Parlement - ainsi qu’avec les représentants de la société civile, dans le cadre de ses travaux.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, à l’assurance de ma haute considération.

 

                                                                                                   David LISNARD

Pour aller plus loin
Référence : BW41347
Date : 31 Août 2022
Auteur : AMF


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