L’AMF et l’Institut pour la ville et le commerce (IVC) organisaient hier une rencontre sur le thème « Enjeux, outils et gouvernance locale de la compétence commerce », l’occasion de constater que cette compétence prend désormais toute sa place dans l’organisation des politiques publiques locales.
Le diagnostic est connu : le commerce des centres-villes, surtout des petites et moyennes communes, se porte mal. Alors que le taux de vacance était de 7,2 % en 2012, il est passé à 11,1 % (hors Île-de-France) en 2017. Ces chiffres, rappelés par Sophie Duval-Huwart, directrice du développement des capacités, plantent le décor de cette rencontre, co-présidée par Laurent Hénart, maire de Nancy et président de la commission développement économique, commerce, tourisme de l’AMF, et Pierre-Alain Roiron, maire de Langeais et rapporteur de cette commission.
Les problèmes rencontrés sont nombreux, depuis la question de l’équilibre centre-périphérie, jusqu’au manque de visibilité des stratégies des firmes, en passant par la maîtrise du foncier, un immobilier inadapté aux modes de consommation ou encore aux limites, souvent dénoncées, des commissions départementales d’aménagement commercial.
« Seule une approche globale et partagée permet d’y répondre », souligne Sophie Duval-Huwart. C’est pourquoi la loi a cherché à fournir aux collectivités de nouveaux outils, tout en favorisant la montée en compétence des intercommunalités.
C’est tout d’abord la loi Notre du 7 août 2015 qui consacre l’intercommunalité comme autorité organisatrice du développement économique local et de la gestion opérationnelle de proximité. Ce qui se traduit par une compétence entière pour la création, l’aménagement, l’entretien et la gestion des zones commerciales. La politique locale du commerce et le soutien aux activités commerciales relèvent d’une définition dans l’intérêt communautaire. À défaut d’une délibération prise au 31 décembre 2018, l’EPCI exerce l’intégralité de la compétence transférée.
En novembre 2018, la loi Élan revient sur la question du commerce : « Elle remet l’élu au cœur du dispositif avec de nouveaux outils et favorise l’équilibre centre-ville-périphérie », estime Isabelle Richard, sous-directrice du commerce, de l’artisanat et de la restauration à la direction générale des entreprises du ministère de l’Economie. Dispositif phare : l’opération de revitalisation de territoire (ORT, art. 157 de la loi Elan), qui est précisément l’outil de mise en œuvre d’un projet global, intégré et durable, luttant contre la vacance des locaux et des logements ou contre l’habitat indigne (lire Maire info d'hier). Le périmètre de l’ORT porte sur tout ou partie de l’EPCI signataire de la convention et contient le centre-ville de la ville principale de l’intercommunalité. « L’ORT est un outil pour toutes les communes, même rurales », insiste Sophie Duval-Huwart. Sitôt la convention signée, l’ORT est de portée immédiate. En particulier, elle permet de mettre en œuvre un droit de préemption commercial renforcé, de déroger à la demande d’autorisation d’exploitation commerciale en centre-ville et donne le pouvoir au préfet de suspendre un projet commercial hors du secteur de l’ORT et dans un EPCI limitrophe si le projet compromet gravement les objectifs de l’ORT. « L’ORT incite à définir les besoins, le bon périmètre d’intervention et invite les acteurs au dialogue », apprécie Isabelle Richard.
L’ORT a été pensée pour fournir des outils à l'ensemble des collectivités, même celles qui ne bénéficient pas du dispositif Action cœur de ville. Il arrive qu’une ville, pourtant sur la liste des bénéficiaires, passe son tour. « Nous ne sommes pas entrés dans Cœur de ville car nous avons mis en place un dispositif similaire en 2008 », affirme Nathalie Motte, maire-adjointe à Mulhouse. La stratégie Mulhouse Grand Centre est lancée avec un investissement de 38 millions d’euros, couvrant les actions dans le domaine de l’habitat, de l’accessibilité, de l’espace public et du commerce. Avec succès : la vacance commerciale, de 14% en 2014, est aujourd’hui inférieure à 9%. Mulhouse ne recourt pas à la préemption, préférant user de persuasion vis-à-vis des propriétaires. « Nous argumentons sur la dégradation de leur bien », dit l’adjointe. Dans le Grand-Sénonais, c’est la taxe sur les locaux vacants qui a contribué à diviser par deux la vacance.
Ces dispositifs visent à répondre à la crise actuelle. « Mais il faut penser au coup d'après », met en garde Pascal Madry, directeur de l’IVC, qui a présenté les nouveaux enjeux et les nouvelles controverses du rapport entre la ville et le commerce. Centre-ville et périphérie ont à affronter le même défi : la montée en puissance des entreprises logistiques ou numériques. « Si le commerce ne se réalise plus dans des lieux physiques, que faire des centres villes et des périphéries ? Quel avenir pour l’espace public si le commerce demande plus d’espace de livraison et de circulation ? C’est un enjeu en termes de planification ».
Martine Kis
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