Le scénario se répète. Un « effort supplémentaire de cinq milliards d'euros sur la dépense » publique sera encore nécessaire cette année pour contenir le déficit du pays en 2025 et ainsi « rétablir durablement » les comptes publics. C’est ce qu’a annoncé, hier, le gouvernement devant le comité d'alerte des finances publiques.
Après deux années de dérives importantes, l’objectif est d’éviter un nouveau dérapage budgétaire et de tenir les objectifs de déficit public (5,4 % de PIB) cette année. Pour 2026, le gouvernement espère encore le réduire à 4,6 % et cherche déjà à économiser quelque 40 milliards d'euros dans le prochain budget.
Outre les 1,7 milliard d'euros d'économies sur les dépenses de santé dévoilés, dès mercredi, par la ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin, ce sont donc 3 milliards d'euros de crédits supplémentaires prévus pour l'État qui ne seront finalement « pas engagés cette année ». À cela s’ajoutera « une mise en réserve complémentaire [qui] sera notifiée dans les prochaines semaines », a indiqué le gouvernement, dans son communiqué, au sortir de la deuxième réunion du comité d’alerte sur le budget.
Bien qu’elles semblent épargnées à première vue (ne serait-ce que parce que toute décision à leur égard demanderait une loi de finances rectificative, ce que le gouvenrement n'a pas du tout envie d'engager), les collectivités pourraient tout de même être affectées par cette mesure si elle venait à frapper les crédits des politiques qu’elles mènent.
Créé en début d’année, cet exercice de « transparence » – qui réunit notamment les délégations parlementaires aux collectivités locales et les associations d’élus – vise à « améliorer le pilotage des finances publiques » et à présenter les éventuels ajustements à réaliser pour tenir les engagements budgétaires de l'année. Mais il reste, toutefois, très critiqué.
Le serrage de ceinture pour l'État, la Sécu et les collectivités locales est donc porté à 10 milliards d’euros puisque Bercy avait déjà annoncé, en avril, un effort budgétaire de 5 milliards d'euros pour l’année 2025. Un gel des crédits qui a, une nouvelle fois, rogné les budgets de la mission dédiée aux collectivités et le Fonds vert. Entre autres.
Sans compter que la ministre des Comptes publics a prévu qu'« un tiers des agences et des opérateurs » de l'État allaient être « fusionnés ou supprimés » d'ici la fin de l'année. Une mesure qui pourrait là aussi affecter indirectement les collectivités.
Le scénario commence à ressembler à celui de 2024, où quelque 15 milliards d’euros de coupes claires avaient, in fine, été décidé par rapport au budget initial. Le gouvernement de Gabriel Attal avait, en effet, gelé, de la même manière, 16,5 milliards d’euros durant l’été dernier, avant qu’une grande partie de ces crédits ne soient tout simplement annulés en fin d’année. Cette « réserve de précaution » avait intégré les coupes claires décidées tout au long de l’année 2024 avec des ponctions qui avaient notamment affecté le Fonds vert, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), mais aussi directement les crédits alloués aux collectivités.
« Cet ajustement est indispensable pour garantir la soutenabilité de notre trajectoire de réduction des déficits et préparer avec sincérité le budget 2026 », a ainsi justifié l’exécutif, désormais sous la menace d’une motion de censure déposée hier par les socialistes. Car « si les recettes sont pour le moment globalement conformes aux prévisions de la loi de finances initiale, des tensions apparaissent sur les dépenses », a-t-il affirmé.
Concrètement, le gouvernement explique le nouvel effort sur les dépenses de l’État cette année par « des risques de dépassement qui demeurent pour certains ministères ». En ce qui concerne celui sur la Sécurité sociale, c’est « la dynamique des indemnités journalières » d'arrêts maladie et les « dépenses des établissements publics de santé », notamment.
Du côté des collectivités locales, l’exécutif point les dépenses de fonctionnement qui « progressent légèrement plus vite que la prévision ». « Notamment dans le bloc communal. » Sans plus de précisions.
Une analyse aussitôt balayée par Intercommunalités de France, qui a fustigé les indicateurs utilisés qui ne seraient « ni fiables ni précis ». « Ce sont ces mêmes indicateurs […] qui ont servi à Bruno Le Maire, alors ministre de l’Économie, pour annoncer en septembre 2024 qu’à elles seules, les collectivités pourraien"« dégrader les comptes 2024 de 16 milliards d’euros", avec une estimation de la hausse des dépenses locales de 8 %, qui s’est finalement avérée être de 4,5 %, soit près de la moitié », a dénoncé l’association d’élu, dans un communiqué.
« Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le gouvernement fait état d’une hausse des dépenses des collectivités qui s’établirait à hauteur de 2,3 % », relate Intercommunalités de France. Or, selon ses propres estimations basées sur les budgets d’un panel de 80 EPCI, l’augmentation de leurs dépenses de fonctionnement « atteindrait 1,2 % seulement en 2025 ». Elle serait ainsi « en-dessous des prévisions de la loi de finances (2 %) et en-dessous de l’inflation prévue pour 2025 (1,8 % également) », selon elle.
« Si aucune mesure n’a été annoncée à ce stade pour contraindre les budgets des collectivités, déjà bridés par des mesures de contraintes inédites sur leurs budgets 2025 à hauteur de plus de 8 milliards d’euros », Intercommunalités de France a dit souhaiter que « les discussions en cours dans le cadre des conférences financières des territoires se fassent à l’appui d’un diagnostic non seulement partagé, mais aussi fiable ».
En amont de ce deuxième comité d’alerte, l’AMF avait indiqué ne se faire aucune « illusion » sur ce qu’elle considérait comme un « nouvel exercice de communication de Matignon et non comme une véritable réunion de travail ». L'association avait, toutefois, fait part d’un « point de vigilance majeur » : que « le gouvernement n’impose pas de charges supplémentaires aux communes et le maintien de la capacité d’investissement des collectivités territoriales ». Pendant le comité d'alerte, le représentant de l'AMF, Joël Balandraud, a alerté le gouvernement sur la baisse des recettes de la TVA, du fait du ralentissement de la croissance, et qui affecte directement les collectivités locales. Il a d'autant plus enjoint le gouvernement, dans ce contexte, à ne pas brider la dynanmique de l'investissement en contraignant les collectivités à réduire leurs dépenses, l'investissement des collectivités étant l'un des moteurs de la croissance.
Notons enfin que l'Insee, dans sa dernière livraison statistique parue hier, constate un nouvel emballement de la dette de l'État au premier trimestre, tandis que la dette des collectivités, sur la même période, est en baisse.
A. W. pour Maire-info, article paru le 27 juin 2025.
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