Dotées de compétences étendues et de moyens conséquents, les intercommunalités constituent désormais un niveau de décision majeur de l'action publique locale. «L'intercommunalité aujourd'hui, c'est vraiment une chance pour nos territoires. Sans l'intercommunalité, on n'avancerait pas comme on avance », a lancé, en ouverture du forum, Stéphanie Guiraud-Chaumeil, maire d'Albi (81) et présidente de l'agglomération de l'Albigeois, également co-présidente de ce forum avec Sébastien Jumel, président de la communauté d'agglomération Dieppe-Maritime (76).
Pour ce dernier, les intercommunalités gagneront en légitimité et en lisibilité si elles font la démonstration de leur utilité au service des habitants et des communes qui la composent : «Dans mon agglomération, nous avons créé un centre intercommunal de santé permettant à 7 000 habitants qui n'avaient pas de médecin référent d'en trouver un », a-t-il illustré.
A quatre mois du scrutin des 15 et 22 mars, comment faire émerger l'intercommunalité dans le débat électoral et quelle place lui donner dans la communication ? Jusqu’où aller «sans risquer l’effacement des communes ? », se sont interrogés certains élus.
Isabelle Dufau, présidente de la communauté de communes de Seignanx (40) et adjointe au maire de Tarnos, mise sur une communication transparente et juste : «On travaille sur un document de campagne qui met en avant les réalisations municipales et ce que la communauté de communes à contribué à développer sur le logement, l’urbanisme, les solidarités. »
Même démarche initiée à Albi : «en 2014 et 2020, nous avons fait un seul programme avec un logo moitié ville et moitié agglomération quand l'agglomération portait le projet, pour donner une clé de lecture aux habitants », explique Stéphanie Guiraud-Chaumeil, qui appelle à la responsabilité et à ne pas tomber dans la démagogie : «Tout ce qui dévalorise la chose publique aux yeux de nos concitoyens dévalorise l'intercommunalité mais aussi les élus municipaux. »
Fabian Jordan, maire de Berrwiller (68) et président de Mulhouse Alsace Agglomération, insiste, lui aussi, sur une meilleure communication «en donnant plus de visibilité à l’intercommunalité dans les documents de campagne, en expliquant aux citoyens qu’ils vont élire des élus municipaux mais aussi communautaires. »
Un effort de pédagogie doit être fait, estime David Djaïz, essayiste et enseignant à Sciences Po : «Il faut progresser sur la compréhension de ce qu’est une intercommunalité et sur les services qu’elle peut rendre à la population. Nous avons des outils intéressants, comme les conseils de développement, mais il faut les faire évoluer. »
Les élus ont partagé cette nécessité de communiquer sur l’intercommunalité, pas seulement en période électorale mais tout au long du mandat. Objectif : montrer l’importance du fait intercommunal au bénéfice des communes et des habitants.
Depuis 2014, le fléchage des élus communautaires (dans les communes de 1 000 habitants et plus) a marqué une évolution même si Fabian Jordan regrette que «24 000 communes ne soient pas concernées, ce qui est une complexité pour le citoyen » (dans les communes de moins de 1 000 habitants, les élus intercommunaux sont en effet désignés dans l’ordre du tableau).
« Ce système [fléchage] commence à mettre l’intercommunalité dans le débat démocratique, mais il faudrait aller plus loin dans le mode de désignation des conseillers communautaires », juge Christine Bost, maire d’Eysines (33) et présidente de Bordeaux Métropole, tout en restant réaliste sur le besoin de proximité.
La question de l’élection au suffrage universel direct des présidents d'EPCI, évoquée, a cependant été balayée par Sébastien Jumel : «Faire ça, c'est condamner à mort les communes ». Pour Guillaume Guérin, président de Limoges Métropole, «la crise démocratique impose de rapprocher le pouvoir de décision, pas de l'éloigner. (…) Le maire est à portée de claque de l'individu, pas le président de l'intercommunalité. Si les ordures ne sont pas ramassées, tout le monde va voir le maire. »
La présence de l’intercommunalité dans le débat des municipales suppose aussi que les maires aient trouvé leur place au sein de leur EPCI, ce qui n’est pas toujours le cas. David Djaïz a rappelé que «dans des intercommunalités XXL, des maires sont exclus de toute instance. Il y a des intercommunalités où les maires ne siègent ni au bureau, ni même au conseil », a-t-il rappelé en estimant nécessaire de mettre en place un pacte de gouvernance avec les communes au sein des EPCI.
« Je crois en une gouvernance partagée dans les intercommunalités », a rebondi Guillaume Guérin qui défend la conférence des maires : «Je n'ai aucun grand projet qui s'applique si je n'ai pas 50 % des maires plus un », a-t-il témoigné. «Le maire est l’acteur principal de l’intercommunalité, et l’intercommunalité, c’est la poursuite de nos politiques communales », a résumé Fabian Jordan.
Pour Isabelle Dufau, il y a trois enjeux à relever au niveau intercommunal : «Porter un projet commun, embarquer l'ensemble des élus et la démocratie citoyenne. »
Une position consensuelle s’est fait entendre lors du forum : l'intercommunalité ne doit pas se substituer aux communes, mais leur permettre d'être plus fortes, ensemble. Comme l'a conclu Stéphanie Guiraud-Chaumeil, «l’échéance municipale ne doit pas être celle de la scission entre les communes et les intercommunalités mais, bien au contraire, le temps de la stabilité et de la confiance ».
Estelle Chevassu pour Maires de France, article publié le 25 novembre 2025.
© Lionel Guéricolas
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