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La loi Notre « a bien souvent produit des résultats contraires aux buts poursuivis », selon un rapport

Amers, les maires l’ont égratignée sans relâche au cours de leurs échanges avec Emmanuel Macron pendant le grand débat national (lire Maire info du 16 janvier 2019). La loi Notre du 7 août 2015, dernier volet des réformes territoriales initiées sous la dernière législature, n’a pas meilleure réputation aux yeux des députés chargés d’évaluer son impact. « Une loi mal née », « un big bang territorial », « une répartition des compétences source de rigidités »… Dans leur rapport, rendu public le 18 décembre 2019, Bruno Questel (Eure, La République en marche) et Raphaël Schellenberger (Haut-Rhin, Les Républicains) tirent, eux aussi, à boulets rouges sur cette loi « qui n’a pas atteint ces objectifs » et « a bien souvent produit des résultats contraires aux buts poursuivis ». Et formulent 21 recommandations.

« Une expérience traumatisante pour les élus locaux »
Suivant une « logique budgétaire de réduction des dépenses publiques » - déjà éprouvée lors de la réforme de la carte régionale faisant passer la France de 22 à 13 régions métropolitaines – la loi Notre a augmenté le seuil de population des intercommunalités, de 5 000 à 15 000 habitants hors dérogations pour les zones de montagne et les territoires peu denses. Selon le gouvernement de l’époque, la baisse du nombre d’EPCI - de 2062 en 2016 à 1266 au 1er janvier 2017 (-39 %) - devait permettre des économies d’échelles. Or, écrivent les députés aujourd’hui, « cet objectif de réduction des dépenses publiques n’est pas étayé par l’étude d’impact du projet de loi Notre, alors que les chiffres de 12 à 25 milliards d’euros annuels d’économies, résultant de l’ensemble de la réforme territoriale, avaient été évoqués dans un premier temps par André Vallini, secrétaire d’État à la Réforme territoriale ».
Sur le terrain, ces regroupements d’EPCI sont vécus dans la douleur. « La mise en œuvre de la loi Notre a été vécue, à bien des égards, comme une expérience traumatisante par les élus locaux ». D’autant que 79 projets de périmètres, soit 15 % de l’ensemble des projets, n'ont pas été approuvés selon les conditions de majorité qualifiée prévues par la loi. Ces regroupements ont, par ailleurs, ont conduit à « s’éloigner de la notion de bassin de vie : l’Insee a identifié en 2012 1 666 bassins de vie, soit 400 de plus que les 1 256 intercommunalités issues de la réforme de la carte intercommunale ».

Une perte d’influence des maires
« Les effets négatifs de l’accroissement de la taille des entités territoriales sont de plusieurs ordres », en concluent les députés. Des difficultés de gouvernance, en premier lieu. « L’augmentation de la taille des intercommunalités a entraîné une modification de la relation entre communes et intercommunalités (…) Les élus municipaux, en particulier les maires, ressentent un éloignement et une perte d’influence vis-à-vis des intercommunalités. L’enjeu est aujourd’hui de rééquilibrer la relation entre intercommunalités et communes en associant davantage les maires et les élus municipaux à la gouvernance des EPCI. » La création obligatoire d’une conférence des maires dans tous les EPCI à fiscalité propre ainsi que la possibilité de scission d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération, prévues par la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019, pourrait être un début de réponse (lire Maire info du 20 décembre 2019). La commune nouvelle peut en être une autre. Ce dispositif « est apparu comme un outil pour exercer ou reprendre des compétences précédemment exercées par une intercommunalité, qui, après une fusion dans le cadre de la loi Notre, n’a pas souhaité exercer ces compétences sur l’ensemble de son ressort », selon les auteurs du rapport.

« La théorie des blocs de compétences est une impasse »
Autres « effets négatifs » de la loi Notre : son coût financier, « le postulat des économies d’échelles liées à la fusion entre entités territoriales étant erroné ». La réorganisation territoriale a enfin eu « un coût social et politique, se traduisant par un sentiment de perte de proximité pour les citoyens », écrivent les députés pour qui « la suppression de la clause générale de compétence des régions et des départements repose sur une erreur de diagnostic » et la théorie des blocs de compétences « une impasse ». Sans parler des difficultés des transferts de compétences des communes aux intercommunalités en matière de tourisme et d’eau et assainissement… Ils croient davantage aux principes de subsidiarité et de différenciation et à l’interterritorialité. « La recherche, illusoire et contreproductive, de la lisibilité des compétences « consiste à faire entrer l’usager par le back-office de l’action publique ». C’est au final le service rendu au citoyen qui importe, selon une logique de front office, et non l’identification par ce dernier des collectivités responsables de ce service. »
Il reste à présent à espérer que le projet de loi 3D, actuellement en cours de rédaction (lire article ci-dessous), pourra permettre de corriger certaines des conséquences les plus négatives de la loi Notre. En attendant, les deux députés lancent un certain nombre de pistes - pas forcément les mêmes, d'ailleurs, la plupart des propositions étant signées de l'un ou l'autre des rapporteurs. Parmi celles de Bruno Questel, on notera l'idée - très proche de la logique du futur projet de loi 3D, d'inscrire « le principe de différenciation
des compétences des collectivités territoriales dans la Constitution ». Du côté de Raphaël Schellenberger, il est question de « supprimer la distinction entre communautés d'agglomérations et communautés de communes », de laisser « une liberté totale » aux collectivités en matière d'eau et d'assainissement, ou encore de « permettre la scission des grandes régions ». En revanche, les deux rapporteurs sont d'accord pour proposer « le rétablissement de la clause générale de compétence des départements et des régions » ou sur le fait que « tout transfert ou toute délégation de compétences entre départements et métropoles [soit] fondé sur le libre accord préalable des élus ».

Ludovic Galtier

Télécharger le rapport.


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Référence : BW39815
Date : 8 Jan 2020
Auteur : Ludovic Galtier


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