Il aura fallu presque deux ans, mais cette fois-ci a été la bonne : la proposition de loi déposée sur le bureau du Sénat le 18 janvier 2024, après deux lectures par chaque chambre, a été définitivement adoptée hier à l’unanimité (moins 22 abstentions). Elle devrait être promulguée dans les tous prochains jours et – ce qui n’est pas moins important – l’entourage de la ministre Françoise Gatel s’est engagé hier à ce que la quinzaine de décrets d’application que prévoit le texte soient tous adoptés avant les élections municipales.
« Ce texte ne crée aucun privilège – les élus locaux ne seront jamais au-dessus des lois et se doivent d’être exemplaires dans leur engagement. Mais il garantit le droit fondamental pour chaque citoyen, quels que soient ses ressources, son âge, son statut, de pouvoir s’engager dans la vie locale. Permettre à chacun d’être élu : telle est la promesse républicaine et l’honneur de notre démocratie. » C’est par ces mots que Françoise Gatel, aujourd’hui ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, mais hier sénatrice et co-auteure du texte, a introduit les débats. Elle a enjoint les députés à adopter ce texte conforme, c’est-à-dire sans modification par rapport au texte adopté par le Sénat en deuxième lecture le 22 octobre dernier : une seule modification dans le texte aurait en effet obligé à convoquer une commission mixte paritaire (CMP), ce qui aurait conduit à retarder la promulgation du texte.
Les députés ont entendu l’appel de la ministre – qui était aussi celui de l’AMF. Sur la vingtaine d’amendements qui avaient été déposés sur ce texte, 9 ont été retirés, 3 étaient irrecevables. Il en restait donc en tout et pour tout 8 à discuter, qui étaient plutôt des amendements d’appel, dont les auteurs n’espéraient pas l’adoption.
L’examen du texte a donc été très rapide : alors qu’une séance du soir était prévue, il n’y en a pas eu besoin : en trois petites heures, l’ensemble du texte a été examiné et tous les articles ont été adoptés conformes, avant un vote sur l’ensemble à l’unanimité : personne n’a voulu voter contre ce texte – ceux qui l’estimaient insuffisants ont choisi de simplement s’abstenir.
L’Assemblée nationale n’était pas très remplie : le texte a été adopté avec 109 voix pour et 22 abstentions. Ont voté pour le texte les députés du RN, du bloc central, du PS, des écologistes, des Républicains, de Liot et du PCF. Les abstentions viennent de La France insoumise.
Maire info reviendra dans une prochaine édition sur le contenu de ce texte. Mais Françoise Gatel en a résumé le contenu. Il repose sur « trois piliers » : faciliter l’engagement, sécuriser l’exercice du mandat, accompagner la fin du mandat. Il contient des mesures d’amélioration directe des conditions matérielles du mandat – avec notamment une revalorisation des indemnités des élus et le remboursement obligatoire de certains frais, comme les frais de transport
D’autres mesures visent à améliorer la conciliation entre la vie professionnelle, la vie étudiante et l’exercice du mandat, la protection fonctionnelle, la formation…
Pour ce qui concerne la fin du mandat, il est prévu un système de validation des acquis de l’expérience (VAE) pour les élus municipaux, et une amélioration de l’allocation différentielle de fin de mandat, ainsi qu’une bonification d’un trimestre par mandat complet (dans la limite de trois mandats) pour les droits à la retraite.
Enfin, rappelons que ce texte règle en partie un certain nombre de difficultés liées à la législation sur la prise illégale d’intérêts, notamment en exonérant de sanction pénale les élus agissant « pour répondre à un motif impérieux d’intérêt général » et en sortant l’intérêt public de la notion juridique de conflit d’intérêts : une interférence entre deux intérêts publics ne sera plus considérée comme un conflit d’intérêts.
Françoise Gatel, après l’adoption de ce texte, a très chaleureusement remercié les députés pour « le travail commun mené dans l’intérêt des élus locaux, ces sentinelles qui tiennent la République quand les choses vont mal ». « Je rêve d’un jour où les Français respecteront autant leurs élus qu’ils respectent les sapeurs-pompiers volontaires », a conclu la ministre. « Ce jour-là, la démocratie aura gagné. »
L'AMF a réagi hier, sur le réseau X, à l'adoption de ce texte sur lequel elle a énormément travaillé, au sein d'un groupe de travail dédié, avec les différents ministres, les délégations aux collectivités territoriales et les rapporteurs des deux chambres. Elle salue « un signal fort en faveur de l’engagement local à quelques mois des élections municipales, l'aboutissement d'un traval collectif initié notamment en novembre 2023 par les propositions de l’AMF dont le texte voté aujourd’hui s’inspire très largement. (...) Ces avancées répondent à la nécessité d'adapter et de moderniser les conditions d'exercice des mandats pour garantir l'efficacité de l'action publique grâce à un fort niveau d'engagement civique. » Rappelons que l'AMF plaide depuis des mois pour l’adoption de ce texte, même si elle l'estime imparfait, avant les élections municipales, afin que les nouvelles équipes élues en 2026 puissent démarrer sur des bases claires.
Il reste donc, maintenant, à élaborer et publier en trois mois la quinzaine de décrets d’application prévus par le texte, par exemple sur le label « employeur partenaire de la démocratie locale », les conditions d’absence des élus salariés, etc.
À noter enfin : la « prime régalienne » annoncée par le Premier ministre en clôture du congrès de l’AMF, n’a pas été intégrée dans ce texte. Il s’agit, pour mémoire, d’une prime de 500 euros par an, qui sera versée à tous les maires pour compenser, en partie, le temps qu’ils passent à agir en tant qu’agents de l’État. L’entourage de la ministre Françoise Gatel précise que les modalités de versement de cette prime étaient en cours de discussion, et que les crédits nécessaires seraient intégrés dans la loi de finances. On peut donc s’attendre à ce qu’un amendement soit introduit très prochainement par le gouvernement dans le projet de loi de finances actuellement en cours de discussion au Parlement. La mesure devrait coûter à l’État autour de 17 millions d’euros.
Retrouvrez le débat organisé pendant le congrès de l'AMF sur le statut de l'élu, avec Françoise Gatel et Murielle Fabre, secrétaire générale de l'AMF.
Franck Lemarc pour Maire-info, article publié le 9 décembre 2025.
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