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Les dirigeants de l'AMF dénoncent les « mensonges » de l'État et exigent que les communes retrouvent des marges d'action

C’est devant un public particulièrement nombreux que s’est tenue la séance officielle d’ouverture du 107e congrès de l’AMF – « tous les records d’inscription ont été battus », a souligné André Laignel. Le président de l’AMF comme son premier vice-président délégué ont, chacun, prononcé un discours offensif face « aux mensonges » de l’État et à une politique de « recentralisation » qui ne dit pas son nom. 

« Plus on nous parle de simplification, plus c’est compliqué ! »

David Lisnard, maire de Cannes et président de l’AMF, a salué l’action des maires pendant ce « mandat de crises », « commencé avec le confinement et achevé dans le capharnaüm ». Dans ces crises multiples qui ont éclaté tout au long du mandat – covid-19, crise énergétique, inflation, accueil des réfugiés, catastrophes climatiques – les maires ont montré qu’ils sont « les praticiens du quotidien et les urgentistes de la République ». Et ils ont montré que « pour être efficace, il faut s’affranchir des normes ». 

Dans ce contexte, le maire de Cannes a appelé à « remplacer la défiance technocratique par la confiance démocratique ». Ce que l’État a su faire : lorsqu’il a « dû être donneur d’ordre et se trouver confronté aux difficultés que nous rencontrons, il s’en est exonéré » – référence aux lois prises pour la reconstruction de Notre-Dame ou l’organisation des Jeux olympiques, où l’État a drastiquement simplifié les normes, en dérogeant par exemple aux règles sur les marchés publics, pour pouvoir agir vite. « Que l’État fasse de ces dérogations le cadre général ! », a lancé David Lisnard. 

Le président de l’AMF a vivement dénoncé les reproches « infantilisants » adressés aux communes, accusées de « ne pas vouloir participer à l’effort ». « Participer à l’effort, nous le faisons tout le temps ! Nous ne sommes pas dans une défense corporatiste. » 

Le maire de Cannes a rappelé les ponctions incessantes sur les budgets locaux depuis des années : « Où sont passés les 82 milliards d’euros qui ont été pris sur la DGF ? Où est cet argent ? ». « Il n’y a jamais eu autant de contraintes sur les budgets locaux et en même temps jamais autant de dépenses de l’État. Il n’y a jamais eu autant de freins à l’investissement local, et jamais autant d’injonctions contradictoires et d’absurdité : plus on nous parle de simplification, plus c’est compliqué. »

Alors que l’État demande sans cesse aux collectivités de dépenser moins, « il nous force à dépenser plus », a fustigé le président de l’AMF : envolée des cotisations CNRACL, transferts de compétences sans moyens – entretien des routes et des ponts, digue, trait de côte, service public de la petite enfance… 

Face à ce mouvement de recentralisation administrative et financière, « l’AMF a construit une doctrine de la liberté locale », a rappelé David Lisnard, fondée sur une définition précise de la libre administration, sur l’autonomie fiscale et financière, sur la subsidiarité. « La commune n’est pas une résurgence du passé, a-t-il conclu. La commune est moderne. Nous sommes dans le siècle de la souplesse, de l’adaptation – et les communes sont souples et efficaces. La commune, c’est un facteur d’innovation ! ».

« Hold-up en bande organisée »

André Laignel, maire d’Issoudun et premier vice-président délégué de l’AMF, s’est lui aussi montré offensif, voire en colère contre un État qui « ment et qui nous trompe ». « Le bateau France va à vau-l’eau », a constaté le maire d’Issoudun, et « l’État qui se noie tente de nous entraîner dans son naufrage ». Ce mandat de crise « a eu une vertu », a reconnu André Laignel : « il a révélé à l’ensemble des citoyens que sans les communes, les maires et leurs équipes, la France ne serait pas ce qu’elle est. les Français ont maintenant clairement à l’esprit que les maires ne sont pas un problème mais sont la solution », et la commune « reste un îlot de confiance dans un océan de défiance ». 

André Laignel a longuement décrit les mauvais coups que recèle le projet de loi de finances pour 2026, après tant d’autres budgets qui ont « frappé de plein fouet les communes », et dénoncé les « mensonges d’État » : « J’en ai assez qu’on nous trompe ! », a lancé le maire d’Issoudun, expliquant que le gouvernement chiffre à 4,6 milliards d’euros la ponction sur les budgets locaux, quand l’AMF l’estime déjà à plus de 7,6 milliards, et « défiant » n’importe quel ministre de venir en débattre avec lui. Il a vertement critiqué le nouveau Dilico, encore plus brutal que le précédent, et qu’il a assimilé à « un hold-up en bande organisée ». 

André Laignel ne se fait visiblement guère d’illusion sur la tonalité du discours que viendra prononcer le Premier ministre jeudi en clôture du congrès, prévenant d’avance les maires : « Jamais vous n’aurez été encensé comme vous le serez jeudi ! On nous caresse l’échine d’une main, et on nous fait les poches de l’autre ». 

Concluant lui aussi sur la « décentralisation » voulue par le Premier ministre, André Laignel a rappelé les principes de l’AMF : « La décentralisation n’est pas une réforme adminsitrative, c’est un projet politique : c’est la réorganisation de la démocratie, la volonté de rapprocher le pouvoir du citoyen, qu’il soit au plus proche, que tout ce qui peut être fait au niveau de la commune le soit ! C’est une condition absolue du redressement de la France. » 

Manque de « force d’âme »

Dernier intervenant lors de cette séance : le général Fabien Mandon, chef d’état-major des armées, qui a délivré aux maires un message particulièrement inquiétant : le pays, a-t-il expliqué, doit se préparer à une guerre « dans trois ou quatre ans », contre la Chine ou contre la Russie. Assumant « un portrait très noir », Fabien Mandon a toutefois rappelé que les États européens sont forts et on les capacités industrielles et techniques qui peuvent leur permettre de faire face, mais que ce qu’il manque, « c’est la force d’âme pour accepter de nous faire mal pour défendre la nation. » Il est allé plus loin, déclarant notamment : « Il faut accepter de perdre nos enfants, de souffrir économiquement. Si nous ne sommes pas prêts à cela, alors nous sommes en risque. Il faut en parler dans vos communes. » 

Les maires ont en effet « un rôle fondamental à jouer », a poursuivi Fabien Mandon, comme « relais » auprès des citoyens. Il leur a demandé de « partager sa vision », même si elle suscite « des inquiétudes et des questions ». Les maires peuvent aussi jouer un rôle opérationnel en facilitant l’installation des militaires dans leurs communes et en fournissant « des espaces » pour permettre les entrainements et les grandes manœuvres de l’armée de terre. 

Interrogé après ce discours par la rédaction de Maires de France, Dominique Peduzzi, maire de Fresse-sur-Moselle et membre du Bureau de l’AMF, a reconnu : « Qu’on vienne nous demander un coup de main ici au Congrès des maires, c’est une nouveauté ! La seconde chose, c’est la puissance qu’une nation doit avoir à travers son moral et le moral de la population. Là, nous avons été interpellé dans notre rôle de maire pour contribuer à ce que la population en prenne conscience. La tâche est immense ! Il va falloir avoir une vraie réflexion au sein des communes, de l’AMF pour trouver les bons vecteurs de communication ».   

Bénédicte Rallu et Franck Lemarc pour Maire-info, article publié le 19 novembre 2025.


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Référence : BW42873
Date : 19 Nov 2025
Auteur : Maire-Info


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