En l’espace de trois mandats municipaux (entre 2008 et 2026), le nombre moyen de démissions de maires par an a été multiplié par 4 (129 vs. 417). Avec 2 189 démissions depuis juillet 2020 (date d’installation des conseils municipaux), ce chiffre en nette augmentation par rapport aux mandats précédents confirme la fragilité de la fonction et les difficultés à l’exercer. Cela correspond à plus d’une démission quotidienne transmise et acceptée par les préfets.
C’est ce que révèle l’étude conduite par Martial Foucault, professeur des universités à Sciences Po et chercheur au CEVIPOF, en partenariat avec l’AMF dans le cadre de l’Observatoire de la démocratie de proximité. Son analyse s’appuie sur les données du répertoire national des élus (RNE) du ministère de l’Intérieur, couvrant la période de juillet 2020 à mars 2025, complétée par des articles de la presse régionale et un recueil de témoignages.
Comment expliquer ce phénomène ? Quelles leçons en tirer à quelques mois de la prochaine échéance municipale de mars 2026 ?
Trois causes de démission dominent : la difficulté à mener jusqu’au bout les projets municipaux sur lesquels les élus se sont engagés qui créé des tensions au sein des conseils municipaux (30,9 % des cas) ; les passations de pouvoir anticipées et organisées dès le début de la mandature (13,7 % des cas) ; les questions de santé physique (13,1 % des cas) et de santé mentale (5,1 % des cas). Les raisons de ces démissions apportent un éclairage nouveau sur les débats parlementaires en cours qui visent à modifier le statut de l’élu local et apporter des garanties pour maintenir l’engagement municipal, pierre angulaire d’une démocratie de proximité.
À l’heure du bilan et de l’élaboration de nouveaux projets, force est de reconnaître que le mandat 2020-2026 n’aura ressemblé à aucun autre. Il a commencé avec la crise du Covid-19 et s’achève dans un climat d’instabilité nationale depuis la dissolution et une situation financière difficile.
À un an des élections municipales, il est donc essentiel que le Parlement adopte le texte sur le « statut de l’élu » pour accompagner l’engagement des élus.
Les principaux enseignements de l'étude :
- Avec plus de 3 000 changements de maires depuis l’élection municipale de 2020, les démissions volontaires, au nombre de 2 189, ont atteint un niveau historique. Entre septembre 2020 et mars 2025, ce sont en moyenne 40 démissions par mois enregistrées, soit plus d’une démission par jour. Au total, c’est près de 6 % de l’ensemble des maires élus qui ont démissionné.
- Les démissions suivent un cycle récurrent avec un pic notable à mi-mandat, phénomène observé au cours des trois dernières mandatures. Le pic atteint en 2023 s’élève à 613 démissions (soit presque 2 démissions par jour). À l’approche des échéances municipales, la tendance au retrait diminue à l’instar des mandatures précédentes.
- Si les communes de petite taille restent les plus touchées (mais dans une proportion moindre que lors du mandat précédent), les communes de plus de 1 000 habitants font face à une vague de démissions sans précédent. Un maire démissionnaire sur quatre gouvernait une commune de 1 000 à 3 500 habitants.
- Trois causes de démission dominent : les tensions politiques au sein du conseil municipal (30,9 % des cas) ; les passations de pouvoir anticipées et organisées dès le début de la mandature (13,7 % des cas) ; les questions de santé physique (13,1 % des cas) et de santé mentale (5,1 % des cas).
- En 2020, 40 % de maires occupaient pour la première fois cette fonction. Le mandat en cours a produit des effets de déception car parmi les démissionnaires, on décompte 53 % de nouveaux maires.
- Les situations de violence physique ou symbolique à l’endroit des maires n’apparaissent pas comme un élément déclencheur direct de démission. Il existe moins d’une quarantaine de cas où l’édile, victime de menaces ou d’intimidation, a choisi de quitter ses fonctions. Ce résultat confirme qu’il est empiriquement impossible d’établir un lien de cause à effet entre violences subies et démissions même si ces violences créent un climat général générateur d’anxiété pour les élus.
- Une géographie différenciée : les communes de moins de 500 habitants enregistrent le plus grand nombre de démissions (41,7 % du total) mais sont relativement moins exposées que les communes de plus de 10 000 habitants. En effet, rapporté au nombre de communes par strate de population, ces dernières sont exposées à 11,5 % (contre 5 % pour les communes de moins de 500 habitants). Plus la taille de la commune augmente, plus le risque de démission a progressé au cours de ce mandat.
MÉTHODOLOGIE
Les données rassemblées proviennent de l’exploitation des versions publiées par le ministère de l’Intérieur du répertoire national des élus (RNE) entre 2020 et 2025 (mars). Ce système d’information permet de connaître les changements de maires d’une année (ou presque) sur l’autre. Toutefois, le RNE dans sa version disponible en ligne sur le site www.data.gouv.fr ne précise pas les causes de changement. Pour compléter cette absence d’informations, notre travail a consisté à vérifier, grâce à la presse quotidienne régionale, le contexte des démissions, et à recueillir les déclarations des principaux acteurs, témoignant de démissions volontaires de maires. Enfin, la confrontation des données recueillies par les associations départementales de maires et par plusieurs appels téléphoniques directement auprès des mairies a permis de consolider la base de données. Les informations sont consolidées de juillet 2020 à mars 2025. Les informations individuelles (âge, sexe, PCS, début de fonction) sont données par le RNE. Les données géographiques (population, croissance démographique, EPCI d’appartenance, ...) sont données par l’INSEE.
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