Les députés ont adopté le 10 mai dernier, en première lecture, la proposition de loi du groupe Renaissance imposant aux communes d'apposer au fronton des mairies les drapeaux français et européen. Par amendement, d'autres obligations ont été ajoutées dans le texte.
Il aura fallu deux jours de débats pour faire adopter une proposition … d’un seul article. La proposition de loi du groupe Renaissance « visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies » aura suscité bien plus de débats qu’on ne pouvait s’y attendre. Mais l’essentiel de ces débats a porté sur l’utilité même de ce texte, plus que discutable aux yeux de bien des députés.
Contrairement à une idée reçue, il n’est aujourd’hui nullement obligatoire d’apposer le drapeau tricolore au fronton des mairies : il ne s’agit que d’un « usage républicain », respecté par l’écrasante majorité des communes. Rappelons que la loi, en matière de pavoisement, ne fixe qu’une seule obligation : celle d’apposer le drapeau tricolore au fronton des écoles. Quant au drapeau européen au fronton des mairies, il n’est obligatoire de l'apposer que le 9 mai (Journée de l’Europe).
Le texte déposé par le député Renaissance du Val-de-Marne Mathieu Lefèvre vise à « renforcer la pratique du pavoisement sur le territoire national ». Le texte initial disposait que, d’une part, « le drapeau tricolore et le drapeau européen sont apposés sur la façade de chaque mairie » ; et précisait, d’autre part, que « les couleurs nationales tiennent la place d’honneur ».
Cette formulation nécessite déjà quelques explications. La réglementation en vigueur précise que la « place d’honneur » est à droite, lorsque l’on fait face au bâtiment… mais uniquement si les drapeaux sont au nombre de deux. Si une mairie arbore trois drapeaux, la « place d’honneur » est au centre. Naturellement, la règle change encore s’il y a plus de trois drapeaux. Dans ce cas, la place d’honneur est … à gauche. Sans commentaires.
En commission des lois, le texte avait été rejeté. Les membres de la commission appartenant aux différentes oppositions avaient cruellement fustigé un texte « ridicule », « inutile », « de pur affichage », « contraire au principe de libre administration des communes » (ce dernier argument avait également été évoqué par l'AMF, auditionnée sur ce sujet). Même les alliés de Renaissance, notamment le MoDem, avaient poliment exprimé quelques « réserves » : « Cette proposition de loi ne nous semble pas répondre aux préoccupations de nos compatriotes comme des élus de nos communes. Nous n’avons pas connaissance de conflits sur ce sujet. » Le groupe Liot s’est également interrogé sur l’utilité de ce texte : « Les déserts médicaux, l’adaptation au changement climatique, le logement… Voilà les problèmes dont j’aimerais que vous vous saisissiez », a remarqué Paul Molac.
La position largement défendue par les oppositions, en commission, a été de rappeler que l’immense majorité des communes arborent déjà le drapeau tricolore à leur fronton, et qu’il ne sert à rien de légiférer sur le sujet, en partant du principe que « ce qui n’est pas interdit est autorisé », comme l’a rappelé Philippe Gosselin (LR).
Enfin, plusieurs députés ont mis en avant le « coût financier » pour les communes, qui s’élèverait à environ 200 euros.
Autant d’arguments qui ont paru « contradictoires » au rapporteur Mathieu Lefèvre : « Soit le pavoisement est la pratique habituelle, et alors il faut conforter cet usage républicain en l’inscrivant dans la loi ; soit cela ne l’est pas, et alors la loi doit le prévoir. » Il a souhaité que les petites communes soient financièrement aidées par l’État si nécessaire.
Sans convaincre, puisque la commission des lois a voté un amendement de suppression de l’article unique du texte.
Les mêmes débats se sont déroulés en séance, même si les députés y ont, finalement, adopté le texte. L’analyse du scrutin montre que le texte n’est passé que du fait de l’absence d’un bon nombre de députés : il n’y avait que 40 députés LFI présents sur 75 au moment du vote, et 14 Républicains sur 62. L’analyse du scrutin laisse à penser que si les députés avaient été tous présents, le texte n’aurait probablement pas été adopté.
Quoi qu’il en soit, un certain nombre d’amendements ont été adoptés, certains limitant le champ d’application de ce texte, d’autres ajoutant de nouvelles obligations.
La principale information à retenir est que cette obligation, en l’état actuel du texte, ne s’appliquerait qu’aux communes de plus de 1 500 habitants. Un premier amendement a mis le seuil à 3 500, avant qu’un second l’abaisse encore à 1 500. Ainsi, plus de deux tiers des communes (26 000 environ) seraient dispensées de cette obligation.
Une autre série d’amendements a été adoptée, modifiant la rédaction du texte initial qui rendait obligatoire le pavoisement « en façade ». Le texte adopté permet, après amendement, de hisser les drapeaux « sur des mâts ou sur le toit », afin de « permettre aux maires d’utiliser le matériel très souvent déjà mis en place ».
Enfin, plusieurs groupes ont profité de l’occasion pour imposer d’autres obligations, en plus de celle d’installer les drapeaux français et européen. Un amendement adopté rend obligatoire « l’affichage du portrait officiel du président de la République » dans les mairies. Un second impose l’apposition de la devise « Liberté, égalité, fraternité » sur la façade de chaque mairie. Même chose, enfin, après adoption d’un amendement LR, pour la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui devrait désormais obligatoirement être affiché « en mairie ».
Il reste à voir le sort que le Sénat réservera à ce texte. Mais on peut s’interroger, tout de même, sur le temps parlementaire qu’aura mobilisé cette proposition de loi, alors qu’un sujet aussi essentiel que l’indexation de la DGF sur l’inflation n’a même pas pu être débattu jusqu’au bout, la semaine dernière.
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