En janvier dernier, les maires endossaient le rôle d’autorité organisatrice du service public de la petite enfance (SPPE) que la loi du 18 décembre 2023 leur a confiée. Ils saluaient ce cap qui valait reconnaissance de l’investissement, depuis des années déjà, des communes dans la diversification des modes de garde et le développement du nombre de places d’accueil des 0-3 ans. Ils s’inquiétaient déjà toutefois du fait que l’État ne leur garantisse pas une compensation à la hauteur de leur engagement.
Cette crainte n’était pas dénuée de tout fondement comme en témoignait le titre du forum organisé le 19 novembre – « une ambition fragilisée par des moyens insuffisants ». Les maires ont en effet dû patienter dix mois avant que le gouvernement publie l’arrêté du 22 octobre 2025 (lire Maire info du 31 octobre) notifiant les attributions individuelles revenant aux 3 304 communes de 3 500 habitants et plus éligibles, au grand dam de Daniel Cornalba, maire de l’Étang-la-Ville (78) et co-président du groupe de travail Petite enfance de l’AMF, avec Clotilde Robin, adjointe au maire de Roanne (42). Qui plus est, la somme globale – 86 millions d’euros – mise en répartition est jugée notoirement insuffisante par les élus. « On nous annonce une légère hausse dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale » pour 2026, mais elle ne suffira pas à « compenser l’écart avec le coût réel » de ce que les communes doivent engager, notamment pour les recrutements, a rappelé Daniel Cornalba.
Autre problème, les communes de moins de 3 500 habitants ne bénéficient pas d’un soutien financier de l’Etat, pas plus que les intercommunalités qui exercent les compétences du SPPE mais dans lesquelles aucune commune n’atteint le seuil des 3 500 habitants. Les intercommunalités dotées de la compétence petite enfance qui ont la chance de comporter une ou plusieurs communes de plus de 3 500 habitants, pourront se voir reverser par ces dernières la compensation reçue. « On espère que cela sera le cas partout », a souligné Clotilde Robin, inquiète que « cela puisse être plus compliqué à certains endroits ».
L’AMF continuer de plaider pour que le système de compensation soit revu afin d’intégrer toutes les intercommunalités. D’autant que de plus en plus d’entre elles vont prendre cette compétence, comme en ont témoigné plusieurs intervenants. « Il était très compliqué de porter le SPPE au niveau communal. Cela avait plus de sens au niveau intercommunal. J’ai donc porté ce sujet en bureau des maires », a expliqué Christine Fornes, vice-présidente à l’action sociale et à la petite enfance de la communauté de communes Dombes Saône Vallée, dans l’Ain (9 communes, 43 000 habitants).
Le financement insuffisant du SPPE rendra plus difficile l'atteinte de l’objectif – ambitieux – que l’État et la Cnaf se sont fixés de créer 35 000 places de plus d’ici à la fin 2027, a souligné Daniel Cornalba, à la sortie du forum, au micro de Maire info. Les communes peuvent certes espérer un relâchement de la pression sur la demande de places en crèche. À court et à plus long terme, la baisse de la natalité va provoquer une diminution de la demande potentielle, assure Laurent Toulemon, directeur de recherche à l’INED. Faut-il s’en réjouir ? Clotilde Robin est circonspecte car cela ne dit rien sur l’évolution du comportement des familles ni sur les « autres critères qui ont une influence » sur la demande : l’évolution de la structuration de la famille, les familles monoparentales, la mobilité géographique, le travail des femmes, ou encore « le vieillissement des assistantes maternelles dont le nombre ne se renouvelle pas », ce qui va, forcément, réduire l’offre d'accueil individuelle. Ainsi, la commune de Baie-Mahault (Guadeloupe), représentée par Dalila Eustache, adjointe à la petite enfance, a créé depuis 2020 près de 200 places en crèche pour répondre aux besoins, Baie-Mahault étant une zone industrielle et commerciale très attractive.
Les élus ont en revanche clairement « gagné en légitimité » observe Clotilde Robin. « Quand on a voulu mettre en place un comité de pilotage [dans la commune l’Étang-la-Ville (78)], tout le monde (acteurs publics, privés, accueil individuel ou collectif) a répondu présent, je ne suis pas sûr qu’il y a quelques années, tout le monde nous aurait dit oui », a confirmé Daniel Cornalba. Certains élus ont choisi de s’entourer de plusieurs partenaires pour rendre un avis « collégial » sur l’autorisation d’ouvrir – ou non – une nouvelle structure pour laquelle ils ont désormais voix au chapitre. Et tous ces partenaires répondent là encore présent. « Avant, ce n’était la compétence de personne ! Maintenant, la commune est identifiée, c’est bien », s’est réjoui à son tour Djida Djallali-Techtach, maire de Villiers-le-Bel (95). « Mais cela ne suit pas dans les moyens ! », a confirmé l’élue.
Revoir le débat sur la mise en œuvre du SPPE organisé par Maire info dans le cadre du Congrès des maires, le mardi 18 novembre 2021 (15 minutes) :
Emmanuelle Stroesser pour Maire-info, article publié le 25 novembre 2025.
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