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Plan européen pour le logement : les bailleurs sociaux s'inquiètent d'une décision qui pourrait "affaiblir le modèle existant"

« Le premier acte du "grand plan logement abordable" [européen] ne peut pas être la fragilisation d’un des modèles les plus avancés en matière de protection des ménages aux revenus modestes ni la fragilisation des compétences des États membres en matière de logement. » Dans un communiqué publié hier, la présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH), Emmanuelle Cosse, se dit « très inquiète » de « l’empressement » de la Commission européenne à vouloir instaurer un nouveau service d’intérêt économique général (SIEG) pour encadrer les aides d’État dans le secteur du logement.

Une réforme voulue par cette dernière afin de « combler le déficit d'investissement dans les logements abordables ». Or si « les mesures d'aide d'État peuvent contribuer à encourager les investissements nécessaires », les règles actuelles « ne sont pas adaptées pour permettre aux États membres de relever efficacement les différents défis liés à l'accès à un logement abordable qui dépassent le cadre du logement social », expliquait en juin dernier la Commission.

Coexistence de plusieurs régimes juridiques

Dans le cadre de l’élaboration de son plan européen pour le logement (qui doit être présenté d’ici la fin de l’année), elle propose donc la création d’un nouveau SIEG dédié au « logement abordable », différent du SIEG « logement social » existant. Elle envisage aussi la mise en place de SIEG « mixtes », associant logements sociaux et logements abordables, avec « des configurations variables selon la proportion de chaque type de logement », comme le rappelait, au début du mois, la Fédération des Offices publics de l’habitat (OPH).

Le problème est que ce nouveau cadre viserait « les 30 % de ménages les plus aisés », selon l’ancienne ministre du Logement de François Hollande qui assure que, « sous couvert d’élargissement », ces nouvelles règles « vont affaiblir le modèle social existant et la mixité sociale pour laquelle nous nous battons ».

Sans compter que le périmètre d’un SIEG dédié au « logement abordable » resterait « flou » et risquerait de « déstabiliser les opérateurs existants en les cantonnant à l’accueil exclusif des publics les plus fragiles », a déjà prévenu la Fédération des OPH. « Une telle évolution compromettrait leur capacité d’investissement et alourdirait les finances publiques » et « la coexistence de deux SIEG distincts, aux frontières difficiles à définir, pourrait en outre engendrer de fortes complications financières et administratives », prédit l’organisation professionnelle alors même que les bailleurs sociaux français sont déjà sous la menace de ponctions dans le prochain budget pour 2026.

Affirmant que la décision de la Commission a été « prise dans la précipitation » sans « laisser place à une véritable discussion de fond », le représentant de l’USH au sein de Housing Europe (la fédération européenne de logement social, abordable et coopératif), Marc Patay, assure que « le texte proposé ne répond pas à l’ambition affichée de résoudre à l’échelle européenne, la crise du logement ».

Risque de dilution du logement social

L’Union HLM dit d’ailleurs regretter cette « vision » du futur plan européen pour le logement qui « se limite à une révision du cadre des aides d’État » et vient « une nouvelle fois acter un choix de financiarisation au détriment d’une action publique ambitieuse ». Début octobre, deux organisations dédiées au mal-logement mettaient aussi en garde contre les dangers liés au « glissement du logement social vers le "logement abordable" dépendant des marchés financiers ». 

« Derrière cette expression séduisante se cache le risque d’exclure encore davantage les ménages les plus modestes, déjà durement frappés par l’explosion des loyers et des prix immobiliers », expliquaient ainsi la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (Feantsa) et la Fondation pour le logement des défavorisés (anciennement Fondation Abbé-Pierre), dans un rapport.

« Dans les débats européens en particulier, le logement abordable est souvent envisagé comme un nouveau segment de marché à destination des classes moyennes, distinct du logement social destiné, quant à lui, aux plus défavorisés », constataient-elles, en soulignant que cette notion veut « tout dire et rien dire car elle très consensuelle et très vague ». Et celles-ci de rappeler que, « dans plusieurs pays, l'émergence de cette notion s’est accompagnée d’un glissement progressif de la politique publique du logement vers une approche financiarisée, et d’un rétrécissement de l'offre accessible aux ménages les plus vulnérables ». 

Le risque serait ainsi de voir « les financements publics s’orienter vers un segment intermédiaire afin de stimuler les investissements privés, au détriment des logements à bas loyers ». Résultat, logement social serait « dilué » dans le soutien aux « logements abordables » et aux classes moyennes.

Dans ce contexte, l’USH estime « urgent » que la Commission « reporte sa décision » et « dote réellement les fonds structurels des moyens nécessaires à une politique de logement et de cohésion territoriale ambitieuse ».

Et les bailleurs sociaux français ne seraient pas les seuls à le penser, à en croire Marc Patay. Selon le représentant de l’USH au sein de Housing Europe, il y aurait « un large ensemble d’acteurs du logement social en Europe » qui considère que « les conditions ne sont aujourd’hui pas réunies pour qu’une décision sur le SIEG Logement soit arrêtée par la Commission européenne dès le mois de décembre ».

A. W. pour Maire-info, article publié le 26 novembre 2025.


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Référence : BW42897
Date : 26 Nov 2025
Auteur : Maire-Info


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