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"Prime régalienne" : l'AMF souhaite replacer le débat dans une réflexion sur les moyens alloués aux communes

Il faut « ouvrir un chantier permettant de mettre davantage les élus au cœur des préoccupations régaliennes, mais il faut leur en donner les moyens. On ne peut pas demander aux maires, agents de l’État, de prendre sans cesse plus de risques sans voir ce risque reconnu. J’ai donc demandé aux ministres de travailler au principe d’une prime régalienne, (…) qui pourrait représenter 500 euros pour chaque maire, quel que soit la taille de sa commune. »

Cette déclaration de Sébastien Lecornu, en clôture du 107e Congrès des maires, jeudi 20 novembre, peut être examinée selon le vieux principe du verre à moitié plein et du verre à moitié vide. Côté verre plein, il s’agit de l’acceptation d’une demande de longue date de l’AMF – et du Sénat – et de la tenue d’une promesse faite par le Premier ministre dès son arrivée à Matignon. Et une première, depuis plus de deux siècles que les maires agissent en tant qu'agents de l'État. Côté verre vide… le montant, jugé dérisoire par beaucoup d'élus, représentant 41,6 euros par mois. 

Pour le Sénat, 10 % du plafond indemnitaire

Le 18 septembre, à peine nommé à Matignon, Sébastien Lecornu envoyait une lettre à tous les maires de France pour leur dire, notamment, qu’il entendait « inscrire dans les textes budgétaires pour 2026 (…) une plus juste reconnaissance de l’engagement des maires comme agents de l’État ». 

Il s’agit d’un vieux débat. Le maire, on le sait, est le seul élu local qui exerce le « dédoublement fonctionnel » : il est à la fois agent de la commune et agent de l’État. Depuis un arrêté datant de 1801, comme l’a rappelé le Premier ministre, l’État transfère aux maires, via les préfets, une parcelle de ses compétences. Lorsque le maire célèbre un mariage, agit en tant qu’officier de police judiciaire, délivre un document d’état civil, etc., il n’agit pas en tant qu’agent de la commune mais en tant que représentant de l’État. 

Dans un rapport établi il y a deux ans par les sénateurs Françoise Gatel, François Bonhomme et Éric Kerrouche, la question de la « reconnaissance de l’engagement » des maires comme agents de l’État était clairement posée : les sénateurs expliquaient que les maires ne devaient plus être « des passagers clandestins de l’État », et que la meilleure manière de « reconnaître que le maire a deux fonctions, dont l’une est de représenter l’État dans sa commune, implique de créer une contribution de l’État ». 

Les sénateurs estimaient que le temps consacré par les maires à agir comme représentants de l’État occupe en moyenne environ 10 % du temps qu’ils consacrent à leurs fonctions. Ils proposaient donc, en toute logique, que cette « contribution de l’État » s’élève à 10 % du plafond indemnitaire du maire, venant en sus de la DPEL (dotation particulière élus locaux) dans les communes qui en bénéficient. Autrement dit, une contribution qui irait de 104,19 euros par mois pour les maires de communes de moins de 500 habitants à 592,46 euros par mois pour ceux des villes de plus de 200 000 habitants. La proposition était de 164,66 euros pour les maires des communes de 500 à 999 habitants et 210,83 euros pour ceux des communes de 1 000 à 3 499 habitants.

On le voit, on est très loin du montant uniforme de 41 euros par mois proposé par le Premier ministre. Avec un coût global, forcément, lui aussi très différent : si la proposition des sénateurs aurait représenté un coût pour l’État de 63 millions d’euros, celle du Premier ministre, après un rapide calcul, coûterait un peu plus de 17 millions d’euros. 

Combien, quand et comment ?

Dans un communiqué publié samedi, l’AMF reconnaît sobrement que le montant annoncé par le Premier ministre a « suscité sur le terrain de nombreuses réactions d’élus » – plusieurs présidents d'associations départementales ayant fait remonter ce sentiment que le montant de la prime envisagé est insuffisant. L’association, si elle se félicite du « principe » de cette prime, ajoute que « son montant doit correspondre à la réalité des missions exercées » – ce qui est une façon de dire que le montant proposé mérite d'être revu. Par ailleurs, l’association demande que la définition du montant de cette prime soit « intégrée dans une réflexion plus large sur la valorisation du travail réalisé par les maires et les adjoints ». La question se pose, d’ailleurs, de la place des adjoints dans ce dispositif : le maire pouvant déléguer une partie de ses fonctions en tant qu’agent de l’État aux adjoints – qui peuvent, par exemple, célébrer des mariages – la « prime » dont a parlé le Premier ministre sera-t-elle également allouée aux adjoints titulaires de ces délégations ? 

Plus généralement, l’AMF rappelle que la question fondamentale reste celle « des moyens attribués aux communes pour les actions à destination des habitants », et qu’elle appelle « à la fin des prélèvements supplémentaires de l’Etat sur les budgets locaux, tels que le prévoit le projet de loi de finances ». 

Se pose aussi la question – sans réponse dans le discours du Premier ministre jeudi dernier – de la façon dont il compte appliquer cette décision, et des délais. Dans sa lettre de septembre, il parlait d’une inscription de la mesure « dans les textes budgétaires pour 2026 », mais il n’y en pas de trace dans le projet de loi de finances actuellement en discussion. Le gouvernement va-t-il introduire un amendement en ce sens avant la fin des débats ? Ou va-t-il d’abord engager une concertation sur ce sujet avec les associations d’élus et les délégations aux collectivités des deux chambres, afin d’aboutir à un dispositif consensuel qui entrerait en vigueur à partir de 2027 ? 

Il faut également noter que la proposition de loi sur le statut de l’élu (qui contient par ailleurs des avancées sur la question indemnitaire), si elle est adoptée en l’état dans les semaines qui viennent, comprend à l’article 4 l’obligation pour le gouvernement d’élaborer, « avant le 30 juin 2026, un rapport relatif aux coûts liés aux attributions exercées par les maires au nom de l’État pesant sur les communes ». Il est à noter que dans la version initiale du texte, il était précisé que « ce rapport étudie l’opportunité de la création d’un prélèvement sur les recettes de l’État au profit des communes afin d’indemniser les maires pour l’exercice desdites attributions »… mais cette phrase a disparu au fil de la navette parlementaire. 

Quoi qu’il en soit, il ne serait peut-être pas absurde d’attendre la remise de ce rapport pour discuter, sur des bases sérieuses, du montant de la prime. 

Franck Lemarc pour Maire-info, article publié le 24 novembre 2025.


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Référence : BW42886
Date : 24 Nov 2025
Auteur : Maire-Info


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