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Proposition de loi sur le statut de l'élu : où en est-on ?

C’est à l’unanimité que la commission des lois a donné son aval à la proposition de loi déjà adoptée par le Sénat créant enfin un statut de l’élu, après l’avoir assez largement amendée. 

Si une bonne partie des 120 amendements adoptés par la commission sont d’ordre rédactionnel, d’autres changent certaines dispositions du texte proposé par le Sénat – parfois sur demande des associations d’élus. Sans prétendre à l’exhaustivité, voici quelques-uns des amendements les plus importants adoptés par les députés. 

Conseils municipaux et communautaires

La commission a supprimé, comme le suggérait l’AMF, la disposition fixant par défaut les indemnités des adjoints au maximum légal. En effet, si un conseil municipal élit le nombre maximal d’adjoints, cette disposition conduirait à consommer la totalité de l’enveloppe allouée aux indemnités… et à empêcher d’accorder une indemnité aux conseillers municipaux simples et délégués. Par ailleurs, la suppression de ce dispositif devrait permettre d’éviter d’éventuelles tensions au sein du conseil municipal, puisque le maire aurait dû porter, seul, la responsabilité de diminuer les indemnités des adjoints, dans le dispositif proposé par le Sénat.

Les députés ont par ailleurs modifié l’article du CGCT qui autorise uniquement les EPCI de plus de 50 000 habitants à moduler le montant des indemnités des conseillers communautaires en fonction de leur assiduité. Un tel seuil existait déjà pour les communes, mais en juin 2024, le Conseil constitutionnel avait supprimé ce seuil, jugeant qu’il n’avait aucune justification (lire Maire info du 7 juin 2024). Si cette disposition demeure dans le texte final, tous les EPCI, quel que soit leur nombre d’habitants, pourraient procéder à de telles modulations.

Un nouvel article adopté par la commission porterait le délai de convocation des conseillers municipaux de 3 à 5 jours dans les communes de moins de 3 500 habitants et de 5 à 7 jours dans les autres. Il s’agit de permettre aux conseillers municipaux de pouvoir s’organiser plus en amont et de « disposer du temps nécessaire pour étudier les sujets inscrits à l’ordre du jour ». L’AMF est pleinement opposée à cette mesure, susceptible de créer des contraintes organisationnelles, notamment dans les conseils municipaux des petites communes.

Un autre article additionnel vise à autoriser la réunion du bureau des EPCI par visio-conférence, comme c’est le cas pour les commissions permanentes des conseils départementaux et régionaux. Sur les EPCI toujours, un amendement adopté rétablirait l’incompatibilité entre l’exercice d’un mandat communautaire et d’un emploi salarié dans une commune membre du même EPCI. Le Sénat avait en effet levé cette incompatibilité ce qui, d’après les députés, ferait courir un risque réel de conflit d’intérêt. 

Vie professionnelle

Autre amendement important, sur les campagnes électorales. Le texte du Sénat prévoyait de modifier le Code du travail pour obliger les employeurs à accorder un congé de 20 jours ouvrables maximum à tous les candidats aux élections législatives, municipales, européennes, départementales et régionales. Les députés de la commission des lois ont quelque peu amoindri ce dispositif : seul le candidat tête de liste aurait droit à 20 jours maximum, les autres candidats n’ayant droit qu’à 10 jours. 

Alors que les sénateurs souhaitaient que les candidats puissent annoncer leur décision de prendre un tel congé électif jusqu’à la veille de son commencement, les députés ont porté ce délai à 72 heures. 

Une disposition spéciale a également été adoptée concernant les élus artisans agriculteurs et commerçants indépendants : ceux qui optent pour une location-gérance de leur fonds afin de dégager du temps pour mener leur campagne électorale ou exercer leur mandat bénéficieraient d’un abattement de 30 % sur leur impôt sur les bénéfices.

Élus handicapés

Un important amendement crée, pour les élus en situation de handicap, un droit opposable à bénéficier des aménagements de leur poste de travail nécessaires à l’exercice de leur mandat. Ces aménagements sont prévus dans le texte initial, à l’article 13 (« les membres du conseil municipal en situation de handicap bénéficient de la part de la commune d’un aménagement de leur poste de travail adapté à leur handicap »), mais les députés ont souhaité compléter le dispositif en décidant que si un élu ne bénéficie pas des aménagements demandés, il peut saisir le tribunal administratif dans un délai qui serait précisé par décret.

Ce dispositif prendrait effet le 1er juin 2026. 

Formation

Les députés ont choisi de rétablir une disposition prévue dans le texte initial mais supprimée par les sénateurs : la possibilité pour le CNFPT de dispenser des formations dans le cadre du Dif aux conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, « afin de répondre au déficit d’offre de formation dans les petites communes »

Pas ailleurs, les députés ont assoupli l’article 15 bis du texte, qui prévoyait qu’au cours des trois premiers mois du mandat, tout conseiller municipal ou communautaire devrait suivre « une session d’information sur les fonctions d’élu local ». La commission a fait passer ce délai à six mois, jugé « plus réaliste ». Ils ont par ailleurs remplacé le terme « trop flou », de « session d’information » par celui de « formation », y ont intégré la prévention et la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles ainsi qu’une présentation « des outils auxquels les élus peuvent avoir recours lorsqu’ils sont menacés ou victimes de violences » et un module sur la lutte contre les discriminations.

Frais de garde

Les députés ont supprimé l’extension aux communes de 3 500 à 10 000 habitants du financement des frais de garde lors des réunions liées à l’exercice du mandat. Explication : le financement des frais de garde est assuré par la DPEL (dotation particulière élu local), dont l’enveloppe est constante. Une extension aux plus grandes communes de ce droit conduirait, selon les députés, à diminuer la somme disponible pour les petites communes rurales. Les députés ont par ailleurs adopté la détermination, par arrêté ministériel, d’un modèle unique de délibération fixant les modalités de la prise en charge des frais de garde par le conseil municipal.

Arrêts maladie

Un amendement adopté par les députés revient sur une disposition de la proposition de loi qui concerne les arrêts maladie des élus. On se rappelle qu’un certain nombre d’élus se sont retrouvés dans des situations inextricables vis-à-vis de l’Assurance maladie pour avoir poursuivi l’exercice de leur mandat pendant un congé maladie professionnel. Jusqu’à présent, une telle situation n’est possible, aux yeux de l’Assurance maladie, que si le médecin a donné son « accord formel ». Faute de cet accord formel, des élus se sont vu exiger par la Sécurité sociale le remboursement de plus milliers, voire plusieurs dizaines de milliers d’euros d’indemnités journalières. 

Pour pallier ce problème, le Sénat proposait de renverser entièrement la logique, en faisant de la poursuite du mandat, si l’élu le souhaite, un droit, auquel peut s’opposer le médecin. En commission, sur proposition de députés souhaitant plutôt favoriser le remplacement des élus malades, « au bénéfice de leur santé », ce dispositif a été supprimé. L’AMF soutient une telle mesure, protectrice de la santé des élus.

Il faut également noter que les députés ont acté la suppression de l'article 23 – auquel les associations d'élus étaient très opposées. Cet article exigeait que les maires prennent « publiquement l’engagement de respecter les valeurs de la République ». Plusieurs députés ont jugé cette disposition « insultante » pour les maires, alors que ni les parlementaires ni les ministres se sont soumis à une telle obligation. Le rapporteur du texte, Didier Le Gac, a aussi noté avec bon sens qu'il est « paradoxal de demander au maire de s’engager à respecter les symboles de la République et de ne pas porter atteinte à l’ordre public, alors même qu’au titre de son pouvoir de police administrative générale, il est le garant de l’ordre public »...

Conflits d’intérêt

Enfin, sur proposition notamment de l’AMF, les députés ont ajouté un nouvel article consacré à la prise illégale d’intérêt et aux conflits d’intérêts. 

Les députés ont visé les situations de conflit d’intérêts dits « public-public », en excluant de la notion de conflit d’intérêt « toutes les situations ou la collectivité a désigné l’élu pour siéger au sein d’un autre organisme ou groupement, et non uniquement les cas où ils sont désignés en application de la loi », mais uniquement dans le cas où l’élu ne perçoit pas d’indemnité de fonction « au titre de cette représentation ». Deuxièmement, la nouvelle rédaction vise à « ajouter à la liste des actes exclus du champ du conflit d’intérêts le cas des élus (maire, président, adjoint au maire, vice-président ou conseiller délégué) qui signent seuls, au nom de la collectivité ou du groupement, un acte intéressant la personne morale concernée ».

Les députés ont également allégé les règles en matière de déport, en particulier l’obligation pour un élu de quitter la salle des délibérations lorsqu’il y a risque de conflit d’intérêt. Le nouvel article proposé par les députés disposent qu’« un membre du conseil ne peut être considéré comme ayant pris part à la délibération du seul fait de sa présence à la réunion de l’organe délibérant ». 

Il reste maintenant à voir ce qui va changer dans ce texte lors de l’examen en séance publique, entre le 8 et le 11 juillet prochain. Seule certitude : le texte qui sortira de l’Assemblée nationale ne sera pas le même que celui qui a été adopté par le Sénat, ce qui va imposer une seconde lecture, le gouvernement n’ayant hélas pas eu la bonne idée d’appliquer à ce texte pourtant urgent – les municipales sont dans neuf mois – la procédure accélérée. Le texte devrait donc retourner au Sénat en septembre. 

Franck Lemarc pour Maire-info, article publié le 23 juin 2025.


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Référence : BW42682
Date : 23 Juin 2025
Auteur : Maire-Info


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