La lettre de mission du gouvernement missionnant officiellement le Comité des finances locales (CFL) d’une réflexion sur une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) a tardé mais elle lui a finalement été adressée, « mi-mars », selon André Laignel, président du CFL. Le chef de l’Etat avait chargé le Comité de réfléchir à cette réforme à l’occasion du 105è congrès de l’AMF, en novembre dernier. Depuis, plus rien. Le CFL avait cependant entamé sa réflexion sur le sujet dès janvier dernier, plusieurs groupes de travail s’étant réunis depuis.
Avant la réception, il y a quelques semaines, de la lettre de mission signée par Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des Comptes publics, et Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité. Dans cette missive, ils chargent le CFL d’« établir un diagnostic partagé sur les dysfonctionnements de la DGF et formuler un ensemble de propositions visant à y répondre ». Avec un calendrier très serré fixant au Comité une remise de ses propositions « au plus tard en juin 2024 afin de pouvoir être discutées dans le cadre des travaux relatifs au projet de loi de finances pour 2025 ».
Problème, les ministres demandent au CFL d’inscrire ses travaux « dans le cadre de la trajectoire des dépenses de l’État telle que prévue par la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 », qui s’est d’ores et déjà traduite par des coupes budgétaires affectant les collectivités et prévoit que les collectivités devront limiter leurs dépenses de fonctionnement jusqu'en 2027. Cet objectif figure dans le programme de stabilité 2024-2027 présenté, le 17 avril, en conseil des ministres, dans lequel l’exécutif prévoit le plafonnement – sans contraintes – des dépenses de fonctionnement des collectivités dont la croissance devra être « inférieure de 0,5 point à l’inflation » jusqu’en 2027, soit un effort de 2,5 milliards d’euros dès cette année.
Un casus belli pour le président du CFL et ses membres, qui ont adopté, le 23 avril, une délibération dans laquelle ils annoncent la suspension de leurs travaux sur la réforme de la DGF, a indiqué André Laignel, lors d’un point presse tenu dans la foulée. « Dès l’installation du groupe de travail du CFL sur le sujet, j’ai posé des principes directeurs adoptés à l’unanimité parmi lesquels la nécessité pour l’Etat d’abonder la DGF pour garantir a minima le maintien des montants individuels de dotation, souligne André Laignel. Comment peut-on imaginer une réforme de la DGF dans le contexte actuel de rationnement drastique des moyens dédiés aux collectivités ? C’est inacceptable », juge le maire d’Issoudun (36), déplorant l’encadrement des dépenses des collectivités et « la ponction de 10 milliards d’euros » effectuée par le gouvernement en février dont l’AMF estime « à 3,8 milliards d’euros l’impact pour les collectivités » avant « une nouvelle ponction de 10 milliards d’euros en cours ».
Le CFL suspend ses travaux mais ne les abandonne pas « car nous pourrions introduire des premiers correctifs sur la DGF dès 2025 même si la réforme s’étalera sur plusieurs années », souligne André Laignel. Mais les élus posent un préalable : dans leur délibération, ils demandent aux deux ministres de venir « fournir des explications au CFL sur les marges de manœuvre proposées par le gouvernement pour rendre faisable une réforme de la DGF », a indiqué son président. Laquelle, martèle-t-il, « est impossible à moyens constants car beaucoup de collectivités sont déjà en grande difficulté. Il est donc totalement inenvisageable de la faire à moyens descendants car cela pénaliserait des collectivités ! » Le CFL attend désormais une réponse du gouvernement dont on voit mal, dans le contexte budgétaire actuel, comment il pourrait proposer un abondement des crédits de la DGF…
« Le CFL ne se contentera pas d’une stabilisation des crédits. Nous sommes ouverts à toutes les suggestions du gouvernement », souligne son président qui a écrit, ce même 23 avril, au ministre de l’Économie et des Finances, avec Jean-Léonce Dupont, rapporteur général de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales, pour lui demander de procéder à une « revue des recettes des collectivités », parallèlement à la « revue des dépenses » lancée par l’Etat, afin « d’apprécier avec exactitude la réalité de leur situation financière ». Dans ce cadre, il demande à Bruno Le Maire notamment de retracer « l’évolution de la DGF en euros constants au cours des dix dernières années ». Tout en rappelant que les communes et intercommunalités ont contribué « à hauteur de 71 milliards d’euros » à la baisse du déficit public depuis 2010 via… la baisse de la DGF.
La ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, a indiqué à nos confrères de Localtis que le gouvernement va poursuivre « le travail de réforme de la DGF sans le CFL, en association avec les élus et acteurs qui le souhaitent dans le cadre de l'Agenda territorial ».
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