Le décret « relatif aux obligations d'amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire » est paru mercredi 10 mai au Journal officiel… avec beaucoup de retard, puisqu’il est passé au Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) en février 2016. Il concerne de très près les collectivités, et devrait représenter pour celles-ci un coût que beaucoup jugent « insoutenable ».
Le décret impose à tous les propriétaires de bâtiments publics, mais aussi de bureaux, hôtels, commerces et autres bâtiments à usage tertiaire de réaliser des travaux avant le 1er janvier 2020 pour réduire leur consommation énergétique. Le décret concerne tous les bâtiments dont la surface est supérieure ou égale à 2000 m², à l’exception des bâtiments provisoires et des monuments historiques classés si les travaux risquent de « dénaturer leur caractère ou leur apparence ».
Ces travaux doivent permettre, d'ici 2020, un gain de consommation énergétique de 25 % de la consommation de référence totale du bâtiment, exprimée en kilowattheure par mètre carré et par an (kWh/m2/an) d'énergie primaire, ou bien être inférieure à un seuil exprimé lui aussi en kWh/m2/an. D'ici 2030, le gain devra être de 40 %. Ces objectifs peuvent toutefois, comme l’avaient demandé les associations d’élus, être atteints à l’échelle de tous les bâtiments ayant un même propriétaire : « Le propriétaire d'un ensemble de bâtiments ou de parties de bâtiments visés (…) peut remplir globalement ses obligations sur l'ensemble de son patrimoine. »
Il va donc falloir aux propriétaires présenter des plans d’actions présentant « un retour sur investissement inférieur à dix ans » (pour les collectivités territoriales) et un coût estimatif total inférieur à 200 euros HT par mètre carré.
Ce décret pose plusieurs problèmes : premièrement, le délai imposé à la sous-section 4 : le plan d’action – issu d’une étude énergétique élaborée par un prestataire externe – doit être envoyé à un organisme qui va être désigné par le ministère en charge de la construction… avant le 1er juillet 2017 ! Il paraît pourtant au bas mot totalement irréaliste que l’étude et le plan d’actions puissent être réalisés dans un délai d’un mois et demi.
Au-delà, c’est la question du coût de ces décisions qui pose problème aux représentants des élus, qui ont se sont majoritairement abstenus à son sujet au Cnen, en soulignant fortement son « insoutenabilité financière ». Certes, avait défendu l’AMF au Cnen, « les collectivités territoriales se doivent d’être exemplaires » en matière d’économies d’énergie, mais cette exemplarité « doit être soutenable financièrement et dans la durée ». Or, les annonces concernant les aides pour ce secteur sont « à l’évidence insuffisantes ».
Le coût d’application de cette réforme est en effet colossal : il pourrait avoisiner les 7 milliards d’euros sur trois ans (2,36 milliards par an en moyenne). Le Cnen lui-même, dans son récent rapport, a souligné que parmi les 544 textes qu’il a examinés en 2016, celui-ci est le plus coûteux pour les collectivités.
Le nouveau président de la République, Emmanuel Macron, a mis à son programme un fonds de 4 milliards d’euros pour la rénovation des bâtiments publics. Voilà une promesse dont les maires vont certainement surveiller de très près le respect…
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