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Sébastien Lecornu ouvre la porte à une nouvelle indemnité versée par l'État aux maires

C’est une marque d’attention dont la valeur symbolique n’est pas neutre : une dizaine de jours à peine après sa prise de fonctions, le Premier ministre – ancien maire de Vernon et ancien ministre chargé des Collectivités territoriales – a adressé un courrier à chaque maire du pays, dont Maire info a pu prendre connaissance. 

Objectif : envoyer aux maires un message « de soutien et de volonté », et les assurer qu’il « mesure les difficultés des missions qui (leur) sont confiées ». Le Premier ministre rappelle que le mandat qui se termine a commencé « dans l’épreuve pandémique de la covid-19 », et évoque les violences contre les élus : les attentes des citoyens « se transforment parfois en colère et je veux vous remercier d’y faire face chaque jour avec (…) le sens du devoir qui caractérise celles et ceux qui s’engagent ». 

Une nouvelle indemnité ?

Mais pour l’avoir entendu répéter bien des fois par les associations d’élus, le Premier ministre sait que les preuves d’amour valent mieux que les déclarations d’amour, et affirme donc que son soutien « devra se matérialiser ». C’est ici que prend place une petite phrase qui est sans doute la plus intéressante de ce courrier, parce qu’il s’agit d’une nouveauté : Sébastien Lecornu souhaite « inscrire dans les textes budgétaires pour 2026 » une « plus juste reconnaissance de l’engagement (des maires) comme agents de l’État ». 

Sans autres précisions du Premier ministre sur ce sujet, on ne peut que faire des hypothèses, mais il se pourrait par exemple que Sébastien Lecornu ait décidé de donner suite à une revendication déjà ancienne de l’AMF et des sénateurs : que l’État compense, au moins en partie, les actions des maires menées en son nom. 

Rappelons en effet que le maire a une double casquette – ce qui en langage plus sérieux s’appelle le « dédoublement fonctionnel » : il est à la fois agent de la commune et agent de l’État. Mais même lorsqu’il agit en tant qu’agent de l’État – lorsqu’il organise les élections, célèbre un mariage, signe un acte d’état civil, par exemple – l’État ne lui verse aucune indemnité, c’est toujours la commune qui prend en charge celle-ci. 

Dans un rapport publié en 2023 par les sénateurs Éric Kerrouche et Françoise Gatel, consacré aux indemnités des élus locaux, cette question était clairement abordée, et les sénateurs écrivaient : « Reconnaître que le maire exerce deux fonctions, dont l'une est d'être représentant de l'État dans sa commune, implique de créer une contribution de l'État ». Avec cette jolie formule : « Le maire ne saurait être un passager clandestin de l’État. » Ce rapport proposait que cette indemnité compensatrice – distincte de la dotation « élu local » ou DPEL – s’élève à « 10 % du plafond indemnitaire du maire ». Soit un coût estimé, pour le budget de l’État, à environ 63 millions d’euros. 

L’AMF milite également pour la création d’une indemnité de fonction financée par l’État, au titre des missions exercées par le maire en son nom. 

Cette proposition a finalement trouvé une première et timide traduction législative – provisoire – à l’article 4 de la proposition de loi sur le statut de l’élu local, qui exige que le gouvernement établisse un rapport avant le 30 juin 2026 qui étudierait « l’opportunité de la création d’un prélèvement sur les recettes de l’État au profit des communes afin d’indemniser les maires » des missions qu’ils exercent en son nom.

Encore une fois, le Premier ministre ne donne aucune précision dans son courrier, mais cette phrase peut signifier qu’il a décidé de prendre les devants en la matière. Il faudra maintenant attendre la présentation du projet de loi de finances pour 2026 pour savoir si cette hypothèse est la bonne. 

Décentralisation

Le reste du courrier reprend les annonces faites la semaine dernière par le Premier ministre sur la décentralisation. Il est confirmé qu’un projet de loi sera « bientôt présenté devant le Parlement » pour « mieux définir les champs de compétence propre pour chaque décideur public » et « éviter la dilution des responsabilités ». Le Premier ministre le disait dans son entretien à la presse le week-end dernier : « Les administrations doivent être sous l’autorité directe soit des ministres, soit des préfets, soit d’un élu local. » Il précise, dans son courrier, sa pensée : « L'État central (doit être) sous l'autorité du gouvernement, l'État local sous l'autorité des préfets et les collectivités territoriales sous l'autorité des élus. » 

Une telle réforme est attendue depuis des années par les associations d’élus, notamment l’AMF, Régions de France et Départements de France, qui ont milité pour cela sous la bannière « Territoires unis ». L’AMF rappelle, dans un communiqué diffusé lundi soir, qu’elle est pleinement disponible pour travailler avec le futur gouvernement à ce nouvel « acte de décentralisation », bien qu’elle le qualifie « d’hypothétique », au vu de l’avenir politique plus qu’incertain du gouvernement. L’AMF rappelle cependant que la volonté décentralisatrice de Sébastien Lecornu se mesurera à l’aune de ses décisions budgétaires – parce que « l’autonomie financière et fiscale des collectivités est indissociable de la liberté locale ». 

On notera que Sébastien Lecornu, dans sa lettre, ne dit pas un mot sur ce sujet et n’éclaire en rien les élus sur ses intentions en matière de finances locales, de ponctions éventuelles sur les budgets locaux, ou de fiscalité locale. 

Statut de l’élu

Signalons enfin que le Premier ministre, dans son courrier, fait état de sa volonté de voir « aboutir, avant les élections municipales », la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local. Ce texte, adopté cet été par l’Assemblée nationale, doit encore l’être par le Sénat, ce qui pourrait être le cas dès la reprise de la session parlementaire, fin septembre ou début octobre, si, toutefois, un gouvernement est nommé d’ici là.

Il faudra alors espérer que le Sénat adopte le texte « conforme », c’est-à-dire sans modification, même si ce texte est encore largement perfectible, selon l’AMF. C’est en effet le seul moyen de voir le texte adopté définitivement dans la foulée. La moindre modification apportée à ce texte au Sénat obligerait à une nouvelle lecture à l’Assemblée, voire à une commission mixte paritaire en cas de désaccord… ce qui rendrait bien peu probable l’adoption de ce texte avant les élections municipales. 

Ce serait un bien mauvais signal, et peut-être même un scénario susceptible de décourager certaines vocations, dans le contexte actuel. 

Franck Lemarc pour Maire-info, article publié le 18 septembre 2025.


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Référence : BW42783
Date : 18 Sep 2025
Auteur : Maire-Info


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