Lancée, le 5 mai, à Marseille, la conférence de financement des transports doit remettre ses conclusions mi-juillet. Le gouvernement rendra ensuite ses arbitrages. L’AMF participe à l’atelier sur le modèle économique des AOM et des SERM mais pas à celui sur les infrastructures routières. Maire de Saint-Martin-le-Vinoux (38) et coprésident de la commission Transports, mobilité et voirie de l’AMF, Sylvain Laval déplore que le sujet du financement des voiries gérées par les communes et les EPCI ne soit pas traité par la conférence. Le vice-président de Grenoble-Alpes Métropole plaide pour rouvrir la compétence AOM aux communautés de communes et pour diversifier les sources de financement afin de soutenir le bloc communal (concessions routières, amendes de police, participation des concessionnaires de réseaux).
La conférence nationale « Ambition France Transports » mène ses travaux durant trois mois pour trouver des pistes de financement pour l’entretien et le développement des infrastructures de mobilité. Comment jugez-vous la démarche ?
Attendue depuis longtemps, cette conférence sur le financement des transports constitue un vrai besoin. Et cela d’autant plus que la mobilité représente un des sujets de préoccupation majeure des Français mais en restant en queue de peloton des politiques nationales. Cette situation doit changer. Dans une période de finances publiques contraintes, il faut définir clairement des priorités. La mobilité doit faire partie du top 3 des priorités avec l’emploi et le logement. Sans mobilité, on ne vit pas, on ne travaille pas, on ne se loge pas.
Nous regrettons vivement que dans les quatre ateliers de la conférence, l’AMF ne soit présente que dans celui sur le modèle économique des AOM (autorités organisatrices de la mobilité) et des SERM (services express régionaux métropolitains) et pas dans l’atelier sur le financement des infrastructures routières, et cela malgré nos demandes répétées. Nous avions insisté pour que le réseau routier local soit pris en compte sachant qu’il représente 65% du patrimoine routier français – 700 000 km de routes – gérés par les communes et les intercommunalités. Nous sommes le premier propriétaire de routes mais l'État considère que ce sujet n’a pas à être traité dans la conférence !
Pourquoi le sujet du réseau routier local est-il si important ?
Les voiries sont dans un état de dégradation important, et nous ne disposons pas de moyens de financement et de recettes dédiés. Seuls, nous n’avons plus la capacité d'entretenir ce réseau routier communal et intercommunal, avec aussi ses ouvrages d’art. Nous continuons donc de demander une réflexion sur la capacité à disposer de recettes nous permettant de cofinancer les travaux nécessaires.
Ecarter ce sujet est extrêmement regrettable car il s’agit des voiries de desserte du quotidien indispensables pour nos habitants. Même si ce ne sont pas elles qui connaissent plus fortes densités de trafic, elles sont nécessaires pour les déplacements en voiture, le fonctionnement des services de mobilité, les bus réguliers et scolaires, les aménagements pour les vélos ou le covoiturage ainsi que les rabattements vers les grands pôles d'échanges de mobilité.
Sur le modèle économique des AOM et des SERM, quelles sont les demandes de l’AMF ?
Nous défendons la réouverture de la prise de compétence mobilité pour les communautés de communes [53% l’ont prise] car le débat est tombé au pire moment. Nous sortions de la crise du Covid et les collectivités avaient bien d'autres choses à faire. De plus, c’était une période préélectorale des élections régionales. Le résultat aujourd’hui est une France à deux vitesses avec, d’un côté, des territoires organisés et structurés, notamment en zones urbaines, et dans les premières périurbanités, avec des AOM qui existaient déjà et, de l’autre, des territoires, plus ruraux et périphériques, sans véritable structuration de la mobilité, qui n’ont toujours pas de réponse forte pour les usagers. Nous pensons que des intercommunalités, petites et moyennes, se saisiraient de la compétence si elle était rouverte. Elles nous le disent. Certains élus sont intéressés pour la prendre à plusieurs – deux ou trois EPCI – à l’échelle d’un petit bassin de mobilité, notamment par le biais d’un syndicat pour avoir plus de capacité à agir et mutualiser certains coûts. Cela était d’ailleurs l’esprit de la LOM [loi d’orientation des mobilités].
Les disparités entre territoires sont-elles importantes ?
Malgré le discours sur le rôle d’AOM de substitution des régions, nous constatons de très grandes disparités selon les territoires. Les régions ne peuvent pas avoir une présence locale forte dans les zones les plus éparses. De plus, certaines d’entre elles ne se sont pas positionnées sur le sujet. Les contrats opérationnels de mobilité n’existent pas partout et, en plus, ne suffisent pas pour certaines échelles territoriales spécifiques. La mobilité en zone rurale n’est pas la même qu’en ville. Il faut pouvoir reposer sereinement ce débat, en dialogue avec les régions, pour trouver la bonne articulation.
Le fonctionnement actuel est un échec avec l’absence de réponses de mobilité en zone rurale comme on nous l’avait promis. Ces territoires se sentent un peu abandonnés. La réouverture de la compétence pourrait être utile même si ça ne réglera pas tout. Autre sujet : la possibilité d’avoir des recettes en levant le versement mobilité (VM) reste un leurre. Dans ces territoires faiblement peuplés et avec des bassins économiques souvent fragiles, le VM apporte très peu de financements et ne permet pas de construire une véritable politique de mobilité.
Faut-il un modèle spécifique de mobilité en zone rurale ?
Oui et cela doit constituer l’un des enjeux forts de la conférence nationale comme le demande l’AMF. Nous devons impérativement assurer un équilibre entre les zones urbaines et rurales, et des connexions entre elles, car cela reste l’angle mort de la LOM.
La question du financement apparaît également très importante pour les AOM plus urbaines. La plupart disposent de capacités limitées avec souvent un VM au taux plafond de 2%. On nous demande de développer plus d'offres et de services, mais sans recettes nouvelles ! C’est tout l’enjeu d’un nouveau modèle économique, d’autant que nos coûts de fonctionnement explosent, avec aussi des besoins d'investissement de plus en plus importants, alors que nous avons de moins en moins d'aides. Le modèle est à bout de souffle, même dans les grands pôles urbains qui disposent de plus de recettes. Il faut donc revoir l’ensemble : la capacité à faire fonctionner l'existant et la capacité à apporter des réponses nouvelles dans des territoires un peu délaissés.
Quelles pourraient être les nouvelles sources de financement pour les AOM locales ?
La diversification des sources de financement apparaît indispensable. Constituant un bon outil qu’il faut maintenir, le versement mobilité n’est pas une ressource illimitée. A cela s’ajoute le problème d’avoir permis aux régions de toucher une fraction du VM, mais assis sur la même assiette. La conférence de financement doit déboucher sur des propositions concrètes de diversification des recettes. S’agissant des concessions autoroutières, la recette tombe dans les caisses de l'État à 90%. Il faut mieux répartir cette manne financière avec une fraction pour les collectivités qui investissent dans les mobilités.
Par ailleurs, l'AMF plaide pour que les concessionnaires de réseaux (eau, électricité, gaz, fibre optique, téléphone), intervenant sur nos voiries, contribuent financièrement à leur entretien. Nous mettons aussi sur la table la question de la recette des amendes de police, mises par les policiers municipaux et les gardes-champêtres, mais qui tombent dans les caisses de l'État. Les communes touchent le produit des amendes uniquement si elles ont mis en place du stationnement payant, ce qui n’est pas le cas de l'immense majorité d’entre elles. C’est totalement anormal, et de surcroit pas vertueux et pédagogique. La recette de l'amende doit rester sur le territoire où elle a été posée.
Concernant les SERM, les territoires ruraux et périurbains ne sont-ils pas oubliés ?
Oui et non. La logique même des SERM est bien d'aller chercher le périurbain, voire le rural, pour les connecter aux centres urbains. Il s’agit d’articuler l'ensemble des services de mobilité autour d'un centre urbain pour les connecter et les rabattre. Si le principe est très bon, la question se pose sur la capacité à construire cela techniquement et financièrement, comme à faire dialoguer l'ensemble les acteurs. Le coût est très élevé en investissement et en fonctionnement. Il est difficile de demander à la population de changer ses habitudes, pour décarboner, mais avec des solutions de mobilité qui ne seront là que d’ici dix à vingt ans. Il faut trouver une capacité de financement et des leviers pour une réalisation plus rapide, notamment en revoyant les procédures administratives.
Propos recueillis par Pierre Plessis
Crédit ©Franck_Ardito
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