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FORUM (Salle Marianne) - Mercredi 20 novembre 2019 - 09h30 à 12h30

Les employeurs publics vont passer aux travaux pratiques 

Lors du Forum consacré aux ressources humaines, les élus locaux ont débattu des nombreuses évolutions introduites par le législateur et de leur impact en matière de gestion RH. 

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largissement du recours aux contractuels, expérimentation de la rupture conventionnelle, lignes directrices de gestion, renouvellement du dialogue social, égalité professionnelle, inclusion des personnes handicapées et des minorités sociales… autant de thèmes qui ont suscité des échanges nourris lors du forum RH consacré aux maires-employeurs. Rassemblés pendant près de trois heures, dans une salle comble, les participants ont ainsi pu se familiariser avec la loi de transformation de la fonction publique (TFP) du 6 août 2019, dont 65 des 95 articles impactent directement employeurs et agents territoriaux.

Co-présidé par François Deluga, maire du Teich (Gironde) et président de la Commission FPT et RH de l‘Association des maires de France (AMF), et Marie-Claude Jarrot, maire de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) et représentante de l‘AMF auprès de la Coordination des employeurs territoriaux, ce forum entendait éclairer les maires sur les nouvelles opportunités offertes par la loi TFP. Une démarche d‘analyse et de décryptage que l’AMF a initié, dès la publication de la loi, aux côtés du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG). "Les 166 réunions, qui ont rassemblé 16 000 personnes depuis septembre dernier en métropole et en outre-mer, ont permis d‘éclairer les acteurs territoriaux sur les implications RH de la loi", a indiqué François Deluga. 

Prise de conscience accrue de la responsabilité d‘employeur

Au cours d‘une première partie centrée sur "les contraintes ou les libertés" générées par la loi TFP, les maires et présidents d‘EPCI se sont interrogés sur les lignes directrices de gestion (LDG), qui détermineront la stratégie pluriannuelle de pilotage des RH, après avis du comité social territorial. Selon François Deluga, "cette évolution ne sera pas sans impact sur la prise de conscience des maires de leur responsabilité d‘employeurs". Si Michel Hiriart, président de la FNCDG, s‘est félicité du renforcement du rôle et des compétences des centres de gestion, il a également souligné la nécessité de collaborer plus étroitement avec le CNFPT, dans l‘intérêt des employeurs et des agents territoriaux. Les deux institutions ont d‘ailleurs signé, à l‘occasion du 102e Congrès des maires, un accord-cadre formalisant et renforçant leur partenariat pour une période de trois ans. Ce nouvel accord permettra ainsi la mise en application de l‘article 50 de la loi TFP prévoyant "la conclusion d‘une convention entre chaque centre de gestion coordonnateur et le CNFPT à l‘échelle régionale."

Sur l‘élargissement du recours aux contractuels, évolution phare de la loi, les participants ont partagé leurs expériences de terrain. Evoquant les difficultés de recrutement dans sa région, Christophe Iacobbi, maire d‘Allons (Alpes-de-Haute-Provence) et membre de la commission FPT et RH de l‘AMF, s‘est dit favorable à l‘ouverture accrue aux non titulaires et au contrat de projet pour les emplois non permanents. Une position qui, selon lui, n’est pas contradictoire avec son attachement au statut de la fonction publique.

De son côté, Bertrand Massot, maire de Luisant et président du CDG d‘Eure-et-Loir, a indiqué percevoir dans le prolongement du contrat de projet, d‘une durée minimale d‘un an, une possibilité de titularisation pour les contractuels. Jean-Marc Vasse, maire de la commune nouvelle de Terre de Caux (Seine-Maritime), a réclamé "plus de souplesse pour les employeurs", considérant que " le contrat de projet permettra d‘initier une politique nouvelle ou de gérer une mission sans créer d‘emploi statutaire".

François DELUGA, maire du Teich (33), président de la commission Fonction publique territoriale et ressources humaines de l’AMF.

Marie-Claude JARROT, maire de Montceau-les-Mines, représentante de l‘AMF auprès de la Coordination des employeurs territoriaux.

 

"Il ne faut ni idéaliser, ni diaboliser le recours aux contractuels qui représentent aujourd‘hui 25% des territoriaux. Mais il convient de bien y réfléchir en amont car le recours à un contractuel peut coûter plus cher qu‘un emploi permanent", a souligné François Deluga. Le président de la FNCDG a, pour sa part, attiré l‘attention sur les enjeux financiers pour les collectivités. Des enjeux notamment liés à la mise en œuvre de la rupture conventionnelle et à l‘indemnité de précarité pour les contractuels.

Renforcer le dialogue social

Le renouveau du dialogue social, basé sur la simplification de l‘organisation des différentes instances, a également suscité de nombreuses questions. Si la plupart des élus locaux ont exprimé leur intérêt pour les nouvelles dispositions de la loi (fusion des CT et des CHSCT, création du comité social territorial…), ils se sont néanmoins interrogés sur le rôle accru donné aux présidents de CDG en matière de promotion interne. Affirmant que la réforme des instances de dialogue social n‘avait pas été souhaitée par les centres de gestion, Michel Hiriart a dit redouter l‘apparition de contentieux sur ce sujet et a jugé important de continuer à travailler avec les organisations syndicales. Pour Bertrand Massot, les nouvelles dispositions devraient générer un gain de temps et d‘efficacité. De même, Christophe Iacobbi a affirmé entrevoir des apports bénéfiques des nouvelles instances pour l’intercommunalité de son territoire. Jean-Marc Vasse a, cependant, insisté sur la nécessité de former au dialogue social les 55 agents de sa collectivité. 
D‘autres thèmes centraux de la réforme comme la santé et la protection sociale des agents, le temps de travail, l‘encadrement du droit de grève, les autorisations spéciales d‘absence, les instances médicales, le reclassement ou encore la formation et l‘apprentissage ont permis aussi aux employeurs locaux d‘exprimer leurs interrogations.

Ainsi, Christophe Iacobbi s‘est inquiété de ce qui ressortira de la future ordonnance sur la santé au travail. "Notre groupe de travail a fait des propositions en matière de prévention et de gestion du risque santé, a confié l‘élu. Les employeurs locaux seront très vigilants". Le président du CNFPT a, quant à lui, remis en débat le sujet du financement de l‘apprentissage, qui incombera pour moitié à l‘établissement public et pour l‘autre moitié aux collectivités. "Ce transfert de compétence, qui représente 50 millions d‘euros par an pour le CNFPT, sans transfert de recette, nous conduira dans une impasse dès 2021, a déploré François Deluga. Nous sommes dans une phase de négociation avec l‘Etat, mais cela avance peu."

L‘inclusion sociale absente de la loi

Les participants au forum se sont également penchés sur les nouveaux outils mis à la disposition des employeurs pour rendre plus inclusive la politique RH. En matière d‘égalité professionnelle femmes-hommes, Marie-Claude Jarrot a rappelé que l‘AMF avait été signataire du protocole en novembre 2018. La maire de Montceau-les-Mines a également cité la série de mesures en faveur de l‘égalité mises en place au sein des services de sa commune, forte de 400 agents.

Françoise Descamps-Crosnier, présidente du Fonds pour l‘insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) et auteure d‘un rapport sur l‘égalité femmes-hommes dans la fonction publique, a détaillé les mesures de la loi TFP, insistant sur le fait que les collectivités et EPCI de plus de 20 000 habitants devront mettre en œuvre un plan d‘action obligatoire pour favoriser l‘égalité femmes-hommes sous peine de pénalités financières. "Si la marche en avant est enclenchée, la loi est nécessaire pour contraindre", a reconnu Philippe Laurent, maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT).

Alors que tout un chapitre de la loi est consacré aux travailleurs en situation de handicap, le maintien dans l‘emploi de ces agents demeure une préoccupation majeure des maires et présidents d‘EPCI. "La simplification des dispositifs est le maître-mot de notre politique, a martelé Sophie Cluzel, secrétaire d‘Etat auprès du Premier ministre en charge des personnes handicapées, y compris pour les employeurs" (lire ci-contre).

Sophie Cluzel salue l‘engagement des maires en faveur des personnes handicapées

Exemplaires, les employeurs territoriaux le sont avec un taux d‘emploi des agents en situation de handicap de 6,76% en 2018, devançant l‘Etat (4,65 %) et les employeurs hospitaliers (5,67 %). Sophie Cluzel, secrétaire d‘Etat auprès du Premier ministre en charge des personnes handicapées, n‘a pas manqué, lors de sa venue au Forum RH, de saluer l‘implication de l‘AMF en matière d‘inclusion des personnes en situation de handicap. Un engagement qui permet de faire de la politique du handicap "un outil de cohésion sociale", a affirmé Sophie Cluzel. Même si la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 entend favoriser l‘emploi des travailleurs handicapés, Sophie Cluzel a reconnu qu‘il fallait donner plus de "visibilité" aux dispositifs existants.

"Nous travaillons avec le président de l‘AMF, François Baroin, pour mieux faire connaître aux maires les ressources d‘ingénierie dont ils disposent", a confié la secrétaire d‘Etat. Elle a également invité les maires-employeurs à faire preuve de discrimination positive envers les candidats reconnus comme travailleurs handicapés. 

Françoise Descamps-Crosnier a pour sa part mis l‘accent sur la sécurisation du parcours professionnel des agents en situation de handicap et le développement de l‘apprentissage, "un tremplin vers l‘emploi pérenne". Evoquant le récent rapport Lecocq-Coton-Verdier sur la santé et la qualité de vie au travail dans la fonction publique, Philippe Laurent en a jugé les propositions "intéressantes", rappelant que "les employeurs territoriaux se sont bien engagés dans les domaines de la santé et du bien-être au travail des agents." 
En revanche, l‘inclusion sociale, en dehors de quelques dispositions, n‘a pas fait l‘objet d‘article spécifique dans la loi. "Je recommande aux collectivités de faire un autodiagnostic sur les questions d‘accès à l‘emploi public des minorités sociales", a remarqué Saïd Hammouche, président fondateur du cabinet Mozaïk RH. A l‘occasion de la future ordonnance formation, le président du CNFPT renouvellera la proposition visant à instaurer des classes préparatoires intégrées au niveau des attachés territoriaux. "Les collectivités ont une responsabilité forte dans la constitution d‘une fonction publique de haut niveau et à l‘image du pays", a-t-il affirmé. 

Emmanuelle QUEMARD



© Aurélien Faidy - Arnaud Février - Victoria Viennet pour l'AMF
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