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FORUM (Salle de la Nation) - Mercredi 20 novembre 2019 - 09h30 à 12h30

La loi d’orientation des mobilités au cœurs des échanges 

Les élus ont débattu des opportunités ouvertes par le législateur pour favoriser la mobilité dans les zones peu denses. Et du rôle des communautés de communes qui peuvent devenir autorités organisatrices de la mobilité. 

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ui mieux que les maires, dans leur relation de proximité avec les citoyens, a les moyens pour organiser la mobilité ? », a rappelé Frédéric Cuillerier, maire de Saint-Ay (45) et président de la commission transports, mobilité et voirie de l’AMF, en ouverture du forum sur la mobilité en territoire peu dense. « Très souvent dans la préparation des projets de loi, les maires ont été oubliés. Cela n’a pas été le cas pour la Loi d’orientation des mobilités puisque nous avons été au cœur de la concertation engagée par Elisabeth Borne », a-t-il admis. Adopté le 19 novembre 2019 par le Parlement, la LOM a pour objectif de mettre un terme aux zones blanches de mobilité. Autrement dit, des territoires peu denses, dépourvus de solution de transport public. « En France, environ 19 millions de personnes n’ont pas accès à une mobilité durable effective. Elles sont prisonnières de leur voiture qui leur coûte cher », a constaté Bruno Duchemin, rapporteur de la LOM au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Les personnes n’ayant pas de véhicule individuel ou ne pouvant plus conduire sont, pour leur part, assignées à résidence. 

C’est pourquoi la LOM a octroyé la possibilité aux communautés de communes de prendre la compétence mobilité. « L’objectif est que tous les territoires aient une autorité organisatrice de la mobilité », a résumé Hervé Brulé, adjoint au directeur général de la direction générale des infrastructures de transports et de la mer. Les communes et EPCI devront se prononcer au plus tard le 31 décembre 2020. A défaut, la compétence sera exercée par la Région. La communauté de communes pourra à nouveau exercer la compétence, dans le cas d’une fusion de communautés de communes ou en cas de création ou adhésion à un syndicat mixte de transport. Pour Frédéric Cuillerier, « cette mesure est le nœud central de ce texte car elle permet de lever le versement mobilité, donc de trouver des moyens de financement ».

Contrats de mobilité

Pour autant, le rôle des Régions en tant de chef de file de la mobilité reste important. Notamment au travers des contrats opérationnels de mobilité liant les AOM dans l’objectif de coordonner les différents acteurs à l’échelle de chaque bassin de mobilité. « Avant de se poser la question de qui finance et qui organise tel service, il faut imaginer les solutions de mobilité », a conseillé Michel Neugnot, président de la commission transport et mobilité de Régions de France et 1er vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté. « Pour cela, il faut partir des besoins des habitants et imaginer des systèmes de déplacement complémentaires les uns des autres »

D’où l’importance de définir en premier lieu des bassins de mobilité et d’associer dans les contrats opérationnels de mobilité les entreprises, les usagers et les élus locaux. Le but étant de co-construire avec les communes et EPCI des solutions de déplacements.

« La mobilité est un projet de territoire. C’est un moyen de recréer des liens entre les différentes populations », a insisté Gilles Rault, maire adjoint de la commune déléguée de Saint-Gouéno (22) en charge de la mobilité. Cette collectivité a mis en œuvre plusieurs solutions de déplacement : de l’auto-stop avec Rézo Pouce, des vélos à assistance électrique, des plates-formes de mobilité. « Nous cherchons à limiter l’autosolisme. Pour changer les comportements, il faut travailler à l’échelle de l’espace de vie et du bassin de mobilité ». Autre exemple, celui du pôle métropolitain du Grand amiénois (80). Cette communauté de communes est autorité organisatrice de second rang. Elle a développé du covoiturage, des itinéraires cyclables, des aires de stationnement pour les vélos. « Nous avons élaboré un plan de mobilité rural dans le cadre du SCOT car la politique publique de mobilité est un axe du futur projet de territoire », explique Frédéric Charley, le directeur de ce pôle métropolitain.

Frédéric CUILLERIER, maire de Saint-Ay (45) et président de la commission Transport de l’AMF

Jean-Luc DUPONT, maire de Chinon (37), président de la Communauté de communes de Chinon, Vienne et Loire.

Transition énergétique

La LOM vise aussi à engager la transition vers une mobilité plus « propre » en favorisant notamment les nouvelles solutions de déplacement et en limitant l’émission des gaz à effet de serre. La communauté de communes de Chinon, Vienne et Loire (37) a entrepris le maillage électrique de son territoire. Quatre-cent trente bornes de recharge, espacées de 20 km, ont été installées. « Les immatriculations de véhicules électriques sont aujourd’hui trois fois supérieures à la moyenne nationale. Sur 8 000 habitants, 50 ont une voiture électrique », indique Jean-Luc Dupont, président du Syndicat intercommunal d’énergie Indre-et-Loire, maire de Chinon et président de la communauté de communes. Pour garantir ces réseaux d’approvisionnement, Enedis a signé une convention avec l’AMF. « S’il n’y a pas de réseau de distribution, il n’y a pas de mobilité électrique », explique Dominique Lagarde, directeur du programme mobilité électrique d’Enedis. Le fournisseur d’énergie a estimé les besoins de mobilité électrique à l’échelle communale. « Cela permet d’anticiper les points de charge et les investissements ». En tant qu’autorité organisatrice de second rang, la communauté de communes de Chinon a créé 3 lignes de bus pour connecter deux gares TER et une association de transport solidaire. Un dispositif inscrit dans la LOM. « Ce service permet de répondre aux besoins des séniors éloignés de tous les services. L’absence de mobilité est synonyme d’isolement », rappelle Jean-Luc Dupont. Enfin, elle a mis en place une navette autonome reliant les parcs de stationnement aménagés en périphérie de Chinon et créé une plate-forme de covoiturage.

Mobilités partagées et « douces »

A Sailly-Lez-Lannoy (59), une commune située à 20 km de Lille, c’est une ligne de covoiturage à haute fréquence qui a été mise en place. « Sur 700 à 800 automobilistes qui traversent la ville, la moitié se rend à une station de métro située à 10 min du centre », rappelle Martha Bozek, conseillère municipale en charge de la citoyenneté. Les prises de rendez-vous s’effectuent via FaceBook et une application mobile vient d’être mise en service. « Nous avons demandé aux habitants quels étaient leurs besoins de déplacement. La solution de covoiturage est née de la population qui a créé une association. Pour notre part, nous les accompagnons ». Cette solution de mobilité repose sur un principe incitatif : les passagers perçoivent 1€ par trajet. 

Autre solution alternative de déplacement : le vélo dont la part modale doit passer de 3% à 9%. Un challenge atteignable si l’on tient compte des résultats d’une étude de la SNCF où plus de la moitié des Français se disaient disposés à la pratique du vélo. « La LOM affiche la volonté de développer ce mode dans la chaîne de mobilité », note Patrice Pattée, vice-président du Club des villes et territoires cyclables, adjoint au maire de Sceaux (92).

« Or, quand on élabore une politique vélo, il ne faut pas faire de l’impressionnisme : il faut aménager des infrastructures et prévoir des équipements dans le cadre d’un schéma directeur élaboré à l’échelle d’un bassin de vie ». Et le vice-président de rappeler les financements « exceptionnels » prévus par la LOM : le forfait mobilité durable (jusqu’à 400€ pour se rendre au travail en covoiturage ou à vélo), les 400 M€ inscrits au plan vélo du gouvernement, les subventions de l’Ademe, celles des Régions. « Il faut saisir ces financements car quand les infrastructures sont créées, les gens font du vélo ». 

13,4 Md€ pour la mobilité du quotidien

Pour Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’état chargé des Transports, « la LOM est l’anti loi NOTRe. Elle offre une souplesse, une liberté d’initiative pour les intercommunalités et les régions avec comme point central le syndicat mixte de type SRU ». Le texte inscrit dans le marbre trois grandes orientations « élaborées dans une logique ascendante de concertation » : développer des services de mobilité de proximité, engager la transition énergétique et sécuriser les financements.

A ce titre, 13,4 Md€ ont été programmés pour la période 2018-2022. Les trois quarts seront dédiés au ferroviaire. « Nous avons sanctuarisé le versement mobilité et créé un forfait de mobilité durable pour encourager la pratique du vélo », a rappelé Jean-Baptiste Djebbari. « Le rôle des régions en tant que chef de file de la mobilité sera important mais tout ne pourra se faire qu’en proximité. Les élus vont devoir s’approprier cette loi qui est très fournie ».  

Penser aux petites lignes ferroviaires

Autre solution pour favoriser la mobilité dans les territoires peu denses : les petites lignes ferroviaires. « Avec la LOM, nous pouvons les redynamiser », affirme Edouard Hénaut, directeur général France du groupe Transdev. « Le recours à un opérateur tiers comme Transdev pour gérer ces services permet d’accroître la qualité de service et augmenter leur fréquentation ».  La filiale de la Caisse des dépôts préconise également le recours au car. « La régénération des petites lignes ferroviaire prendra du temps. Il existe des solutions alternatives comme les cars à haut niveau de service ». L’opérateur a déployé un tel service entre un parc-relai aménagé en bordure de l’A10 à Briis-sous Forges (91) et Massy. « Cette ligne de car à haute fréquence transport plus de 1000 personnes par jour », affirme le directeur général. Transdev préconise également des navettes autonomes pour assurer les derniers kilomètres ou des dessertes nocturnes. « Il faut néanmoins tuer le mythe en pensant que les véhicules autonomes vont résoudre tous les problèmes de mobilité dans la ruralité. Ces solutions nécessitent des coûts d’investissement et d’aménagement très importants »

Christine CABIRON



© Aurélien Faidy - Arnaud Février - Victoria Viennet pour l'AMF
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