La France compte actuellement plus de 1,3 million de personnes âgées en perte d’autonomie. Elles seront près de 2,2 millions en 2050. Souvent présentée comme un risque, la vieillesse ne se conjugue pas au singulier. Elle est davantage « plurielle » comme l‘a illustré Mickaël Blanchet, docteur en géographie sociale, auteur de l’Atlas des séniors et du grand âge en France, en introduction du forum consacré au vieillissement, mardi 19 novembre. Cela justifie que les politiques à destination des seniors soient également plurielles. Sachant que l‘on ne mesure pas toujours non plus, à l‘origine, l‘ensemble de leurs impacts. Or, « quand on met en place des lieux de sociabilité pour les personnes âgées, on observe des croisements avec d‘autres publics, comme les parents », a pointé le géographe. Les bénéfices ne sont donc pas uniquement « catégoriels ». « Les politiques d‘aménagement de nos communes ont tout à gagner à anticiper le vieillissement car cela bénéficie à d‘autres publics et cela n‘est pas plus couteux quand c‘est pensé en amont » a confirmé Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne (42), président de la commission des affaires sociales de l’AMF et co-président du forum.
Des politiques plurielles
L‘expérience des territoires ultramarins est à ce titre très intéressante. Car ils connaissent un « vieillissement accéléré de leur population » et vont devoir faire face, comme la Martinique ou la Guadeloupe, à l‘horizon 2030, à un « vieillissement aigu de leur population », a souligné Mickaël Blanchet. Les communes s‘y préparent depuis plusieurs années. Trois témoignages l‘ont illustré. Ceux de la commune des Abymes (54 260 hab.), et de Morne-À-l‘Eau (17 288 hab.), en Guadeloupe, et de Schoelcher (20 000 hab.), en Martinique. « Les enjeux portent aussi bien sur le logement, les transports pour parer à de gros problèmes d‘accessibilité, que sur l‘accompagnement des personnes âgées car certaines vivent très isolées, dans des hameaux », a résumé Eliane Guiougou, conseillère municipales des Abymes, vice-présidente de la communauté d’agglomération Cap excellence. « Ville amie des aînés » depuis 2013. Schoelcher a multiplié les diagnostics (social, urbain) pour mesurer les attentes et besoins et de là, imaginer des actions. Beaucoup misent sur la prévention, explique l‘adjointe au maire, Marie Garon, coprésidente du forum : « un groupe d‘experts nous a aidé à réfléchir à un schéma gérontologique communal par la suite signé par l‘Agence régionale de santé, la caisse de sécurité sociale, le département, avec un but : préserver la bonne santé des ainés ». Cela a entrainé notamment la création d‘un « pass sport santé sénior ». Avec des effets vérifiés « A tel point que des médecins nous adressent des personnes car ils ont constaté que leurs patients se portaient mieux quand ils bénéficiaient du passeport », a expliqué l’élue. D‘autres actions portent sur l‘habitat par exemple. A chaque fois, il s‘agit de donner « le coup de pouce » qui permet de dépasser les obstacles culturels ou financiers. « Coup de main habitat », c‘est le nom d‘un dispositif « fait maison » par Schoelcher pour faciliter l‘adaptation des logements. Plutôt escarpée, la commune a aussi créé des trottoirs pour faciliter la mobilité des personnes. Sur l‘île voisine de la Guadeloupe, Morne-À-l‘Eau « n‘est pas en perte démographique », mais « cela n‘empêche pas de devoir agir sur le vieillissement », estime Annette Pressé, conseillère municipale. Ici, les élus ont imaginé un écoquartier pour créer des liens intergénérationnels sur un quartier vieillissant, en centre bourg, autour de services et commerces.
Ces expériences séduisent, car « il faut lutter contre la spécialisation des espaces et des lieux », a réagi Marie-Odile ESCH, membre du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE), rapporteure de l’avis « Vieillir dans la dignité ».