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FORUM (Salle de la Citoyenneté) - Mardi 19 novembre 2019 - 10h à 12h30

L’engagement des maires pour la protection de leurs concitoyens

Les élus veulent être écoutés et disposer de plus de pouvoirs de police Les relations entre polices nationales et municipales sont désormais apaisées. Les élus craignent cependant un désengagement de l’Etat. Ils souhaitent disposer de plus de pouvoirs de police administrative et être plus impliqués dans la lutte contre la radicalisation.

A

près le décès du maire de Signes (83), Jean-Mathieu Michel, le 5 août 2019, le Sénat avait lancé, avec l’AMF, une consultation auprès des maires afin de prendre la mesure des incivilités, menaces, agressions physiques auxquelles ils ont à faire face. Résultat : 82% ont subi des incivilités, 48% des menaces et 14% des agressions. Seules 21% des plaintes déposées ont abouti à la condamnation pénale des fautifs. Résultat : une perte de confiance envers la justice. Le tableau ainsi posé a ouvert le forum du Congrès des maires consacré, le 19 novembre, à « L’engagement des maires pour la protection de leurs concitoyens à travers l’exercice de leurs pouvoirs de police et leur rôle en matière de préventions ».

Alors que désormais « on vient tuer sur l’espace public, on y commet des attentats », que « les comportements sont de plus en plus intolérants, violents, irrespectueux », maires et Etat ne peuvent agir chacun de leur côté, a affirmé en introduction des débats Christian Estrosi, maire de Nice (06), président de la Commission consultative des polices municipales et co-président du Forum. Malgré les menaces de mort régulièrement reçues, le maire ne demande pas de protection : « Il faut en demander plus pour les citoyens ».

Le monde rural n’est pas épargné. Problèmes de voisinages, violences scolaires, démarchage frauduleux après des personnes âgées, installation illicite de gens du voyage… sollicitent la gendarmerie, rappelle Kevin Dewaële, maire de Vignats (14). La montée des incivilités et des dégradations, « sur fond de délinquance », est aussi constatée par Nathalie Koenders, co-présidente du forum, adjointe au maire et vice-présidente de la métropole de Dijon (21). « Les maires se sentent seuls, même s’ils ont une police municipale ».

C’est l’un des points focaux du débat : alors que les relations entre polices municipales et nationales sont bonnes, les élus s’inquiètent du flou de la frontière entre maintien de la sécurité, prérogative régalienne, et préservation de la tranquillité publique, compétence communale. « Les citoyens sont demandeurs d’effectifs de police », rapporte Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin (69), qui, depuis 2017, a fait passer ceux de la police municipale de 3 à 32 agents, patrouillant la nuit, avec brigade cynophile et brigade motorisée, pour un budget de fonctionnement passé de 1 million à 3 millions d’euros.

Répartition des tâches

Reproche classique des élus : l’investissement dans les polices municipales ne pousse pas l’Etat à augmenter ses effectifs. « Comment répartir les tâches avec la police nationale qui n’a pas encore ses pleins effectifs ? », se demande Hélène Geoffroy. De façon plus générale, une évolution inquiète Nathalie Koenders : celle qui voit l’Etat baisser les effectifs de la police nationale et reprendre la main sur la police municipale. L’adjointe s’alarme de voir que, dans le cadre des travaux sur le futur Livre blanc sur la sécurité intérieure, il serait proposé que la police municipale soit armée a priori et qu’il reviendrait au maire de décider de ne pas l’armer.

La région Ile-de-France, a choisi d’agir en aidant les acteurs de la sécurité, bien que celle-ci ne fasse pas partie de ses compétences. Frédéric Péchenard, vice-président du conseil régional chargé de la sécurité et de l’aide aux victimes, ancien directeur général de la Police nationale, détaille : conventions pour la rénovation des casernes de gendarmerie et des commissariats, et « bouclier sécurité » permettant d’aider à l’investissement en faveur des polices municipales et d’améliorer la sécurité des espaces publics.

Nathalie KOENDERS, 1ère adjointe au maire et vice-présidente de la Métropole de Dijon (21),

Christian ESTROSI, maire de Nice (06), président de la Commission consultative des polices municipales.

Inadéquation de la réponse pénale

Le sentiment d’une inadéquation de la réponse pénale était aussi largement partagé par les élus dans la salle et les intervenants. Christian Estrosi a raconté le responsable d’une « tentative de meurtre » sur un policier qui ressort libre 12 heures après sa présentation devant le juge. Pour Frédéric Péchenard, le problème est l’inexécution des peines de prison, TIG, ou amendes. Il est difficile de trouver des lieux d’accueil pour les TIG, a convenu Hélène Geoffroy. Elle a insisté sur l’importance de la coordination, dans sa commune, entre polices nationale, municipale et procureur, pour limiter par exemple les rodéos. Pareillement, une cellule de veille sur les jeunes, réunissant tous les intervenants, y compris la justice, obtient de bons résultats à Dijon, selon Nathalie Koenders. En zone rurale, Marie Pocquet, commandant la compagnie de gendarmerie départementale de Falaise, rencontre les élus du territoire « le plus souvent possible pour une dialogue franc » coproduisant ainsi la sécurité entre gendarmes et élus. Quant aux petites incivilités, telle celle d’un parent se garant sur une place réservée aux personnes handicapées, devant l’école, « elles sont résolues par la discussion ».  Au niveau de la réponse judiciaire, Christian Estrosi a préconisé le retour des peines planchers et l’établissement de la responsabilité pénale à 16 ans.

Quelle extension des pouvoirs de police ?

« Jusqu’où aller dans l’extension des pouvoirs de police ? », s’est demandé Hélène Geoffroy.Faut-il renforcer ces pouvoirs ? Pour commencer, Kevin Dewaële aurait apprécié de bénéficier d’« une formation obligatoire en début de mandat sur les pouvoirs de police du maire, pour savoir quels sont les moyens d’action, que faire et ne pas faire ». Christian Estrosi a rappelé qu’une intercommunalité telle que la sienne, avec 37 communes rurales sur 49, la plus petite comptant 55 habitants, peut justement offrir à ces territoires un soutien juridique, informatique, financier. Nathalie Koenders a demandé « les moyens pour la police municipale d’agir sur la tranquillité publique ». Au bout de 5 ans de demande, Dijon a ainsi obtenu l’accès au fichier d’immatriculation des véhicules. Elle souhaite, tout comme ses collègues, avoir la possibilité de contrôler l’identité en cas de délit, d’avoir la main sur la fermeture administrative des restaurants et terrasses -« ce n’est aujourd’hui pas une priorité des préfectures »-, de pouvoir recouvrir les amendes pour non-respect des arrêtés municipaux.

Une plateforme de sensibilisation à vigipirate

A l’occasion du forum, le secrétariat général de la Défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a mis à la disposition du public et des élus le MOOC « Faire face ensemble », plateforme de sensibilisation et formation à vigipirate ouverte à tous (1). Celle-ci comprend 3 modules, a expliqué Benoît Trevisani, adjoint du directeur de la protection et de la sécurité de l’Etat au SGDSN. Un module d’explication, un destiné au grand public et le troisième pour la sensibilisation des professionnels et des élus locaux. Ce dernier traite de la menace terroriste et permet aux élus de définir la vulnérabilité de leur commune. Il les sensibilise à l’organisation en interne des services, aux moyens d’informer et de former le personnel municipal. Il fournit également des éléments de prévention de la radicalisation. La plateforme correspond à environ 8 heures de contenu pédagogique. « Elle a été lancée le 20 septembre et compte déjà 11 000 inscrits. 10% ont suivi la formation de bout en bout et ont obtenu une attestation », s’est félicité Benoît Trevisani.

 

Hélène Geoffroy, qui a souligné la qualité des relations entre polices municipale, nationale et gendarmerie, ajoute à la liste une meilleure information du maire : « Que se passe-t-il lorsqu’une condamnation est prononcée ? Les habitants doivent être informés du résultat de l’action publique pour leur donner confiance ». Renforcer les pouvoirs de police judiciaire du maire ? Frédéric Péchenard est contre. Et ceux de police administrative ? « Oui. Pouvoir fermer un débit de boisson est fondamental ». Quant à Christian Estrosi, il a réclamé plus de pouvoir de police de l’environnement : « Que je puisse décider qu’un tagueur récidiviste ait huit jours de TIG à recouvrir les tags, que le responsable récidiviste de dépôts sauvage ramasse pendant huit jours. Que j’aie le pouvoir de décision et d’application de cette sanction ».

Le thème de la lutte contre la radicalisation s’est imposé dans le débat, mettant en évidence le sentiment de solitude des élus. Alors qu’ils connaissent leurs concitoyens, ils estiment ne pas être écoutés. « Lorsque je relève un mariage blanc, puis une demande de passeport dans l’urgence pour une famille entière, j’alerte la police, le procureur, sans aucune suite. L’Etat ferait mieux de considérer que le maire est utile au lieu de le mépriser », a lancé Christian Estrosi. Gérard Arnaud, adjoint à Chassieu (69), a souligné ne jamais avoir de retour de la police et de la justice suite à ses signalements. « C’est le black-out et les faits continuent ». Nathalie Koenders a souhaité également des retours, « malgré le secret défense ».

Martine KIS

(1) www.vigipirate.gouv.fr

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