C’était, pour les associations d’élus, un nouveau casus belli avec le gouvernement et une « question de principes » : lors de l’examen du projet de loi Sapin 2 au Sénat, la bataille a bien eu lieu pour faire sortir les associations d’élus de la liste des lobbies privés. Le gouvernement et le rapporteur du texte au Sénat ont fini par reculer.
Rappel des épisodes précédents : le projet de loi Sapin 2, parmi bien d’autres dispositions, prévoit de règlementer l’activité des « représentants d’intérêts » (lobbyistes), à l’article 13. Il définit d’une part le champ d’activité de ceux qui seront désormais considérés comme tels ; et d’autres part les organisations qui ne peuvent être qualifiées de « représentants d’intérêt ». Dans le projet de loi initial, il figurait dans cette liste d’exclusion : les élus « dans le strict exercice de leur mandat », les partis politiques, les syndicats de salariés et les associations cultuelles. À l’Assemblée, les députés ont ajouté les syndicats patronaux.
Mais quid des associations d’élus ? Les dirigeants de l’AMF, notamment, n’ont eu de cesse depuis le début de la discussion de dénoncer le caractère « absurde », voire « ubuesque » de telles dispositions : ainsi des maires comme François Baroin ou André Laignel qui rencontreraient un ministre en tant que maires de Troyes ou d’Issoudun ne seraient-ils pas des lobbyistes, mais le deviendraient dès lors qu’ils rencontreraient le même ministre en tant que responsables de l’AMF ! Sans oublier, défend l’AMF, que celle-ci est une association reconnue d’utilité publique, ce qui signifie qu’elle est étroitement contrôlée par l’État, et que « tous ses adhérents sont élus au suffrage universel », rappelait André Laignel il y a peu, « à la fois élus locaux et représentants de l’État ».
Dès le début de la discussion au Sénat sur l’article 13, le sénateur du Morbihan et ancien maire d’Auray Michel Le Scouarnec a interpellé le ministre Michel Sapin en lui relatant que « les associations de maires morbihannais (l’avaient) alerté », refusant de voir « leur nom figurer à côté de ceux des représentants d’intérêts privés ». « Ils sont élus au suffrage universel, défendent l’intérêt général, contribuent à l’élaboration des décisions de l’État et à leur application locale », a défendu le sénateur breton. « La défense de l'intérêt général ne doit pas être confondue avec la défense des intérêts privés ! ».
Plusieurs amendements ont été présentés pour ajouter « les associations représentatives d’élus » à la liste d’exclusion des lobbies. « Les associations d'élus concourent utilement à la défense du principe de libre administration des collectivités territoriales et à ce titre défendent l'intérêt général, non des intérêts privés », a défendu le sénateur du Tarn-et-Garonne Yvon Collin. « C’est une question de principe », a surenchéri Alain Vasselle, sénateur-maire d’Oursel-Maison et président de l’Association des maires de l’Oise. Les actions des associations d’élus « ne sont guidées que par la recherche de l'intérêt général. C'est d'ailleurs à ce titre (qu’elles) sont présentes dans nombre d'instances consultatives et qu'elles répondent quotidiennement aux sollicitations de leurs représentants. »
L’amendement qui a finalement été adopté a été signé par plusieurs présidents d’associations départementales de maires (Alain Vasselle de l’Oise, Gérard Masclet du Nord, Jean-François Rapin du Pas-de-Calais, Daniel Chasseing de la Corrèze) ainsi par Caroline Cayeux, sénatrice-maire de Beauvais et présidente de Villes de France. L’amendement proposait que soient exclues les organisations d’élus « en tant qu’instances consultatives de l’État et du Parlement ». Le rapporteur du texte, François Pillet, a proposé une autre rédaction : « exclues dans le cadre du dialogue avec le gouvernement ». Le ministre des Finances, Michel Sapin, sans se montrer convaincu, a finalement cédé en demandant que soit ajoutée la formule « dans les conditions prévues par la loi ». Soulignant ironiquement que cette formule était parfaitement superflue dans la mesure où « il est rare que le législateur exclue les conditions prévues par la loi », le rapporteur a toutefois accepté cette modification dans un esprit de consensus, tout comme Alain Vasselle.
L’article 13 adopté par les sénateurs ne considère plus comme représentants d’intérêts « les associations représentatives des élus dans le cadre du dialogue avec le gouvernement et dans les conditions fixées par la loi. » Ce qui signifie tout de même, en négatif, qu’en dehors de ce cadre précis elles restent considérées comme des lobbies privés. Ce point, explique ce matin Alain Vasselle à Maire info, « n'est pas satisfaisant dans la mesure où il crée une confusion dans l'esprit de nos concitoyens, comme si une association comme l'AMF pouvait faire autre chose que défendre l'intérêt général...». Néanmoins, le président de l'Association des maires de l'Oise considère le vote de cet amendement comme un « victoire » pour l'AMF et les élus, obtenue après avoir « beaucoup insisté auprès du rapporteur ».
Il ne reste plus qu’à savoir si cette rédaction satisfera les représentants de l’Assemblée nationale lors de la commission mixte paritaire qui se réunira après l’adoption du texte par le Sénat.
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