Comme sur de nombreux autres sujets, le gouvernement veut aussi aller vite pour mener sa politique en matière d’alimentation. Future traduction législative des états généraux de l’alimentation qui se sont conclus juste avant Noël (lire Maire info du 22 décembre 2017), le projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et pour une alimentation saine et durable » a été soumis hier au Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) que le gouvernement avait saisi en urgence pour qu’il examine ce texte, avant même l’avis du Conseil d’Etat.
La plus grande partie du projet de loi porte sur les relations commerciales entre les producteurs et les distributeurs, les dispositions projetées visant essentiellement à protéger les premiers des pressions des seconds. « Il s’agit de permettre aux agriculteurs de vivre du juste prix payé », rappelle notamment l’exposé des motifs.
Mais ce sont surtout les articles 8 et 10 du texte qui intéresseront plus particulièrement les élus. Les dispositions qu’ils contiennent vont concerner en effet directement la gestion de leurs collectivités. L’article 8 prévoit d’autoriser le gouvernement d’agir sur ordonnances dans deux domaines : la séparation des activités de conseil et de vente des produits phytosanitaires et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Sur ce dernier point, le texte prévoit ainsi « d’imposer à l’ensemble des acteurs de la restauration collective, y compris donc les collectivités, un diagnostic préalable à la démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire » et de permettre au gouvernement « d’imposer » à certains de ces opérateurs « de rendre publics leurs engagements en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire ». L’article 8 envisage aussi de rendre obligatoire la signature d’une convention entre les acteurs de la restauration collective et les associations caritatives afin d’organiser le don alimentaire. Des dispositions sur lesquelles le collège des élus a émis hier au Cnen un avis défavorable, indique ce matin l’AMF. « Si cet élan doit être accompagné, l’AMF s’interroge sur la nouvelle obligation de réaliser un diagnostic préalable, sur ses modalités de mise en oeuvre et sur son coût en cas de recours à un prestataire extérieur », explique l’association.
Les élus présents au Cnen n’ont pas voulu, non plus, hier « valider » l’article 10 du projet de loi. Il faut dire que c’est dans ce dernier que figure l’objectif, voulu par le président de la République, d’imposer, à l’horizon 2022, aux restaurants collectifs l’emploi « de 50 % de produits biologiques, locaux ou sous signes officiels de qualité, dont 20 % issus de l’agriculture biologique ». Un quota obligatoire dont les maires ne veulent toujours pas. « Opposée par principe à l’instauration de seuils obligatoires qui constituent une entrave au principe de libre administration des services publics », l’AMF prévient aussi du risque possible au regard des régles de la commande publique. « Les acheteurs publics sont contraints de respecter un principe fondamental selon lequel il est prohibé de choisir un prestataire en fonction de son implantation géographique. Or choisir des produits, notamment, en raison d’un signe ou d’une mention, tel que prévu, peut aller à l’encontre de ce principe fondamental », argumente l’association. Mais les élus ne rejetent pas l'ensemble du texte, ajoute l'AMF qui précise que « les élus du Cnen ont indiqué leur accord sur les objectifs du projet de loi », avec certaines réserves : « les contraintes fixées aux collectivités ne sont pas adéquates ; elles auront un coût certain, dont l’impact n’est pas évalué », et elles « illustrent une nouvelle fois une défiance envers les élus et une culture normative excessive ».
Intégrée dans la loi Egalité et citoyenneté de janvier 2017, l’obligation pour les cantines des collectivités de servir une part minimale de produits issus de l’alimentation durable et de l’agriculture biologique a été invalidée il y a un an par le Conseil constitutionnel (lire Maire info du 27 janvier 2017). Mais seulement pour des raisons de non respect de la procédure législative. Les débats parlementaires s’annoncent donc une nouvelle fois fournis sur cette question. Le projet de loi pourrait être présenté en Conseil des ministres dès la fin de ce mois.
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