Pour bien des élus, les chiffres des dotations de l’État publiés mercredi dernier fragilisent les équilibres des budgets locaux. Si le montant global de la DGF est en légère augmentation (d’environ 65 millions d’euros), la répartition des dotations a été profondément modifiée, et presque la moitié des communes – environ 16 000 – voient leur DGF diminuer. Parfois de beaucoup : presque une centaine de communes perdent la totalité de leur DGF, et plus de 850 d’entre elles en perdent plus de 25 %.
Maire info a réalisé, en exclusivité, une carte de l’évolution des dotations en France métropolitaine, permettant de visualiser, commune par commune, qui gagne et qui perd, ainsi que les différentes composantes de la DGF.
Cette carte a été réalisée en compilant les données fournies par la DGCL pour 2017 et 2018.
Zoomer sur la carte avec la molette de la souris. Cliquer sur une commune pour obtenir les informations détaillées. Cliquer sur la loupe pour rechercher une commune par son nom. Cliquer sur le symbole "Chaîne" pour ouvrir la carte dans une nouvelle fenêtre. © Maire info.
Rappelons que la DGF des communes se compose de plusieurs dotations : une dotation forfaitaire et, pour certaines communes, des dotations de péréquation : DSU (dotation de solidarité urbaine), DNP (dotation nationale de péréquation) et DSR (dotation de solidarité rurale), elle-même faite de trois composantes : bourg-centre, péréquation et cible.
Voici les grandes tendances pour chacune de ces composantes.
Dotation forfaitaire : plus de 22 000 communes en baisse
Le montant global de la dotation forfaitaire (DF) distribué est en nette baisse : 7,29 milliards d’euros cette année, contre 7,42 milliards, soit une diminution de 134 millions d’euros. Plus de 22 000 communes de métropole voient leur dotation forfaitaire diminuer.
Les baisses de DF sont, en moyenne, supérieures aux hausses : pour les communes qui sont en baisse, celle-ci est en moyenne de presque 6 %, alors que les hausses sont de moins de 2% en moyenne.
Dotation de solidarité rurale en hausse de 84 millions d’euros
La DSR (si l’on considère le total de ses trois composantes) est en hausse à l’échelle nationale, d’environ 80 millions d’euros. Mais là encore, les variations sont importantes d’une commune à l’autre. Les hausses sont toutefois très majoritaires : près de 30 000 communes ont une DSR en hausse (d'environ 14 % en moyenne). Une centaine de communes perdent totalement le bénéfice de la DSR, et plus de 1500 d’entre elles perdent plus de 30%. Les baisses sont en revanche beaucoup plus marquées que les hausses : autour de 22 % de baisse en moyenne.
En 2018, le montant global de DSR distribué se décompose ainsi : environ 507 millions pour la DSR bourg-centre, 636 millions pour la DSR péréquation et 285 millions pour la DSR cible.
Le nombre de communes touchant une DSR est en légère augmentation.
Dotation nationale de péréquation : stabilité au global
Le montant total de la DNP distribué est en légère baisse par rapport à l’an dernier, d’un peu moins d’un million d’euros. Il s’établit autour de 750 millions d’euros. La DNP est versée à environ 21 500 communes en 2018. Parmi elles, 54 % connaissent une hausse de leur DNP et 46 % voient leur DNP baisser.
À noter que près de 600 communes sont sorties du dispositif avec une DNP tombée à zéro. Plus de 1200 communes perdent plus de 60 % de leur DNP.
Dotation de solidarité urbaine : hausse de 100 millions d'euros
La DSU distribuée augmente d’environ 100 millions d’euros, dépassant les 2 milliards d’euros. Plus de 900 communes perçoivent cette année la DSU ou une garantie de sortie liée à la perte d'éligibilité à cette dotation. Seules celles qui sont dans ce dernier cas voient leur DSU diminuer.
Douze communes supplémentaires touchent la DSU, dont la ville de Bordeaux.
Dernière observation : le nombre de communes qui ne touchent aucune de ces dotations, ni forfaitaire ni de péréquation, et ont donc une DGF nulle, est en hausse de près de 25 % : il s’élève à présent à presque 380.
Phénomènes d’écrêtement
Ces baisses de dotation ne surprennent pas les élus de l'AMF, qui en avaient pointé le risque depuis plusieurs mois. La baisse de la dotation forfaitaire s’explique par un transfert, indique Philippe Laurent, secrétaire général de l'AMF et président de sa commission des finances : «
Comme tous les ans, la dotation forfaitaire est écrêtée pour financer notamment la montée en charge de la péréquation au sein de la DGF ». Mais pour autant, on l’a vu, des diminutions parfois très fortes de dotations de péréquation sont constatées dans de nombreuses communes, notamment sur la DSR et la DNP. «
C’est une conséquence de la recomposition de la carte intercommunale, qui a entraîné des changements, à la hausse ou à la baisse, de la valeur du potentiel financier des communes en 2018, explique Philippe Laurent.
Pour les communes concernées par la hausse de leur potentiel, ces changements produisent de fortes baisses des dotations de péréquation, voire une sortie complète de l’éligibilité à la péréquation. »
Il n’est prévu, à ce jour, aucun dispositif pour atténuer ces effets de la recomposition intercommunale, qui s’avèrent particulièrement négatifs, sur le plan financier, pour des milliers de communes.
Franck Lemarc