Après les impôts dits « de production », l’Ifer radioélectrique ? Le gouvernement prépare, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2022, une réforme de la taxe perçue par les communes, les départements et les intercommunalités sur les installations de stations radioélectriques (notamment les pylônes de téléphonie mobile), très favorable aux opérateurs. Réaction unanime des associations d’élus, qui invitent non sans ironie le gouvernement, « dans l’hypothèse où (il) voudrait améliorer les marges des opérateurs de téléphonie mobile », à utiliser « d’autres leviers » que les impôts locaux.
L’Ifer (imposition forfaitaire des entreprises de réseau) est une taxe créée en 2010 pour compenser en partie la suppression de la taxe professionnelle. Perçue par les communes, les départements et les EPCI, elle est payée par les entreprises de l’énergie, du transport ferroviaire et des télécommunications. L’Ifer est divisée en dix composantes, selon les catégories des entreprises concernées, allant du secteur des éoliennes à celui du matériel ferroviaire roulant en passant par les transformateurs électriques, les centrales photovoltaïques et, ce qui nous intéresse ici, les stations radioélectriques. Dans ce dernier cas, le montant de l’imposition s’élève à 1674 euros par technologie (2G, 3G, 4G…), qu’il s’agisse d’émetteurs, de récepteurs ou d’antennes relais. Il est à noter que les opérateurs disposent déjà d’un bon nombre d’exemptions : par exemple sur les installations de téléphonie mobile construites en zones de montagne entre 2017 et 2020, ou celles que les opérateurs ont eu ou auront l’obligation légale d’installer, au titre de l’aménagement numérique du territoire, entre les 3 juillet 2018 et le 31 décembre 2022 (stations ayant fait l’objet d’un avis, d’un accord ou d’une déclaration à l’ANFR à compter du 1er janvier 2010 et destinées à desservir les zones dans lesquelles il n’existe pas d’offre haut débit terrestre à cette date, etc.).
Selon les dernières données consolidées, l’Ifer « radio » a rapporté quelque 222 millions d’euros aux collectivités et EPCI en 2019. Vu le développement rapide de ce secteur, et les perspectives certaines d’une poursuite de ce développement dans les années à venir, cette ressource devrait s’avérer fort dynamique, avec une augmentation qui, selon les estimations, pourrait se chiffrer entre 6 et 12 % par an pendant les dix prochaines années. Son produit pourrait donc doubler d’ici 2030.
De l’aveu même des opérateurs, toutefois, le coût de l’Ifer est marginal, puisqu’il ne représente que 1 à 2 % du coût d’un site.
Le produit de l’Ifer se répartit entre les communes, les départements et les intercommunalités. Ce sont ces dernières qui se taillent la part du lion, avec 141,5 millions d’euros sur 222 en 2019 ; les départements ont touché, cette année-là, 69 millions d’euros et les communes presque 11,5 millions d’euros.
C’est en se basant sur un rapport (non publié) de l’Inspection générale des finances que Bercy envisage une réforme de l’Ifer radio. On retrouve dans ce rapport les habituels arguments contre les impôts économiques locaux : l’Ifer serait « trop complexe », trop mal réparti entre les différentes strates de collectivités. Mais surtout, son principal péché serait d’être… trop dynamique. En d’autres termes, il augmente trop et trop vite, ce qui paraît à Bercy contradictoire avec son objectif initial, qui était de compenser la suppression de la TP.
Un autre argument de l’IGF rappelle celui qui a présidé à la diminution de la CVAE : l’Ifer serait « contre-productif » d’un point de vue économique, puisqu’il augmente à mesure qu’augmentent les investissements des entreprises.
Bercy envisage donc de réformer le dispositif, en s’appuyant sur l’une ou l’autre des propositions de l’IGF – allant du plafonnement de la dynamique de la taxe à son remplacement par une taxe sur le chiffre d’affaires des opérateurs.
Vendredi, les associations représentant les départements (ADF) et le bloc communal (AMF, France urbaine, AdCF, AMRF et APVF) ont publié un communiqué au vitriol pour dénoncer cette « nouvelle réduction des ressources locales ». « En total désaccord » avec les projets de Bercy et les arguments de l’IGF, les associations estiment que justifier « le rabotage » d’une ressource par « son évolution favorable » n’est « pas acceptable ». Elles se montrent manifestement choquées par l’argument selon lequel le produit de l’Ifer augmente plus vite que ne l’aurait fait la taxe professionnelle, dans la mesure où l’État, de son côté, « n’hésite pas à amputer les ressources fiscales des collectivités ». Les associations contestent le fait que l’accroissement de la taxe pèse sur le modèle économique des opérateurs (ce qui n’est « nullement démontré »). Elles ne voient donc dans le projet de réforme qu’une mesure « visant à renforcer la profitabilité de l’activité d’exploitation de réseaux de téléphonie mobile, aux dépens des budgets locaux ».
Il faut maintenant attendre les premières moutures du projet de loi de finances pour 2022 pour savoir à quelle sauce le gouvernement souhaite accommoder l’Ifer, et pouvoir chiffrer la perte potentielle qui pourrait en résulter pour les communes, les intercommunalités et les départements.
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