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FORUM (Salle Marianne) - Mardi 19 novembre 2019 - 10h à 12h30

L’économie sociale et solidaire au service du développement des territoires

L‘ESS peut être bien plus que « réparatrice » !
Le Congrès des maires consacrait, pour la première fois, un forum à l‘Economie sociale et solidaire (ESS). Les élus ont débattu du potentiel et des résultats sur le terrain de cette « autre » économie.

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nscrit pour la première fois au programme des débats du Congrès des maires, le thème de l‘ESS n‘a eu aucun mal à trouver son public : salle pleine, intervenants passionnés par « leur » sujet, nombreuses interventions d‘élus dans la salle témoignant de leur implication dans la dynamique… L‘ESS semble bien « au service du développement des territoires », comme l‘indiquait le titre de ce forum. En introduction des échanges, Laurent Hénart, maire de Nancy (Meurthe-et-Moselle), président de la commission Développement économique de l‘AMF et co-président de ce forum, a pointé quelques-uns des atouts de cette « autre » économie. « L‘ESS est une réponse à l‘évolution de l‘économie de marché qui inquiète tant nos citoyens, avec des centres de commandements de plus en plus lointains. Elle répond à cette confusion et à ce sentiment de délaissement. Par ailleurs, elle permet d‘offrir un accès à l‘emploi aux personnes qui ne sont pas les plus formées, pas les plus immédiatement employables, notamment les plus jeunes », a-t-il ainsi souligné.

Même satisfecit chez Mohamed Gnabaly, maire de L’Île Saint Denis (Seine-Saint-Denis), vice-président de l’AMF et co-président de ce forum, qui a fait le bilan de l‘expérience de sa commune, « pauvre, dans un des départements parmi les plus pauvres », fortement touchée par le chômage et en quête d‘attractivité. En misant sur l‘ESS, l‘élu, lui-même entrepreneur, a pu créer des emplois non délocalisables. Aujourd‘hui, ce secteur est celui qui emploie le plus d‘habitants de L’Île Saint Denis. Mais surtout, qu‘on ne s‘y trompe pas : « l‘ESS n‘est pas un acteur de réparation !, insiste-t-il, il s‘agit bien d‘un outil de développement du territoire, qui permet de trouver des réponses concrètes et locales à des enjeux locaux. Par ailleurs, l‘ESS est un outil d‘émancipation des habitants, en particulier de la jeune génération qui veut plus qu‘un travail, soit un métier qui a du sens. Là, où il y a la pauvreté des biens, l‘ESS peut apporter la richesse de liens ». L’Île Saint Denis devrait avoir très prochainement de nouvelles opportunités puisque cette commune de moins de 7600 habitants accueillera le village olympique des Jeux Olympiques et paralympiques 2024.

En écho, Jean Girardon maire de Mont-Saint-Vincent (Saône-et-Loire), représentant de l’AMF au Conseil supérieur de l‘économie sociale et solidaire, a exprimé sa croyance en l‘ESS : « elle sera de moins en moins de la réparation. Je suis persuadé qu‘elle est l‘avenir car les hommes voudront de plus en plus s‘impliquer, refuseront cette économie traditionnelle qui s‘éloigne des territoires ». « L‘ESS est l‘économie des hommes debout ! » a-t-il lancé, déclenchant les applaudissements de la salle.

Des communes opératrices

A Lille comme à Lyon en faisant un très long détour par la Polynésie, les trois territoires appelés à présenter leur expérience à l’occasion du forum, l‘ESS a un visage aux multiples facettes et pour cause : « elle n‘est pas un secteur, elle est transversale, et c‘est là sa force », a assuré Christiane Bouchart, vice-présidente de la métropole de Lille (Nord) et présidente du RTES (Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire) réunissant des collectivités qui s’engagent pour le développement de l‘ESS sur leur territoire (plus de 130 adhérents).

Mohamed GNABALY, maire de L’Île Saint Denis (93), vice-président de l’AMF.

Laurent HENART, maire de Nancy (54), président de la commission développement économique de l’AMF

L‘élue souligne que l‘ESS « apporte des réponses en matière d‘emploi, d‘alimentation comme d‘attractivité du territoire » et peut prospérer « en ville comme en secteur rural »« C’est une force et les collectivités doivent saisir cette opportunité ». A Lille, la dynamique de l‘ESS s‘est matérialisée, entre autres exemples, par le biais d‘une société coopérative d‘intérêt collectif dans le domaine de la petite-enfance.

Au cours du mandat municipal 2008- 2014, la ville avait un objectif ambitieux de créations de places d’accueil pour les tous petits, projet lourdement entravé par la baisse des financements publics. Les élus ont alors l‘idée d‘associer des acteurs privés et des particuliers à un projet municipal proposant un mode de garde novateur. La ville s‘est mise à la fois en posture d‘initiatrice et en soutien afin de permettre à toutes les parties prenantes de s‘impliquer. Elle a également permis le développement de nombreuses initiatives, comme celle de l’entreprise GECCO qui récupère l’huile de friture pour en faire du biocarburant et alimenter les bus de la ville.

A Lyon (Rhône), Dounia Besson, adjointe au maire, ne le cache pas, le chemin a été long. « J‘ai mis énormément de temps pour démontrer que l‘ESS est une économie à part entière. On n’était pas loin des ricanements envers cette « économie de la réparation », se souvient-t-elle. Comment a-t-elle rallié les élus, la mairie comme les habitants à sa conviction ? En articulant politique de la ville et ESS, par exemple en travaillant avec les structures d‘insertion, en formant les agents aux principes de cette nouvelle économie, et aussi en misant sur un label, « Lyon, ville équitable et durable ». Créé en 2010, ce label marque la volonté de la ville d’identifier les entreprises, commerces, artisans, lieux et événements qui répondent de manière pragmatique aux enjeux du développement durable à travers une offre de consommation responsable.

A Lyon (Rhône), Dounia Besson, adjointe au maire, ne le cache pas, le chemin a été long. « J‘ai mis énormément de temps pour démontrer que l‘ESS est une économie à part entière. On n’était pas loin des ricanements envers cette « économie de la réparation » », se souvient-t-elle. Comment a-t-elle rallié les élus, la mairie comme les habitants à sa conviction ? En articulant politique de la ville et ESS, par exemple en travaillant avec les structures d‘insertion, en formant les agents aux principes de cette nouvelle économie, et aussi en misant sur un label, « Lyon, ville équitable et durable ». Créé en 2010, ce label marque la volonté de la ville d’identifier les entreprises, commerces, artisans, lieux et événements qui répondent de manière pragmatique aux enjeux du développement durable à travers une offre de consommation responsable.

S‘emparer des outils 

Les territoires « French impact »

Clôturant le forum, Gilles de Labarre, adjoint au Haut-Commissaire à l’Économie sociale et solidaire et à l‘innovation sociale, a présenté French impact (1), association loi 1901. Cette initiative gouvernementale lancée en 2018 est conçue comme un « accélérateur d‘innovation » au service des acteurs de l‘ESS. Elle entend rendre les initiatives sociales et environnementales innovantes plus visibles, plus lisibles et mieux financées afin d‘opérer un changement d‘échelle. En février 2019, a été dévoilé le nom des 20 premiers "territoires French impact" (régions, départements ou communautés d‘agglomération), portés par des collectifs d‘acteurs dont des collectivités locales, qui se sont fixé des objectifs sociaux et environnementaux. Avec ce label, ils bénéficieront d‘un accompagnement piloté par le Haut-commissariat et l‘association French impact, ainsi que d‘un accès à des dispositifs de soutien juridiques et financiers. « Les porteurs de projet sont souvent très jeunes, l‘Etat comme les maires ont l‘obligation de les soutenir », a souligné Gilles de Labarre.

Si la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a donné un cadre à la dynamique et encouragé un changement d‘échelle, la mise en place des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) a favorisé l‘essor des projets locaux. Néanmoins, « le législateur doit assurer la protection de l’ESS » car tôt ou tard « la question de la concurrence déloyale de l’ESS face à l’économie traditionnelle se posera », estime Mohamed Gnabaly. 

Observateurs et partenaires de l‘implication des collectivités dans l‘ESS, Jérôme Saddier, président de ESS France et vice-président du Crédit coopératif, et Marie-Martine Lips, présidente du Conseil national des chambres régionales de l‘économie sociale et solidaire (CRESS), ont tous les deux incité les élus à s‘engager encore davantage. « Il est important de travailler avec tous les niveaux de collectivités mais le premier niveau, c‘est bien celui de la commune et de l‘intercommunalité, c‘est là que ça se passe, c‘est de là que tout part, et je ne parle pas seulement du financement mais aussi du « faire comment » », a assuré Marie-Martine Lips. « L‘ESS part du local, a abondé Jérôme Saddier. Je dis aux maires : engagez-vous ! ». Encore une fois, qu‘on ne s‘y trompe pas, tout comme l‘ESS n‘est pas un acteur de réparation, elle n‘est pas non plus « massivement subventionnée », comme on le croit trop souvent. Elle serait en réalité « moins aidée que n‘importe quel secteur économique en France », a-t-il souligné. 

Sophie LE GALL



© Aurélien Faidy - Arnaud Février - Victoria Viennet pour l'AMF
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