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FORUM (Salle de la Démocratie locale) - Jeudi 21 novembre 2019 - 09H30 À 12H30

Lutter contre les violences faites aux femmes : un combat quotidien

Le forum organisé le 21 novembre s‘est clos par la signature d‘un engagement de l’AMF déclarant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes « grande cause » du mandat 2020-2026.

L

e forum « La place des femmes dans les politiques publiques », le troisième sur cette thématique, s‘est ouvert sur une note en demi-teinte : si le scrutin de liste paritaire devrait s‘appliquer aux communes de 500 à 1 000 habitants - disposition adoptée dans le cadre du projet de loi engagement et proximité -, la mesure ne prendra effet qu‘en 2026. Le ton était donné concernant la représentativité des femmes : on avance… mais lentement. Rappelons que la France ne compte que 16 % de femmes maires et 7,5 % de femmes à la tête de structures intercommunales. 

Néanmoins, Edith Gueugneau, maire de Bourbon Lancy (71), présidente de la communauté de communes entre Arroux Loire et Somme et co-présidente du groupe de travail « Promotion des femmes dans les exécutifs locaux » (rebaptisé groupe de travail « égalité femmes-hommes », lire ci-dessous) a tenu à rester positive : « en discutant avec les maires, sur la base du volontarisme, on peut arriver à présenter des femmes dans des communes de moins de 500 habitants », a souligné la coprésidente du forum. Cécile Gallien, maire de Vorey-sur-Arzon (43) et vice-présidente de l‘AMF, co-présidente du groupe de travail de l’AMF et du forum, a évoqué ces femmes qui hésitent à s‘engager : « elles réfléchissent, se disent « je ne connais pas cette fonction, comment vais-je tout gérer ? Travail, mandat, vie de famille… » ». L‘élue a invité les femmes à lutter contre cette forme d‘auto-censure. « Jouons la carte de la solidarité et des réseaux », a pour sa part proposé Alexandra Borchio-Fontimp, conseillère municipale déléguée à la Jeunesse et aux droits des femmes d‘Antibes (06) et membre du Haut Conseil à l‘Egalité, faisant référence au réseau Elues locales, dont elle est l‘une des référentes.

Femmes invisibles, reléguées

Si les femmes engagées en politique ont, en théorie, davantage d‘opportunités qu‘hier de se faire une place, qu‘en est-il de l‘ensemble des femmes ? Ont-elles la possibilité d’occuper l‘espace public ? Le tour d‘horizon dressé par les différentes intervenantes donne la mesure des progrès importants qu‘il reste encore à effectuer. Pour Carole Bienaimé-Besse, conseillère au Conseil supérieur de l‘audiovisuel (CSA), « malgré tous les efforts, les femmes restent sous-représentées », sur nos écrans. Elle appelle les femmes élues à se mobiliser pour participer aux débats politiques : « Ne lâchons rien ! ». Corinne Luxembourg, géographe spécialisée sur la question de la place des femmes dans les espaces publics, a souligné « l‘invisibilité des femmes âgées » et l‘importance de l‘accès au logement social pour les femmes précaires obligées de se loger de plus en plus loin des centres-villes. Pour Yaëlle Amsellem, sociologue à l‘Institut national de la jeunesse et de l‘éducation populaire (INJEP), travaillant sur la problématique de la place des jeunes filles et des jeunes femmes dans l‘espace rural, ces dernières sont assignées à l‘intérieur du domicile et souffrent encore plus que les hommes des difficultés de mobilité. Pour faire bouger les lignes, Madeline Da Silva, adjointe au maire des Lilas (93), et Alexandra Borchio-Fontimp ont toutes les deux indiqué la même direction : sensibiliser et former dès le plus jeune âge. « Il est bien de notre responsabilité d‘élu-e de regarder à quels endroits se forment les stéréotypes », a assuré Madeline Da Silva.

Cécile GALLIEN, maire de Vorey (43) et viceprésidente de l’AMF.

Edith GUEUGNEAU, maire de Bourbon-Lancy (71) et présidente de la communauté de communes Entre Arroux, Loire et Somme.

Violences conjugales : accompagner jusqu‘à la plainte

Ouvrant la seconde partie du forum consacrée à « La mobilisation des maires contre les violences sexistes et sexuelles », Karine Lejeune, commandante du groupement départemental de gendarmerie de l‘Essonne, a appelé à un rapprochement entre élus et brigades de gendarmerie pour échanger. Paradoxalement, les élus sont « à la fois des détecteurs de signaux faibles (…) et peu formés », a-t-elle indiqué. Par ailleurs, la commandante a souligné les difficultés supplémentaires de détection en secteur rural : la méconnaissance des droits y serait plus élevée, l‘absence d‘anonymat aussi sans oublier la question de la mobilité. L‘exemple de Suresnes (92) a permis de comprendre l‘intérêt de mettre en place un « guichet unique » destiné aux victimes. Gunilla Westerberg-Dupuy, adjointe au maire, a expliqué comment la « Maison pour la vie citoyenne », qui rassemble des avocats ou encore des associations spécialisées, était désormais identifiée comme « le lieu où trouver de l‘aide ». Jérôme Bertin, directeur de France Victimes, appelle les élus à mettre en place des permanences d‘associations comme la sienne en mairie.  

En secteur urbain comme rural, ce dont ont besoin les maires à qui vont se confier des femmes, « c‘est d‘avoir les moyens de les mettre à l‘abri en urgence, et donc de disposer de logements communaux », a souligné Edith Gueugneau. En écho direct à cette demande, Aurélien Pradié, député du Lot, a exposé les espoirs qu‘il place dans sa proposition de loi visant à agir contre les violences faites aux femmes qui, espère-t-il, « devrait être opérationnelle avant la fin de l‘année ». La proposition inclut un large volet concernant le logement avec la possibilité de maintenir les femmes dans leur domicile tout en éloignant le conjoint violent. 

Outiller les élus

Invitée à clore cette seconde partie du forum, à quelques jours de l’annonces des mesures retenues à l’issue du Grenelle des violences conjugales (lire ci-contre), Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, a souligné que « le gouvernement ne peut pas agir tout seul » face à ce fléau, et qu‘« évidemment, l‘engagement des élus est primordial ». La secrétaire d’État perçoit les élus locaux à la fois comme « des relais des dispositifs nationaux et des acteurs qui font remonter des informations du terrain ». Au gouvernement d‘outiller les acteurs, « d‘outiller les élus qui ne sont pas des spécialistes de la question, qui ne sont pas travailleurs sociaux » et qui doivent surtout être « capables d’orienter vers les bonnes personnes ». La secrétaire d’État reconnaît qu‘elle « n‘a pas de baguette magique » mais compte mettre en place un ensemble de mesures avec l‘objectif d‘« abaisser le seuil de tolérance de la société vis à vis des violences conjugales ».

Principales mesures du Grenelle des violences conjugales

Le Premier ministre, Edouard Philippe, a présenté, le 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, les mesures issues du Grenelle des violences conjugales :

  • projet d‘inscrire dans la loi la notion d‘« emprise » et de mieux définir ce que recouvre le terme de « violences ».
  • créer une nouvelle circonstance aggravante pour les auteurs de violences dans le cas de harcèlement ayant conduit au suicide.
  • assouplir le secret médical, afin d’encourager les professionnels de santé à signaler les faits de violences dans « des cas très stricts ».
  • création de « 1 000 nouvelles solutions » d’hébergement d’urgence pour les victimes, disponibles en janvier 2020
  • appel à projet afin que deux centres de prise en charge des hommes violents voient le jour dans chaque région, l‘Etat les finançant à hauteur de 50%.
  • formation obligatoire » pour les enseignants sur l’égalité entre les filles et les garçons.
  • la ligne d’écoute dédiée aux victimes de violences conjugales, le 3919, fonctionnera désormais 24 heures/24 et 7 jours sur 7.

« Grande cause » du prochain mandat

Au terme du forum, François Baroin, président de l’AMF, a signé avec Marlène Schiappa et les deux présidentes du groupe de travail « égalité femmes-hommes » de l’AMF, Édith Gueugneau et Cécile Gallien, un « engagement » de l’Association à ce que la lutte contre les violences sexuelles et sexistes soit proclamée « grande cause » du mandat 2020-2026 (1). « Vous pourrez compter sur les maires de France pour soutenir votre engagement. Il était naturel que nous soyons au rendez-vous du gouvernement », a assuré le président de l‘AMF.

Dans ce document, l’AMF s‘engage à lutter « contre ce fléau qui contrevient à la dignité humaine». Elle appelle ses adhérents à « agir sur tous les fronts pour combattre résolument cette réalité insupportable ». L’AMF se fixe une feuille de route articulée autour de sept actions. Parmi les mesures phares : inviter toutes les communes et intercommunalités à prendre une délibération sur « leur détermination et leur projet » en matière d’égalité femme-homme et à désigner « un élu référent » sur ce sujet. Par ailleurs, l’AMF et l’Assemblée des départements de France (ADF) ont formulé des propositions communes dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales (2).

Sophie LE GALL

(1) www.amf.asso.fr ( BW39722)
(2) www.amf.asso.fr (BW39715)



© Aurélien Faidy - Arnaud Février - Victoria Viennet pour l'AMF
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