« Si les ponctions que l’on nous promet pour 2026 devaient être maintenues, nous serions à la rupture. » Réunis hier pour l’ouverture de leur 107e congrès, les maires ont une nouvelle fois mis en garde, hier, lors d’une conférence de presse, sur les conséquences des mesures inscrites dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
La situation n’est pas nouvelle. Il y a déjà eu des « signaux d’alerte », a rappelé le secrétaire général de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) au travers d’une étude qu’il a présentée. En 2024 notamment : malgré des investissements du bloc communal qui repartait à la hausse, quelque « 5 177 communes » voyaient déjà leur épargne nette (l'épargne brute après déduction des remboursements de dette) virée au rouge pour devenir « négative ».
Seulement, « l’avenir ne s’annonce pas meilleur », a prévenu le coprésident de la commission finances de l’AMF Antoine Homé, en référence à l’effort de 4,6 milliards d’euros réclamé par le gouvernement aux collectivités l’an prochain. Plutôt « 7,5 milliards d’euros », selon le calcul des maires.
« Un vrai musée des horreurs [pour lequel] on nous a ressorti toutes les collections vintage de Bercy de tout ce qu’on peut prendre pour affaiblir les collectivités territoriales », a ainsi taclé le maire de Wittenheim. Et la liste est longue : gel de DGF, doublement du Dilico, fusion des dotations d’investissement dans un fonds d'investissement pour les territoires (FIT), mais aussi nouvelle baisse de 500 millions d’euros du Fonds vert ou encore l’absence de FCTVA pour les intercommunalités en 2026…
La DGF ? « Plus de la moitié des communes » pourraient connaître une baisse l’an prochain. La nouvelle mouture du Dilico? « Une forme de vol », a cinglé l’élu alsacien. Mais, « derrière cet arbre, il y a aussi la forêt de l’investissement » avec une perte de 200 millions par rapport aux enveloppes de 2025 et un fléchage de 25 % vers des projets environnementaux. « Nous ne sommes pas des élèves de maternelle », a fustigé Antoine Homé, vilipendant « un système, jacobin directif et infantilisant ».
« Ce qui nous est malheureusement promis en 2026 mettra fin à la capacité d’autofinancement de la plupart des collectivités. Ce qui est déjà en grande partie vrai pour les départements », a renchéri le premier vice-président délégué de l’AMF, André Laignel, assurant également que l’année 2025 allait se terminer « avec des taux de trésorerie ridicules, pour ne pas dire dangereux pour nos collectivités ».
Sans compter « l’effet domino » qui est déjà à l’œuvre. Étant donné que « toutes les collectivités vont mal », « aujourd’hui c’est très compliqué pour les maires d’obtenir des cofinancements », ceux-ci étant « réduits, disparaissant ou étant fléchés », a de son côté regretté le second coprésident de la commission finances de l’AMF, Emmanuel Sallaberry. Et le maire de Talence de prévenir : « Tout cela va peser lourd dans l’investissement des collectivités dans les prochaines années ».
Une perspective confirmée par une étude prospective présentée hier par La Banque Postale et l’AMF dans laquelle elles analysent la soutenabilité financière du bloc communal à l’horizon 2030. Dans l’hypothèse où les coupes budgétaires annoncées pour 2026 verraient le jour, elles avancent que l’épargne du bloc communal serait « malmenée particulièrement du côté des groupements » et qu’il y aurait bien une « interrogation » sur le maintien des investissements.
Dans ce scénario « PLF », l’épargne brute se détériorerait de « 7,8 % pour le bloc communal » (et de « près de 10 % pour les intercommunalités ») entre 2024 et 2030, avec une perte de quelque 3 milliards d'euros par rapport à un autre scénario dit « tendanciel » – qui sert de référentiel et qui a été construit « à partir d’un prolongement des tendances passées ». « Un écart qui s'accroît au fil du temps à cause du Dilico 2 et des règles de conditionnalité du remboursement », a expliqué le directeur des études et de la recherche à La Banque postale Luc-Alain Vervisch.
Le besoin de financement serait ainsi « dégradé » et le recours à l’emprunt « élevé ». Le délai de désendettement passerait de 4,7 ans à 6,6 ans, mais resterait toujours loin « du seuil critique des 12 ans ». Reste que ce scénario ne permettrait « pas d’atteindre les objectifs de transition écologique » inscrite dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). « Le financement de la transition écologique serait donc mis à mal », a confirmé Antoine Homé.
À l’inverse, un dernier scénario « plus ambitieux » – qui tient compte de la réalisation d’un niveau d’investissement élevé (+ 30 % entre 2024 et 2030) – permettrait de tenir ces engagements climatiques. S’il supposerait un recours accru à l’emprunt (28 milliards d’euros en 2030) et aurait « à peu près les mêmes conséquences » que le scénario « PLF » concernant le délai de désendettement, il entraînerait cependant « une dégradation marquée des ratios de finances publiques » pour le bloc communal, selon Luc-Alain Vervisch.
Plus finement au niveau local, et « quelle que soit la strate concernée », « le pourcentage de communes qui se retrouveraient en situation de fragilité augmenterait ». « Un peu plus dans le cas du scénario “climat” et un peu moins dans le scénario “PLF” », a détaillé Luc-Alain Vervisch. Dans les communes de 30 000 à 100 000 habitants, « une sur cinq » se retrouverait en situation de fragilité.
Le scénario « PLF » serait, quant à lui, « plus meurtrier » pour les grands groupements du fait même que « l'effort demandé dans le PLF est proportionnellement plus important sur les EPCI qu'il ne l'est pour les communes ». Ainsi, le pourcentage en 2030 serait de 7,5 % dans les scénarios « PLF » et « climat », mais avec « un pic à 22 % » pour les communautés urbaines et les métropoles dans le premier scénario, indique l’étude.
« On ne mesure pas la colère des maires aujourd’hui ». Et ils le sont d’autant plus que « ces ponctions n’ont jamais servi à redresser les finances de l’État », s’est ainsi désolé Emmanuel Sallaberry.
Face à ce « PLF scandaleux », Antoine Homé a donc dit espérer « que l’on revienne à la raison ». Pour cela, les maires comptent se tourner vers « le Sénat » pour « alléger » la facture, la chambre des territoires ayant déjà rejeté toute ponction supérieure à 2 milliards d’euros. Car ce qui est en jeu, ce ne sont « pas les maires » en tant que tels, mais « les services publics locaux » offerts aux habitants et leur potentiel « affaiblissement ».
A. W. pour Maire-info, article publié le 19 novembre 2025.
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